Nous sommes dimanche soir, et… je n’ai rien fait de ma journée. Mais alors r-i-e-n. J’aimerais bien culpabiliser et ce sujet et me dire que j’aurais sans doute dû me bouger les fesses pour faire un tout petit truc, mais même pas. Il faut dire qu’avec la semaine de dingue que je viens de subir, il me semble qu’un petit jour de repos, sans penser à rien, c’est bien mérité. Qui plus est, je vais savoir la semaine prochaine si j’aurais ou non mon diplôme, et ça m’angoisse profondément. Je suis quasi sûre que c’est cette incertitude qui me pousse à me renfermer et ne rien faire. Et au moment où je vous parle, me voilà confortablement installée dans mon lit, en pyjama, mon ordinateur sur les genoux, et devant Netflix. Ma petite sœur, Eva, m’a dit qu’elle passait la soirée avec quelques amies, et elle m’a envoyé un message avec photo à l’appui pour me dire qu’elle était bien arrivée à destination, alors je ne m’en fais pas.
J’ai hésité un petit moment sur le film que j’allais regarder, et je me suis finalement décidée pour un film d’horreur. Ce n’est sans doute pas l’idée du siècle quand on est seule, mais que voulez-vous, j’aime vivre dangereusement. Et puis, j’ai des bonbons en guise d’arme de guerre, alors tout devrait bien se passer. Après quelques minutes de visionnage, je suis quand même bien moins confiante qu’au tout début, mais le pire est encore à venir : il survient quand j’entends frapper trois coups contre ma porte.
Poussant un cri de surprise, je sursaute si fort que je parviens tout juste à rattraper mon ordinateur portable. Un peu plus, et il faisait une jolie chute, tout droit vers le sol. On adore. « – Euuuh… C’est qui ? » C’est la petite fille du film qui vient se venger, c’est ça ? Bon, je n’ai rien fait de mal à qui que ce soit, mais admettez que c’est quand même louche, non ? Ma voix est plus perchée que d’habitude, et ma main tremble un peu quand je me force à mettre le film sur pause pour attendre la réponse de la personne (ou la chose) qui se cache derrière ma porte.
Je décide quand même de rassembler tout le courage dont je suis capable pour me lever. Je regarde un instant autour de moi, à la recherche d’une arme, et je ne trouve rien de mieux qu’une lampe de bureau. Je me débarrasse vite fait bien fait du fil, et je la pointe devant moi avant d’ouvrir la porte d’un coup. Et… Pas de monstre, mais bien quelqu’un d’humain devant ma porte.
J’aurais sans doute été moins froussarde si Eva était avec moi. Elle m’aurait peut-être convaincu de regarder autre chose, aussi. Mais maintenant que le film est lancé, j’ai envie de connaître la suite de l’histoire maintenant, même si ça veut dire ne dormir que d’un œil, ou bien avec les lumières allumées. Les yeux rivés sur l’écran de l’ordinateur, je me sens tellement prise par l’intrigue que j’oublie un peu où je me trouve, d’ailleurs, et de simples coups contre la porte suffisent presque à me faire sauter au plafond. Je me remets à peine de mes émotions quand je comprends que quelqu’un vient de frapper. Ça, c’est pour le côté rationnel, mais mon subconscient me fait vite passer par tous les scenarii possibles et imaginables. Comme si regarder un film d’horreur allait automatiquement amener toutes ces créatures à la vie…
Je mets plusieurs secondes avant de réagir, et quand je me redresse, je débranche quand même ma lampe de chevet pour m’en servir au cas où. On n’est jamais trop prudents : ce n’est peut-être pas un monstre, mais des gens mal intentionnés, ça existe encore, même si je doute qu’ils seraient entrés de la sorte. Quand je me retrouve nez à nez avec un garçon d’à peu près mon âge, je me sens rassurée. Seulement, il ne me semble pas l’avoir déjà croisé sur le campus, alors je reste malgré tout sur mes gardes. Je me sens un peu bête quand j’écoute ses explications jusqu’à la fin, et je baisse ma langue, mes yeux regardant maintenant la carte entre ses doigts.
C’est bien ma tête dessus, alors il n’a pas menti. J’esquisse un sourire désolé alors que je repose sagement ma lampe de chevet sur le premier meuble, et j’attrape ma carte étudiante avec un hochement de tête. J’ai tendance à être étourdie quand je mange avec quelqu’un, alors c’est un scénario très probable. « – Merci. Et désolée, je ferais plus attention la prochaine fois ! » Si ça devient une habitude, tu risques bien de te faire radier de ce restaurant, et plus encore s’il apprend au reste de l’équipe ta drôle de manière d’accueillir les gens qui viennent frapper chez toi. D’ailleurs, tu retrouves un peu tes esprits, et tu te rends compte du ridicule de la situation, alors tu pouffes un peu en montrant la fameuse lampe du doigt. « – Euh.. Je regardais un film d'horreur, alors ceci explique cela. Je n'suis pas comme ça en temps normal. »
Plus de peur qu’autre chose – heureusement – je ne me retrouverai pas dans les colonnes « faits divers » de Fredelig News demain matin. Sauf que voilà, je me retrouve nez à nez avec un jeune homme qui ne s’attendait certainement pas à un tel accueil, et je me sens bien penaude quand je dois lui expliquer le pourquoi du comment. Pour sûr, il ne manquera pas de me rappeler cet événement si on vient à se croiser sur le campus, même s’il ne me semble pas l’avoir croisé avant ce soir. Je fais de mon mieux pour expliquer ma réaction de façon la plus crédible possible, mais même moi, j’ai envie d’éclater de rire. Si Eva était à la place de Benjamin, elle ne me laisserait jamais oublier ça.
Je pouffe un peu en entendant le surnom qu’il me donne, et je grimace un peu, avant de poser sagement l’arme du crime sur le meuble le plus proche. « – Si c’est démocratisé un jour, tu auras eu la pionnière devant toi au moins. » Mon embarras augmente un peu plus quand je récupère ma carte étudiante, parce même si deux événements n’ont rien de grave en soi, ça n’en reste pas moins gênant. « – Carrément ! Je n'aurais pas accès à la bibliothèque, sans ça. Bon, j'ai presque fini mes études, mais j'en aurai sans doute besoin dans les semaines à venir. » Je lui offre un sourire reconnaissant, et je tourne moi aussi la tête vers l’écran, grimaçant un peu en apprenant que le film que je regarde n’est en fait pas si effrayant, du moins pour lui.
Bon, maladroite et peureuse, je crois qu’il a dressé un superbe portrait de moi dans sa tête. Je souris un peu plus sincèrement quand il me conseille d’allumer la lampe, et je rigole aussi, hochant la tête. « – C'est probablement mieux comme ça, si j'attaque ma petite sœur quand elle rentrera, pas sûr qu'elle le prenne aussi bien que toi. » Je vais ranger ma carte étudiante, histoire de ne pas la perdre dans ma chambre, pendant que j'y pense, et je me tourne ensuite vers Benjamin avec un petit sourire. « – Merci en tout cas, t'aurais pu la laisser aux objets trouvés, et j'aurais jamais pensé à aller chercher là-bas, je me serais juste dit qu'on me l'avait volée. »
Une fois la honte passée, je repose la lampe à sa place, et j’espère sincèrement que cet épisode sera oublié pour de bon, même si je pense que le surnom de la fille à la lampe va me suivre encore un bon moment. J’ai de la chance que personne ne soit passé dans le couloir à ce moment-là, parce que même si Benjamin s’est montré plutôt courtois à ce sujet, je doute que ça serait passé auprès des autres, et je me serais sans doute exposée à quelques moqueries dans les jours suivants. Boh, après tout, ce n’est rien de bien méchant.
Une fois ma carte étudiante récupérée, je la range dans un lieu sûr pour être sûre de ne pas la perdre à nouveau : c’est-à-dire directement dans l’une des poches de mon sac, comme ça au moins, peu de risque de la perdre. J’ai sûrement dû la glisser dans une poche de mon jean et la laisser glisser au restaurant, ou bien la laisser tout bêtement posée sur la table. J’ai eu l’esprit tellement embourbé par les révisions et les partiels ces dernières semaines, que je ne réalisais pas trop ce que je faisais si je n’avais pas bu au moins trois tasses de café par jour. J’affiche un nouveau sourire reconnaissant quand il m’explique que c’est ma maman qui l’a poussé à venir me rendre la carte, et je pouffe un peu à la mention des démarches administratives pour la récupérer.
« – En plus, je finis mes études dans quelques jours, si tout va bien, alors ça aurait été un peu pénible de devoir la refaire, je ne te le cache pas. » Mais pourtant nécessaire, parce que sans ça, je ne suis pas certaine qu’on m’aurait laissée entrer dans une salle d’examen, même en prouvant par A+B que je suis bel et bien étudiante ici. Il mentionne qu’il n’est jamais entré sur le campus, et ça répond à ma question silencieuse : il n’est sans doute pas étudiant. « – C’est cool, ça reste une université, mais les profs sont plus disponibles qu’ailleurs. Enfin, qu’en France en tout cas. Et on croise pas mal de monde de nationalités différentes, c’est sympa. »
Il va peut-être prendre ça pour une pub pour l’université, alors je n’en dis pas plus, histoire de ne pas l’embêter. Et puis il m’a bien dit qu’il vient tout droit du restaurant, alors je ne veux pas le retenir trop longtemps s’il y est attendu. « – C'était quel restaurant ? Histoire que j'aille remercier ta maman à l'occasion ! »
Je crois bien qu’il va se souvenir de moi et ma technique de défense pendant un long moment, mais pour ma défense, je crois que ça aurait pu être pire. Si j’étais vraiment une drama queen dans l’âme, il aurait pu m’entendre pousser des cris angoissés devant mon écran, et là, la scène aurait vraiment été ridicule. Je sais bien qu’il suffisait tout simplement de changer de film au moment même où je sentais que je commençais à stresser, mais une part de moi a quand même envie de connaître le fin mot de l’histoire et de le regarder jusqu’à la fin. Et puis, ce qui me rassure, c’est de me dire que les locaux de l’université sont flambants neufs. S’ils avaient été vieux, en revanche, ça aurait été une autre paire de manches, et après ma rencontre avec Ben, j’aurais probablement arrêté ma séance ciné pour ce soir, histoire de ne pas pousser ma chance trop loin.
Une fois que mon rythme cardiaque s’est calmé et que je réalise qu’il n’y a aucun danger, je remercie Ben et sa mère d’avoir pris le temps de trouver ma carte et de la ramener. Dans la précipitation, quelqu’un d’autre aurait pu la mettre dans un sac poubelle en nettoyant une table, alors je sais que j’ai eu de la chance de me passer de démarches administratives en pleine période de partiels. Je suis déjà suffisamment stressée, et je n’avais vraiment pas besoin de ça. Je lui demande alors le nom du restaurant, pour que j’aille remercier aussi sa maman en face-à-face, et j’attrape la carte qu’il me tend.
Il me faut quelques petites secondes, mais j’arrive à me rappeler le restaurant dont il s’agit. Et en effet, j’étais assez nerveuse ce jour-là. Voilà pourquoi j’ai laissé ça derrière moi. « – Oh, je m’en souviens ! C’est un resto cool, j’y retournerai sûrement. » Et je ne le dis pas seulement pour lui faire plaisir ou parce que je me sens redevable, mais je le pense vraiment – j’ai toujours aimé sortir et (re)découvrir des endroits, alors une fois les examens passés, c’est bien ce que je vais faire. Je l’écoute ensuite me raconter qu’il est surtout en cuisine, et je pouffe un peu à la nouvelle mention de la lampe. Décidément, cet accessoire va me coller à la peau.
« – J'en parlerai autour de moi en tout cas ! Comme ça, je vais vous ramener du monde. » À commencer par les filles de la sororité. Faire de la pub gratuite, c’est bien le moins que je puisse faire. Je lui proposerais bien une soirée ciné autour d’un nouveau film d’horreur un de ces soirs, mais je n’ai pas le sentiment que ce genre de cinéma l’impressionne vraiment, et pour le coup, c’est moi qui risquerais de me retrouver avec un coup de lampe sur la tête, juste pour la blague.
Je suis vraiment contente d’être tombée sur quelqu’un comme Ben – d’après ce que j’ai compris, c’est surtout sa mère qui a insisté pour qu’il vienne me rendre cette carte, certes, mais ça aurait pu aussi être quelqu’un qui prétend le faire, et balancer ma carte à la poubelle le temps de prendre une pause avant de retourner au travail. Je suis aussi contente d’avoir préféré passer ma soirée devant un film au lieu de sortir, pour une fois. Comme quoi, changer ses habitudes, ça peut avoir du bon de temps en temps. Et évidemment, je suis aussi contente qu’Eva ne soit pas là. Comme je l’ai dit, d’une, elle se serait bien foutu de moi et ne m’aurait jamais laissé imaginer cette scène. Et de deux, je sais aussi que ça peut être une vraie fouineuse. Elle ne m’aurait sans doute pas lâché de toute la soirée pour essayer de savoir si on se connaissait avant ou non.
J’ai l’impression que le moins que je puisse faire, c’est le complimenter sur le restaurant et lui dire que je vais faire de la pub. Pas parce que je me sens obligée, mais parce que c’est assez simple à faire, et il me semble que c’est la bonne chose pour lui renvoyer l’appareil. « – Si ça peut te rassurer, c’est ma dernière année ici, alors il y a de fortes chances pour que ce soit la seule et unique fois que ça se produise », je rajoute avec un petit sourire. Je ne garantis pas qu’aucun.e autre étudiant.e ne va pas faire la même chose que moi, en revanche. Ils devraient peut-être même un petit macaron sur la vitrine, avant d’entrer, pour rappeler aux étudiants de faire attention à leur carte. Ce n’est pas comme si j’étais la seule à être tête en l’air, que ce soit en période d’examens ou non.
L’idée de dire aux serveurs que la fille à la lampe s’est installée m’amuse, même si on risque de me regarder bizarrement. Après tout, le ridicule ne tue pas. « – Je suis loin de connaître tout Fredelig, mais on est un petit groupe dans les filles de la sororité. Si ça leur plaît, elles peuvent aussi ramener leurs amis de leur côté, alors ça peut vous faire pas mal de monde ouais ! » Quand il me demande s’il peut voir à nouveau la carte, je le laisse la reprendre, intriguée. Il s’est peut-être rendu compte que ce n’était pas la bonne ? Je le regarde noter quelque chose sans rien dire, puis je récupère la carte du restaurant, regardant le dos pour y voir noté un numéro de téléphone.
C’est vrai que c’est encore un inconnu techniquement parlant, mais il ne m’a pas l’air d’avoir de mauvaises intentions. Et puis, mon côté sociable refuse rarement l’idée de se faire de nouveaux amis. Je garde en tête que dans quelques mois, je ne mettrai plus les pieds ici, je serai dans le monde des adultes, et c’est en général plus difficile de s’y faire des amis. Si je peux déjà commencer à trouver de nouvelles têtes à croiser, c’est un plus et un souci en moins auquel penser en dehors de sa vie pro. « – Avec plaisir ! Ça m’éviterait d’assommer quelqu’un pour de bon avec ma fameuse lampe. » Il a l’air assez pressé, alors je ne lui propose pas de s’arrêter maintenant, mais ne serait-ce que pour la blague, je serais bien contente de lui envoyer un message.
Qui aurait pu penser que perdre ma carte étudiante aurait pu nous mener là. C’est bien un signe qu’on est en Norvège, et que la mentalité nordique est différente de celle que j’ai pu connaître en France. Je ne dis pas qu’il n’y a que de mauvaises personnes là-bas, très loin de là même, mais j’aurais eu bien moins de chance de retrouver ma carte. En tout cas, je doute que quelqu’un serait venu me la remettre en mains propres. Je l’aurais retrouvée par hasard, ou alors en me renseignant au bureau des objets perdus de la ville, peut-être. Après tout, quoi faire d’une carte d’étudiant quand ce n’est pas la sienne ? C’est cette attitude avenante et cette liberté d’être qui je souhaite qui me donne envie de rester ici, même si mes études seront terminées d’ici quelques semaines (avec un peu de chance). Et puis, je n’ai pas envie de laisser ma petite sœur toute seule.
Je sais qu’elle a ses repères désormais, tout comme moi, mais je veux m’assurer d’être présente pour elle dans les bons comme dans les mauvais moments, sans être trop collante pour autant. Elle est encore jeune et même si elle ne me le dira jamais de vive voix, je sais que ma présente la rassure aussi. Je suis surprise quand il me donne son numéro, mais j’affiche un petit sourire quand il me précise que je peux le contacter dès que j’en ai l’envie (et plus encore si je regarde un film d’horreur). Il n’a pas l’air d’être un garçon prêt à harceler les filles de messages, de toute façon. Certes, je ne le connais pas, mais je le devine avec son attitude. Il ne me fait pas vraiment de grand numéro. Il cherche peut-être à se faire des amis, tout simplement, et qui pourrait dire non à ça ?
« – Je t’enverrai un SMS un peu plus tard pour que tu aies le mien aussi », j’explique avec un petit sourire, et je remarque qu’il s’en va en reculons, casque sous le bras, en me disant qu’il ne doit pas trop tarder pour regagner le restaurant. J’espère que je ne l’ai pas trop retardé. Mais si j’ai bien compris, il travaille avec sa mère et c’est elle qui l’a envoyée ici, alors elle ne devrait pas vraiment lui en tenir rigueur. « – Je suis contente d’être tombée sur toi moi aussi ! »
Je rigole un peu, pour cacher ma gêne et mes joues qui menacent de devenir roses d'un instant à l'autre. Il m'a l'air assez pressé pour ne pas l'avoir remarqué de toute façon, mais je lui fais aussi un dernier signe de la main avant de regagner ma chambre. Une fois ma carte rangée en sécurité et ma lampe à nouveau branchée à mon bureau, je retourne sous ma couette pour relancer le film, et je ne manque pas d'envoyer un SMS victorieux à Benjamin quand je parviens à le regarder en entier, et tout ça sans crier. Bon, j'ai bien sursauté une ou deux fois, mais il n'est pas obligé de le savoir.
HRP:
N'hésite pas à me dire quand tu voudras un autre RP du coup