With the lights out, it's less dangerous (Paco)

La nuit tombe sur Fredelig. Je regarde, à travers la fenêtre de mon petit appartement, le flux d’habitants qui va et qui vient. C’est beaucoup moins dense dans cette partie de la ville, et soyons honnête, ça arrange bien mes affaires. Je tourne le regard vers le sac posé sagement sur mon lit, et je m’en approche pour vérifier minutieusement son contenu. Quelques pierres plus ou moins grosses, des tournevis et d’autres petits ustensiles pour faire la « fête ». Normalement, Paco devrait se charger des bombes de peinture. Faut-il encore que l’on ait le temps de tout faire cette nuit, sinon, ce sera pour une prochaine fois, et je ne doute pas qu’il redoublera d’imagination pour honorer sa part du contrat et laisser un petit cadeau aux habitants de cette ville.

Ce n’est que quelques heures plus tard que je recommence à m’agiter dans ma chambre. Optant pour une tenue sombre, je prends aussi la décision de porter une perruque avec laquelle on ne m’a jamais vue jusqu’à présent. Voyons, il ne faudrait pas se mettre à soupçonner la voisine si silencieuse et tranquille. J’envoie un SMS à Paco, pour le prévenir de mon départ imminent. J’enfile aussi des gants, par précaution, et aussi pour me protéger du froid mordant. Fermant le plus lentement possible la porte de mon appartement, je me glisse ensuite dans le couloir, peinant à ne pas sourire en songeant à ce que nous nous apprêtons à faire.

Heureusement, je ne croise personne, qui trouverait peut-être ça étrange de sortir à une heure si avancée de la nuit en pleine semaine. Le vent glacial m’accueille à ma sortie, et je grimace avant de presser le pas. Merde, je n’avais pas pensé à ça. Ce sera sans doute difficile de lancer les cailloux, du coup. On verra. Le but n’est quand même pas de se blesser. J’arrive au point de rendez-vous une vingtaine de minutes plus tard. Commencer petit, mais commencer fort. Essayer de bousiller l’éclairage public au sein du poumon économique de la ville, c’est un message assez puissant. Je me doute bien que des personnes travaillent peut-être de nuit dans cette zone industrielle, alors je glisse ma capuche sur ma tête et je profite du moindre recoin d’ombre pour m’y faufiler, espérant que ma silhouette passera inaperçue tandis que j’attends mon complice du crime.

Attendre Paco me permet de vérifier les environs. Ce n’est pas vraiment fréquenté, j’ai dû voir passer une voiture depuis ce temps-là. C’est une bonne nouvelle pour nous. Je reste dans l’ombre un petit moment, me protégeant aussi du froid comme je le peux, lorsque je remarque une silhouette se diriger vers moi  « – Salut. » Je réponds en souriant à mon tour, quand Paco dépose son sac sur le sol. Je me détache alors du mur sur lequel j’étais appuyée, et je me contente de sourire un peu plus quand il jauge le lieu choisi. Son commentaire sur les lumières ne tombe pas dans l’oreille d’une sourde, et je dépose moi aussi mon sac sur le sol avant d’ouvrir la fermeture éclair. « – Justement, je pensais qu’on pouvait faire quelque chose à ce sujet-là.  »

Accroupie, je lui montre une pierre et un tournevis, avec une lueur de malice dans le regard, avant de fixer mon regard vers l’un des lampadaires qui nous entoure. « – Il y en a d’autres dans le sac. Je ne sais pas si tu préfères bosser dans le noir et en profiter pour bousiller l’éclairage public au passage, mais je crois que ça serait mieux de bidouiller carrément les fils. Si on lance des pierres, ça risque d’attirer l’attention.   » Et puis, si ça ne lui dit rien, je peux m’en charger, ça ne serait pas mon coup d’essai, et je suis quasi sûre que je ne risquerais rien, même en le faisant les yeux fermés. Si on peut éviter d’avoir de la compagnie tout de suite, je suis preneuse. « – Plutôt bien, ouais. Il y a une usine avec des gens qui la font tourner toute la nuit, elle est à l’angle de la rue, mais si on fait bien notre boulot, on ne devrait pas se faire choper. Ils sont pas payés pour regarder par leurs fenêtres, de toute façon. »

Je hausse les épaules avec un nouveau sourire, et je me redresse pour scruter les environs, tentant de me remémorer rapidement vers où mènent les coins de rue qui nous entourent. « – Je crois qu'on peut atteindre le parc si on prend à gauche. Il doit y avoir un portail dans une ruelle, mais il n'est pas très haut. Si on va à droite, on va s'enfoncer en ville, si on emprunte plusieurs ruelles, on peut les semer, mais on risque de s'épuiser plus vite aussi. » Je hausse un peu les épaules en me traçant ces scénarios dans ma tête, et un nouveau sourire prend place au coin de mes lèvres alors que j'analyse les différents murs autour de nous. « – Surprends-moi ? »

« – Oh, ça ne devrait pas être trop difficile. » Tenir une lampe torche, non mais. J’espère quand même que je vais faire quelque chose de plus palpitant de notre soirée, même si le côté art, c’est son truc, et je ne compte pas y interférer. Quand il me fait part de sa réticence sur les lumières, je fais la moue en réfléchissant à la question. Je n’ai rien contre une bonne course-poursuite, mais si on peut éviter de se faire prendre tout de suite, ça m’arrange. En revanche, j’ai l’impression que le décor autour de nous l’inspire, alors je le laisse d’abord parler, avant de sourire en coin quand il me fait part de son idée. Leur faire croire que c’est hanté. Je ricane en songeant à la nuit qu’on risque de leur faire passer, et je hoche la tête pour lui prouver mon accord. « – Ça me va ! On pourrait se servir des cailloux pour leur faire peur aussi, genre, les lancer dans une pièce ou autre pour attirer leur attention. »

On verra bien ce qu’on fait sur place. Concernant les lumières à l’extérieur, j’affiche un sourire amusé au commentaire de Paco, et j’attrape un tournevis qui traînait dans mon sac. « – Je m'en occupe, je l'ai déjà fait plusieurs fois en Russie. Je ne pense pas que le système diffère beaucoup. » Je hausse les épaules, et je me dirige vers l’un des premiers poteaux, commençant à ouvrir avec précaution la petite trappe, avant de me tourner vers le brun lorsqu’il me propose autre chose avant de me lancer dans le feu de l’action. « – Hmmm.. C'est une bonne idée. Je m'occupe juste de celui-là pour le fun, et après, je te suis. »

Et avec un frisson d'excitation, je me tourne vers les fils qui me font face. Bon, c'est un peu différent, mais en prenant quelques secondes de réflexion, je crois deviner quel est le bon à sectionner pour couper l'électricité de ce poteau. « – Le bleu. Yep, c'est le fil bleu. » Et en chantonnant presque, je retourne vers le sac pour me saisir d'une petite pince. Je m'assure que mes gants sont bien en place, et je reviens à ma position initiale, avant de coupr le dit fil. La lumière vacille un instant, puis se coupe. Si un seul éclairage s'éteint, c'est moins suspect pour le coup, et au moins, ça étanche un peu ma soif de chaos. « – Tadam ! » Je me tourne vers Paco avec fierté, avant de récupérer mes affaires, et je reprends mon sac sur mon dos avant de lever les yeux vers l'usine. « – Que la fête commence. »

Je pouffe un peu lorsqu'il me dit que je pourrais le dépanner pour ses problèmes techniques chez lui, et je hausse les épaules. « – Par contre, je ne bosse pas gratuitement, je te préviens. » Je joue avec mes sourcils, et je me concentre pour savoir quels ustensiles prendre avant de me diriger vers le poteau. J'aurais pu me diriger vers cette branche pour me trouver un boulot ici, mais je crois que mes petits tours de passe-passe, qui me semblent si naturels, auraient pu attirer l'attention. Mieux vaut jouer les anonymes derrière ma cabine au zoo. Même si je m'en plains, je sais bien que ça pourrait être pire, et au moins, ça me permet d'avoir un toit au-dessus de la tête. Je ricane un peu en entendant ses projets pour la mairie, et je ne peux m'empêcher de ressentir un peu de peine pour la maire. Elle est à peine plus âgée que moi, et elle se retrouve à devoir gérer des centaines d'idiots qui ne savent pas très bien ce qu'ils font là. C'est courageux.

« – En tout cas, si tu mets un plan à exécution, tu sais sur qui tu peux compter. » Je souris en pensant au reste de la bande. Je reste concentrée sur ce que je fais, histoire de ne pas finir électrocutée (ce serait bête), et je fronce les sourcils à son questionnement, relevant un instant les yeux vers lui. « – Il y a de sales tarés de partout, et on ne vit pas dans un Disney, alors... Je pense que ouais, c'est probable. » Mon enthousiasme retombe un peu en y songeant, et je reste silencieuse en terminant mon œuvre.  Braquer des banques ou des commerces, s’en prendre au dernier des connards, ça, je l’assume pleinement, mais terroriser des innocents qui n’ont rien demandé, les arracher à leurs familles, c’est bien quelque chose que je ne supporterais jamais. Je me recule quand je réussis à couper le courant, et je regarde la lumière s'éteindre avec un petit sourire, avant de me tourner vers Paco.

« – Ne casse pas l'ambiance, Lombardi. » J'ajoute pour le taquiner, et je retourne vers mon sac pour ranger mes affaires. Normalement, la prochaine étape, c'est l'usine, mais Paco semble en avoir décidé autrement en ce petit laps de temps. Je hausse un sourcil, intriguée pour le coup, et je le rejoins quand il attrape ma main, avant de sourire en entendant le thème de la soirée. En effet, ça me plaît !  « – Depuis quand est-ce que t'as de meilleures sources que moi ? » Je le pousse gentiment, et je le suis ensuite docilement jusqu'au lieu de la soirée.

« – J'imagine même pas tous ceux qui essaient de lui mettre des bâtons dans les roues », je réfléchis à voix haute, et restant malgré tout concentrée. J’imagine non sans mal que l’élection d’une jeune femme à la tête d’une nouvelle ville a dû faire grincer quelques dents. Elle ne doit pas avoir que des admirateurs, mas j’espère pour elle qu’elle sait se défendre, ou mieux, qu’elle sait faire taire ses détracteurs par ses actions. Je ne m’intéresse pas vraiment à la politique ou à la vie de la ville, alors je ne saurais pas dire si elle se débrouille bien ou non, mais tant que Fredelig n’est pas à feu et à sang, on sen sort bien. Quand la lumière s’éteint enfin autour de nous, et que je suis toujours en vie, j’effectue une petite révérence quand Paco me félicite pour mon tour de passe-passe. Et bien vite, le voilà décidé à m’emmener vers une course de voitures.  

Ça fait bien longtemps que je n’en ai plus vu, alors une fois sur place, un sourire efface bien vite la surprise du début. Mes yeux parcourent toute la scène ; ils s’arrêtent d’abord sur les voitures, puis sur les personnes qui nous entourent. Je ne sais pas si tout ça est très légal, mais l’idée de devoir déguerpir en courant à la première sonnerie de police, ça ajoute de la beauté et du piquant à ce qui se déroule sous nos yeux. On arrive juste au début d’après ce que je crois comprendre, alors c’est parfait. On dirait qu’un quartier inconnu de Fredelig vient soudainement de se créer pour des gens qui nous ressemblent. Ça me plaît. « – Très bonne idée », je commente tout en gardant mon sourire, et mon corps se met à bouger de lui-même, au rythme de la musique. Soudain, une idée me traverse l’esprit, et après quelques minutes, je relève les yeux vers mon partenaire de crime. Une lueur malicieuse se lit partout sur mon visage. « – Tu crois qu'on pourrait tester, nous aussi ? » Je sens déjà l'adrénaline m'envahir en m'imaginant au volant d'un de ces bolides.

Je ne sais pas exactement quand va commencer la course, et j'ai l'impression que la plupart des personnes présentes le sont surtout pour l'ambiance, de toute façon. Paco a beau ne pas me connaître depuis très longtemps, comme les autres membres de notre groupe d'ailleurs, mais il ne s'est pas trompé. Je sais bien qu'il faut que je fasse attention à ne pas être trop à l'aise, pour ne pas révéler des choses trop compromettantes ; j'ai envie de leur faire confiance, mais je ne veux pas non plus les entraîner dans mes emmerdes si j'en raconte trop sur moi. Imaginons qu'on finisse par savoir que je suis ici, je ne tiens pas à ce qu'on tente tous les moyens pour remonter jusqu'à moi, y compris mes amis. Toute la difficulté réside dans le fait que je me sente en sécurité avec eux, à ma place, comme si on était une bande de sales gosses qui s'étaient mis d'accord pour venir s'installer en Norvège le plus naturellement du monde.

Et logiquement, toute cette agitation et ce goût d'interdit éveille mes vieux démons. J'ai bien envie d'entrer dans cette ambiance moi aussi, et Paco pourra me rejoindre s'il le souhaite. Je ne perds pas de temps avant de lui faire part de mes intentions, et j'affiche un petit sourire quand il approuve. Non pas que j'ai besoin de son feu vert pour me lancer là-dedans, mais puisqu'il est celui qui m'a menée jusqu'ici, ça ne serait pas très classe de faire ma vie tout en le laissant sur le banc de touche. J'analyse encore un peu la scène, histoire de savoir à qui m'adresser, et je montre à Paco un homme au blouson noir avant de me diriger vers lui. Il traîne autour des voitures, regarde autour de lui plusieurs fois et de nombreuses personnes viennent le voir, pour x ou y raison, alors je pense qu'on a le responsable sous les yeux, ou du moins, l'un des organisateurs.

« – Salut ! Est-ce qu'on peut se faire une course, nous aussi ? » Je demande, avant de me tourner vers Paco pour le montrer du doigt, histoire que l'autre ne se fasse pas de fausses idées. « – C'est pas pour les gentils petits couples en manque de sensations fortes, désolé. » Les sourcils froncés face à son ton condescendant, je lui refais face et je croise mes bras, ne me gênant pas pour le regarder de haut en bas. « – On est bien loin d'être ce que tu t'imagines, alors remballe tes excuses. » Je ne sais pas si c'est une manière de tester si on a du cran ou non, histoire de voir ce qu'on a dans le ventre avant de piloter ces bolides, mais s'il me cherche, il va me trouver en tout cas.

Je vois bien que le gars à qui je m'adresse essaie de se montrer impressionnant, histoire de voir mes réactions, mais je ne me laisse pas déstabiliser pour si peu : des comme lui, j'en ai déjà croisé quelques-uns au cours de ma vie, alors qu'ils soient Russie ou Norvégiens, je compte bien lui prouver que je ne vais pas me laisser marcher dessus. Et puis quoi, parce que je suis une fille, je n'arriverais pas à lui tenir tête ? Ben tiens, même si je me fiche bien du projet de Fredelig, sur ce coup-là, je me ferais un plaisir de lui rappeler dans quelle ville il se trouve. Paco me rejoint, et j'affiche un sourire satisfait quand je vois qu'il entre dans la partie pour prendre l'un des organisateurs à son propre jeu. Il ne nous reste plus qu'à gagner l'éventuelle course maintenant, comme ça, s'il suit le conseil de Paco, il y a de quoi se faire un paquet de fric assez conséquent. Certes, on n'aura pas fait peur à de pauvres employés bloqués dans leur usine pour une nuit entière, mais on aura gagné au change, en repartant d'ici les poches pleines.

Je hausse un sourcil quand le gars s'adresse directement à Paco pour savoir s'il va conduire, et je lui aurais bien jeté une remarque amère au visage, si la nouvelle réplique de Paco ne m'avait pas fait sourire avec un regard mauvais. C'est cool d'être avec quelqu'un qui assure toujours vos arrières ; j'ai conscience d'avoir de la chance d'être tombée sur cette bande. « – Voilà qui devrais te rassurer, non ? Je vais forcément perdre. » J'appuie mes mots avec une ironie non feinte, et je me tourne ensuite vers une fille avant de lui offrir un grand sourire en attrapant les clés qu'elle me tend. « – Merci ma belle ! » Je lui fais un clin d'œil, et je regarde la voiture déjà prête à partir avant de hocher la tête.

Je lance un regard complice à Paco, et j'agite les clés sous son nez avant de retourner dans la foule avec lui. J'assiste au départ des deux pilotes, comme tout le monde, et je sens l'adrénaline courir dans mes veines au fil des minutes, parce que plus le temps file, plus ça signifie que ça va bientôt être notre tour. Et peu de temps après, la première voiture revient vers nous, provoquant de vives exclamations dans la foule. Je me mets à applaudir avec tout le monde, et des sifflets se font entendre tout autour de nous. Je vois des couronnes passer de main en main, et mon regard croise celui de la fille de tout à l'heure. Elle me fait un signe de la tête vers les deux bolides, et je vois déjà notre concurrent se diriger vers la sienne. J'attrape alors le bras de Paco pour me diriger vers la voiture.  « – T'es sûr que tu veux que je conduise ? Être passagère, ça ne me dérange pas. »

On dirait bien que notre grand moment est arrivé. Après avoir pavané devant ce type, maintenant, je sais très bien qu'il nous attend au tournant : si on se plante, il va se faire un malin plaisir de nous rire au nez dès qu'on sera arrivés (et s'il se contente de faire seulement ça, à mon avis, on sera chanceux malgré tout). Je ne compte pas le laisser se moquer de nous comme il a eu l'intention de le faire, au contraire, j'ai bien envie qu'il se souvienne un long moment de ce "petit couple en manque de sensations fortes", et pour des bonnes raisons. Mes yeux font le tour du bolide avec un regard satisfait, mais je demande quand même l'avis de Paco, jusqu'au dernier moment. Il peut y avoir une différence entre ce qu'il a dit à ce type, et ce qu'il veut vraiment.

Je hausse un sourcil avec un air de défi quand il me demande si je veux donner raison à l'autre abruti. Je sais bien ce qu'il essaie de faire : me donner assez de niaque pour faire fermer le clapet de tout le monde, et ça marche. Tant mieux. « – Bien sûr que non. » J'affiche un sourire en coin, et je pousse un petit bruit d'exclamation une fois à l'intérieur de la voiture. C'est du bon matos, ça c'est sûr, et je n'ai que rarement été à bord de tels véhicules. En revanche, appuyer à fond sur la pédale de l'accélérateur, ça je sais faire, alors même si je suis impressionnée, je ne compte pas me laisser démonter pour autant. « – Je te revaudrais ça ! Accroche ta ceinture, et évite de te faire dessus. »

Je rigole, mélange d'amusement et d'adrénaline, de petit stress aussi, mais je fais attention à ne pas me laisser dominer par cette émotion. Je dépose un baiser sur sa joue, et je m'attache aussi avant de démarrer, et je place mes mains sur le volant. La curiosité me pousse à regarder nos concurrents, et je le surprends à nous regarder déjà ; d'ailleurs, il fait gronder le moteur de sa voiture, et je roule des yeux. S'il comptait me faire peur, c'est complètement raté. « – Elle doit être rikiki », je pouffe un peu en soufflant ça à Paco, et je me concentre quelques secondes après sur le départ imminent de la course. Quand il est enfin donné, j'accélère sans perdre de temps et je passe rapidement les vitesses, faisant gronder la voiture de plus en plus fort. Je jette quelques coups d'oeils dans le rétroviseur, mais je n'oublie pas non plus de regarder devant moi, histoire qu'on ne se prenne pas un platane ou que je ne renverse personne. « – Il est à la traîne, le frimeur ! » Je parle fort et je ressens des frissons partout sur mon corps, mais cette décharge d'adrénaline me fait du bien.

Une fois derrière le volant, je tape dessus avec envie, impatiente comme une gamine à qui on viendrait de payer un tour de manège. Je ne peux pas m'empêcher de faire un commentaire sur notre adversaire, et mon rire s'accentue en entendant la remarque de Paco. « – Te prive pas pour moi, après tout je conduis, chacun prend son pied comme il veut. » Amusée, je deviens ensuite silencieuse peu de temps après, mêle si ça paraît bizarre, mais c'est parce que le départ approche, et je veux être le plus concentrée possible. Ce serait ridicule d'avoir fait les fanfarons pour échouer trop facilement. Quand on est enfin partis, j'écrase la pédale d'accélérateur, et je passe rapidement les vitesses alors que la voiture grogne pour en avoir un peu plus.

C'est difficile de savoir regarder partout à la fois, prendre de la vitesse tout en gardant un minimum de sécurité. C'est même difficile de bouger mes bras alors que j'ai l'impression d'être plaquée au fond du siège à cause de la vitesse, mais je crois que je me débrouille pas trop mal. Les cris de Paco m'encouragent aussi à continuer et à accélérer, et je me mets à rire bêtement quand il m'informe qu'il est sur le point de me rattraper, à un moment ou un autre. « – Dans ses rêves, oui ! » Je donne un coup de volant sans doute un poil trop violent, parce que j'entends l'exclamation de Paco. Je m'autorise à le regarder une demi seconde, et je suis rassurée quand je le vois rire. Plus de peur que de mal. C'est vrai qu'on n'a pas de casque ni d'autre type de protection, alors c'est carrément nul niveau sécurité, mais je m'en voudrais s'il était blessé par ma faute.

Quand j'aperçois la ligne d'arrivée de loin, j'accélère encore, quitte à faire fumer le capot de la voiture. Je ne sais pas si c'est possible, mais peu importe, je suis prête à tout pour gagner maintenant, surtout quand on sait que l'autre ne m'a dépassée à aucun moment. C'est carrément un coup de chance, parce qu'il y a bien longtemps que je n'ai plus fait ce genre de choses, mais je vais bien me garder de le dire. Quand on arrive enfin en premiers, je me mets aussi à crier en même temps que Paco, et je me remets à rire avec lui. Ce n'est que maintenant que je me rends compte que mon cœur bat comme un fou contre ma poitrine, et mes jambes trembler, à cause du stress et de leur tension sur les pédales. J'ai des frissons de partout aussi, autant de sensations que je savoure après tout ça.

Quand je sors à mon tour de la voiture, je m'appuie un peu dessus, histoire de reprendre mes esprits, mais mon sourire est bien vite de retour en voyant les exclamations de la foule. Fair-play, je vais aussi serrer la main de notre adversaire, et je rejoins Paco en gardant mon sourire. Je ne retiens même pas mon rire quand il récupère quelques billets du mec de tout à l'heure, et je lui fais un petit signe de la main avec un faux sourire. « – J'espère quand même que tu vas te méfier des petits couples à l'avenir. » Et un clin d’œil plus tard, je m’éloigne avec Paco, sautillant un peu contre lui en voyant tout le monde hurler autour de nous, parce que l’adrénaline est toujours présente. « – T'as eu une idée de génie ! » Je lui crie par-dessus le bruit. Je ne sais pas si ces courses de voiture sont fréquentes ici, mais si c'est bien le cas, ils risquent de m'y revoir souvent.