Quand je me suis rendu compte que mon année sabbatique allait bientôt toucher à sa fin, j’en ai profité pour me recentrer sur moi-même et me demander ce que je voulais vraiment dans la vie – aller dans une autre branche ? Non. Je voulais travailler, vraiment, mais les responsabilités de mon métier et devoir faire le grand saut par moi-même ont eu tendance à m’effrayer. Et puis, je me suis aperçue que personne d’autre que moi ne pouvait m’aider. L’univers m’a tout de même envoyé un signe quand j’ai repéré une annonce dans les colonnes de Fredelig News. Le CHU de Bergen recherchant quelques psychologues supplémentaires pour étoffer ses équipes.
J’ai présenté ma candidature sans trop réfléchir, et évidemment, j’ai dû passer plusieurs testes écrits et oraux sur plusieurs semaines avant d’être fixée. Les candidats étaient nombreux, mais j’ai eu de la chance d’avoir été retenue parmi ceux choisis. Je me suis retrouvée en service pédiatrique, et c’est vrai qu’avec ma personnalité, travailler avec des enfants ne me pose aucun problème. C’est même une grande joie, même si certains jours sont plus faciles que d’autres à encaisser, mais ça fait partie du métier, et j’ai été prévenue d’emblée.
Ce jour-là, quelques heures après avoir pris mon service, je profite d’une des pauses de ma journée pour me rendre dans la salle dédiée au personnel. Je salue les collègues déjà présents, et j’attends quelques minutes que la machine à café se libère pour m’en servir un. Encore un peu impressionnée par cet univers, je me contente de rester dans mon coin un instant, me contentant d’écouter sagement les anecdotes que s’échangent ceux et celles rassemblés autour de la table.
Mon regard se relève lorsqu’une nouvelle silhouette entre dans la pièce, et je souris à Shun-Tao lorsque je l’aperçois. Il est l’un des premières personnes que j’ai rencontrées en arrivant à l’hôpital, et aussi le premier à me mettre à l’aise. « – Hey ! Comment tu vas ? »
Encore une journée de boulot parmi tant d'autres. Shun Tao est présentement à l'hôpital. Il vient d'administrer des soins à une personne atteinte d'une gastro bien contagieuse. Par chance il est suffisamment protégé pour ne pas avoir la même maladie que son patient. Et puis à terme à force de traîner au quotidien avec des patients on finit par être comme immunisé sur certaines maladies du genre. C'est le cas de Shun Tao qui a vu son corps apprendre à être plus résistant à mesure que le temps passe. Alors qu'on l'envoie en pause il constate qu'un grave blessé vient d'arriver, un accident de la route visiblement. Il fait la moue, déçu de ne pas pouvoir s'occuper de ce cas en particulier. Mais il décide de se rendre jusqu'à la salle de pause du personnel et à peine entré il voit certains de ses collègues infirmiers hommes comme femmes le fixer, certains lui demandent comment ça va avec son beau flic et il lève les yeux au ciel. « Il va bien merci. Vu qu'il n'est pas revenu pour une blessure j'imagine que ça va. » Mais bien entendu ce n'était pas vraiment la réponse que ses collègues infirmiers et infirmières voulaient. Cependant Shun Tao étant du genre discret et réservé sur sa vie privée décide d'ignorer les questions qui lui sont posées alors qu'il entend sa jeune collègue psychologue s'adresser à lui « Bonjour April ! Je suis content de te voir ! » Il lui parle en français exprès pour que personne ne comprenne leur conversation et ainsi qu'on le laisse tranquille. Puisque Shun a vécu deux ans en France à Paris il a appris la langue et la parle plutôt bien désormais. « Ça va et toi ? » Il lui sourit en la scrutant tout en continuant à lui parler dans un français impeccable qui laisse ressortir son accent chinois. « Tu t'adaptes bien à ta nouvelle ici et ton nouvel emploi ? » Parce qu'il s'intéresse à elle après tout et espère que tout se passe au mieux pour la jeune française au sein de cet hôpital où il y a bien trop de commères selon le jeune hongkongais.
C’est difficile de savoir si je suis tombée dans une bonne équipe ou non étant donné que jusqu’à présent, je n’ai pas d’expérience professionnelle en dehors de quelques stages d’observation. Et puis, je n’ai jamais travaillé dans un hôpital. Mais on me laisse y aller à mon rythme, et à vrai dire, ce sont plutôt les réactions des enfants qui me donnent de l’anxiété. Si aucun accident n’est à déplorer pour le moment, je redoute pourtant le moment où ça ne passerait pas avec un enfant – parce qu’il n’est pas prêt, ou bien parce que je ferais preuve de maladresse. Mais je sais aussi que se passer en boucle les pires scénarios c’est aussi la meilleure manière de les attirer à soi, alors j’essai de positiver au maximum et de me dire que je fais du bon boulot pour le moment.
En tout cas, c’est bien ce qu’on me dit. Je sirote tranquillement mon café lorsque Shun-Tao entre, et je souris un peu plus lorsque je réalise qu’il parle en Français – c’est gentil de sa part, même si je me doute bien que c’est aussi pour éviter que quelques oreilles ne s’aventurent dans notre conversation, si j’en crois la chasse aux potins à laquelle je viens d’assister. Ça attire aussi ma curiosité évidemment, mais il n’a pas franchement envie d’en parler alors je n’ai pas envie de l’embêter avec ça. « – Quelle entrée », je me contente alors de commenter avec un petit sourire, et je hoche la tête à sa question. « – Je vais très bien et toi ? »
Ça me fait plaisir qu’il me demande aussi comment ça se passe – c’est la preuve qu’il n’a pas seulement profité de mon intervention pour s’échapper des commères et pouvoir souffler un peu. « – C’est pas mal de responsabilités, mais ça me plaît, oui ! C’est toujours réconfortant de voir un petit sourire sur la frimousse des enfants. » Parfois, c’est plus triste, mais j’espère bien que mes mots réconfortants et les multiples peluches à disposition suffisent à les soulager un peu. « – Et toi, comment ça se passe ? Pas trop éprouvant ? » Le métier d’infirmier te semble bien difficile, et c’est pour ça qu’il a toute ton admiration.
Sa soudaine popularité est probablement causée par ses origines asiatiques mais pas seulement... Puisque Shun a un patient régulier qui est également asiatique et que ledit patient a montré dès le début des signes d'intérêt pour Shun ça aide à ce que le jeune hongkongais un peu déstabilisé par le flic et puis autant se le dire le flic en question est un très bel homme du coup ça aide à ce que Shun Tao soit intéressé même s'il ne l'avouera pas. Ce date il y a quelques jours dans un café après sa journée de boulot s'est passé admirablement selon le chinois mais il ne tient pas à en parler, ne sachant pas exactement où il va avec le coréen. Du coup il ne préfère rien dire. Et puis il a toujours eu à cœur de séparer sa vie professionnelle et sa vie privée puisqu'il est discret et réservé malgré ce qu'on peut penser de lui. Mais bientôt il entend la jolie psy faire une remarque sur son entrée et les acclamations que ça a causé et il se contente de sourire alors qu'il lui parle en français juste pour être sûr que les collègues présents ne comprennent pas ce qu'ils racontent, il commence donc par les questions lambdas et sourit quand elle lui retourne la pareille. « Je vais bien merci. » Il la fixe avec un sourire en coin. Parler français à nouveau a un côté rafraîchissant pour le jeune chinois qui a aimé sa période à Paris même si évidemment elle lui rappelle son échec cuisant avec Chao Feng mais tout ceci appartient au passé. - Il m'a fait bien trop de mal. Il m'a trahit. Il m'a humilié... Je voulais juste l'aimer... Rien de plus. C'est ce qu'il se répète en tout temps, refusant de voir le mal qu'il a pu engendrer chez cet autre homme lorsqu'il l'a embrassé alors qu'il est hétéro, marié et père de famille. Il refuse d'admettre que son impulsivité l'a poussé à tenter alors qu'il n'avait aucune chance. Et maintenant il vit avec des remords tous les jours. Mais pour l'heure il se concentre sur la jeune française, prenant de ses nouvelles concernant sa carrière et visiblement tout va bien pour elle puisqu'elle semble apprécier ce qu'elle fait de sa vie. « Je suis ravi de voir que tout se passe bien pour toi. » Il la fixe avec un sourire en coin parlant toujours dans un français impeccable alors qu'elle en fait autant en l'interrogeant sur son boulot. « Ça se passe bien merci. Je suis pas mal débordé surtout à l'approche des fêtes il y a beaucoup d'accident. Des conduites peu prudentes à cause de... Tu sais... La glace.... Je n'ai pas le mot en français... Et puis les grands classiques. Ceux qui prennent le volant en étant alcoolisé... Donc ça fait de la patientèle et des blessés plus ou moins importants. Donc ça occupe. » Il la fixe en soupirant. Le mot qu'il cherchait était bien sûr verglas il faut juste espérer que la brune comprendra ce qu'il voulait dire. « Et comme tu l'as vu je reçois des visites d'un certain patient depuis quelques temps... C'est un peu gênant d'ailleurs... » Il rougit à cette idée en se rappelant la façon dont Yeonjun peut avoir tendance à se rapprocher de lui, tentant des approches pour le séduire et on peut dire que le jeune coréen se débrouille bien vu qu'il a réussi à avoir un date avec lui peu de temps auparavant.
Comme un peu partout, c’est toujours mieux d’avoir un binôme auquel se raccrocher quand on travaille quelque part, même s c’est aussi bénéfique de se laisser assez d’espace pour communiquer avec les autres – sinon, les bruits de couloir vont assez vite et les autres peuvent rapidement vous prendre pour des commères. Bien que je doute que ce genre d’état d’esprit ait sa place dans un hôpital. Je sirote mon café en attendant la réponse de Shun-Tao, et je souris un peu plus quand je réalise qu’il poursuit la conversation en français, puisqu’évidemment, ça va être plus facile pour moi.
« – C’est gentil ! Je dois dire que j’ai été plutôt bien intégrée, alors ça aide. » Et puis avoir le sentiment d’arriver quelque part où l’on a besoin de vous, c’est forcément gratifiant, même si je n’étais pas la seule dans ce cas-là. Je l’écoute attentivement quand il m’explique que cette période de l’année est assez compliquée, et j’affiche une grimace en imaginant que ses heures de travail sont sans doute plus élevées que ses heures de repos. « – J’imagine…. Et il y a aussi ceux qui vont avoir des accidents de ski ou qui se brûlent un peu bêtement en cuisinant. Bon courage pour gérer la fin de l’année en tout cas ! » Sans oublier ceux qui se cassent des membres ou se prennent tout simplement un sapin sur leur chemin – ça n’aurait sûrement pas été très professionnel de formuler tout ça à voix haute, alors je me contente de garder ça pour moi.
Je lève les sourcils avec un air un peu taquin lorsqu’il fait de lui-même référence au garçon dont les autres lui ont parlé dès son entrée. « – J’ai cru comprendre ça… Est-ce que c’est une ruse de sa part pour trouver une excuse et te voir ? J’avoue que je suis presque curieuse de savoir ce qu’il invente à chaque fois si c’est le cas », j’ajoute avec un petit rire. Évidemment si ça le gêne trop je m’arrêterais là, mais pour le moment, il en a soit trop dit, soit pas assez.
Il fixe sa belle collègue française, continue à lui parler dans sa langue natale puisqu'ils la parlent tous les deux et pas leurs collègues c'est tout l'intérêt de la manœuvre. Il l'interroge en premier lieu sur son intégration ici et il est plutôt rassuré de voir que tout se passe bien pour elle. « C'est génial si tu te sens bien ici parmi nous. » Il la fixe en souriant, continuant volontairement à lui parler en français, il sent les regards de ses collègues sur eux et se contente de leur sourire l'air de leur dire de se mêler de ce qui les regarde et ils ne semblent pas chercher plus loin. - Je n'aime pas vraiment que l'on soit intrusif sur ma vie surtout quand il y a un grand comité pour s'intéresser à ma vie personnelle. Le privé c'est le privé, le pro c'est le pro. Chaque chose à sa place. Oui il a du caractère le bel hongkongais mais pour sa défense il a raison, il ne faut pas trop mélanger ces deux choses histoire d'avoir moins de problèmes. Ils évoquent par la suite les horaires de l'infirmier et quand elle cite d'autres accidents possibles il glousse. « Oui ça et ceux qui se brûlent en cuisinant ou encore ceux qui ont des indigestions parce qu'ils ont trop mangé. » Il soupire. Il y en a qui ne font jamais attention il en a l'habitude c'est comme ça chaque année. Lorsqu'ils évoquent le sujet Yeonjun il est quelqu'un gêné et rougit violemment en entendant les suppositions de la brune. « Évidemment que ce sont des ruses. Parfois il se blesse comme un con à la maison exprès pour débarquer à l'hôpital et me voir. La dernière fois pendant son service de police il a été blessé salement par un crétin qui ne savait pas se servir d'un couteau et il a eu des points... C'est là qu'il m'a proposé qu'on se voit après le boulot et j'ai accepté. » Il se mordille la lèvre quelque peu embarrassé par tout ceci. « Il est plutôt sympathique et séduisant. Mais je suis angoissé. J'ai un passif sentimental tout sauf simple. Ça date de quand j'étais encore à Hong Kong du coup forcément depuis ce temps là j'ai du mal à savoir comment me positionner quand je suis avec une personne qui me plaît. » Il la fixe toujours les joues roses. « Je ne suis pas seulement tourné mecs. Je suis pan, tu vois ? J'aime les deux. Mais là je suis calme depuis l'âge de dix-neuf ans, soit depuis que j'ai rencontré cet homme à Hong Kong... Longue histoire... Je pourrais t'en parler si tu veux un jour si ça t'intéresse. » Il soupire il n'a pas parlé à beaucoup de monde de son passif sentimental plutôt mouvementé entre ses relations d'une nuit dans le passé puis son histoire, un fiasco, avec Chao Feng. - Mais la vie continue, je dois avancer et aller de l'avant. Peut-être avec Yeonjun justement. Il n'est pas méchant après tout. Du moins il espère pouvoir faire confiance à cet homme qui a eu un réel coup de foudre immédiat pour lui.
C’est toujours impressionnant d’intégrer une nouvelle équipe, et plus encore de travailler dans un hôpital. Je suis vraiment chanceuse qu’ils aient accepté de me prendre en période d’essai, même sans expérience dans ce type d’établissement. Les premiers jours, j’ai bien eu en tête quelques clichés nourris par ces séries télé regardées, mais évidemment, il n’y a pas grand-chose à voir avec ces scénarios téléphonés. « – Je n’ai pas encore eu de grosse crise, espérons que ça continue ainsi ! » Je n’ai pas encore osé demander comment ça se passait dans les cas où un enfant refusait tout bonnement de parler. J’imagine que je ne serais pas toute seule pour débloquer la situation, mais c’est bien ce qui m’inquiète un peu. Aggraver les choses, provoquer d’autres blocages en pensant pourtant faire au mieux.
Je grimace encore un peu quand Shun-Tao me fait part de ce qu’il voit au quotidien, parce que ça n’a pas l’air d’être facile à gérer – même si j’imagine que parfois, certains discours ou situations peuvent prêter à sourire. D’ailleurs, je lui demande avec un air malicieux : « – Est-ce que c’est vrai que des personnes viennent aussi aux urgences pour un petit bobo et sont juste hypocondriaques ? C’était courant en France, mais les Norvégiens me semblent quand même plus raisonnables. » Évidemment, tous les ragots qui sont nés à son entré ont attiré mon attention, et je prends bien soin de lui parler en français, histoire d’éviter que des oreilles indiscrètes ne nous écoutent.
« – Et ben, blessé et prévoyant déjà votre rendez-vous. C’est quelqu’un qui ne perd pas le nord. » Je lâche un soupir amusé, mais j’évite de trop insister pour ce point quand je remarque la gêne de mon ami. « – Essaie… de te laisser porter ? Sans trop réfléchir à ce qui pourrait mal tourner. S’il tente sa chance plusieurs fois sans être trop lourd pour autant, c’est sûrement qu’il a conscience que tu en vaux la peine et qu’il veut te laisser du temps aussi. De t’habituer à lui, peut-être » Je ne sais pas franchement s’il attendait spécialement mon avis sur la question, mais je ne peux m’empêcher d’ajouter un peu de psychologie dans tout ça. Déformation professionnelle.
« – Désolée si je suis allée trop loin », je me reprends bien vite avec un petit sourire, et je reprends une gorgée de café, comme si seul le gobelet pouvait suffire à me cacher. « – L'amour c'est l'amour pour moi tu sais, j'ai pas vraiment d'étiquettes non plus. » D’accord, le hasard a toujours fait que j’ai été impliquée avec des garçons jusqu’à présent, mais rien ne dit que ça ne changera pas. De toute façon, ma vie amoureuse ici n’a donné rien de bien fameux à part deux flirts qui ne se sont jamais concrétisés, alors autant donner des conseils à Shun-Tao si je le peux.
Le bel asiatique dévisage sa jeune collègue qui débute encore en tant que psy et il lui accorde un sourire bienveillant, rassuré de voir qu'elle s'intègre bien ici et que ça se passe bien pour elle dans cet hôpital. « Je touche du bois pour que ça continue et que tu n'aies aucun problème pour la suite avec les enfants dont tu t'occupes. » Parce qu'à la différence d'un adulte, les enfants ont cette innocence qui peut vraiment faire flipper dans le sens où les enfants peuvent mal réagir suite à un traumatisme et se braquer aussi sec. Un adulte s'il ne veut pas parler on arrivera malgré tout à le faire avec du temps et de l'entraînement sur ledit adulte. Mais pour l'heure ils évoquent les patients de Shun aux urgences et quand elle lui demande s'il a parfois des patients du style hypocondriaques il glousse. « Tu n'imagines même pas le nombre qui viennent par jour. » Il roule des yeux à cette idée tout en dévisageant la brune. Il en vient ensuite à se confier sur sa vie sentimentale et notamment sa relation avec Yeonjun encore naissante et quand la jeune femme lui recommande de se laisser aller et de ne pas se prendre la tête il acquiesce. « J'essaye tant bien que mal.. Mais je suis effrayé. C'est dur. » Il la fixe gêné. « Mais je sens qu'il est prévenant et attentionné, qu'il veut prendre son temps pour me connaître avant de... De coucher... Ou quoi. Il n'a rien tenté. Il est respectueux. J'aime assez ça. » Il sourit timidement. Par la suite elle s'excuse et il secoue la tête comme pour lui indiquer qu'elle ne va pas trop loin comme elle le pense. - Elle est gentille, il y a de la déformation pro bien sûr, il y en a toujours dans ce genre de cas, mais elle est gentille, elle me plaît bien. Il sourit à cette idée en la scrutant. Par la suite il lui explique qu'il aime les deux et pas seulement les hommes et à sa réponse il sourit. « Tu es pansexuelle aussi si je pige bien ? » Il la fixe tendrement tout heureux de trouver quelqu'un qui est potentiellement comme lui.
« – J’espère aussi ! Même si je pense que j’aurai toujours droit à un coup de main si j’en ai besoin », je réponds en laissant mon regard se tourner à nouveau vers nos collègues, qui depuis, ont lâché l’affaire et discutent sûrement d’un tout autre potin. C’est difficile de leur en vouloir quand on connaît la durée et l’intensité de leur journée ; ielles s’échappent comment ielles peuvent du quotidien, même si ça doit durer seulement quelques minutes et que le sérieux et le professionnalisme seront bien de retour dès le premier pas fait en dehors de cette pièce. Je pouffe encore un peu quand il me fait part du nombre d’hypocondriaques vu par jour, et je hausse les sourcils avec un air intéressé. « – J’aimerais bien voir ça un jour. »
Histoire de voir si des gens ont vraiment l’occasion de s’inquiéter ou si au contraire, ils se laissent réellement guider par leur peur irrationnelle et leur psyché qui s’amuse bien souvent à leur faire croire n’importe quoi. « – C’est déjà un bon point pour lui. Si c’était uniquement quelqu’un qui ne voulait pas chercher à te connaître et te mettre simplement dans son lit, je crois qu’il aurait lâché l’affaire depuis un bon moment. » Je lui offre un petit sourire rassurant bien que je doute que mon analyse l’avance beaucoup.
Mais c’est difficile de ne pas tomber dans des remarques bateaux quand on ne connaît pas la personne en question. « – Peut-être ? Je n’en sais trop rien, en fait, pour l’instant, j’ai toujours été attirée par des garçons, mais je ne me ferme aucune porte. Je dis simplement que je ne me mets pas d’étiquette, et on verra bien ce qui se passera dans l’avenir », je conclus avec un petit sourire, terminant mon café rapidement en espérant ainsi dissimuler mes pommettes rosées.
Le bel hongkongais scrute la jeune femme en souriant alors qu'elle lui confie ses appréhensions quant à son boulot et il acquiesce à ses dernières paroles. « Bien entendu ! Personne ne te laissera en galère si vraiment il y a le moindre problème avec un enfant ! On sait tous très bien que les patients plus jeunes peuvent être difficiles. C'est d'ailleurs pour cette raison que je me suis spécialisé aux urgences, au moins des jeunes j'en vois qu'en de très rares occasions donc ça m'évite une situation délicate que je n'arrive pas à gérer ! » Et pourtant il adore les gosses et aimerait pourquoi pas en avoir un jour mais encore faut il que l'occasion se présente à lui. Et surtout qu'il se mette en couple pour du sérieux ce qui n'est jamais arrivé encore. Par flippe tout simplement. Parce qu'il est un froussard qui a les boules à l'idée de souffrir à nouveau après son premier et unique échec sentimental. Il l'entend alors glousser quand ils évoquent les patients hypocondriaques puis avouer qu'elle aimerait voir ça. « Viens aux urgences ne serait-ce qu'une heure tu en verrais autant que tu veux. » Il glousse à son tour en la scrutant. Peu après ils parlent en français de la vie sentimentale de Shun avec Yeonjun un jeune flic qui semble très intéressé par le bel infirmier et quand il entend les mots en français de la brune il sourit. « Oui oui tout à fait ! Bon après entre nous s'il avait voulu du sexe je ne l'aurais pas refusé si tu veux tout savoir... Tu le verrais... Bon sang... Je suis sûr qu'il est bien équipé ! Y a qu'à voir son corps pour le supposer ! » Il glousse à cette idée en scrutant la jeune brune qui lui confie qu'elle ne sait pas vraiment où elle en est au niveau de son orientation puisqu'elle ne se met pas d'étiquettes. « Tu as totalement raison de ne pas en mettre. La société veut qu'on s'en mette une mais... C'est tellement inutile. Tu es libre d'aimer qui tu veux que ce soit un homme ou une femme n'a pas grande importance à mes yeux. » Du moins lui c'est comme ça qu'il voit les choses. « Personnellement affirmer que j'aime les deux n'est pas un problème mais j'ai une nette préférence pour les hommes, je me sens plus confort avec un homme qu'avec une femme... Mais ça c'est personnel. Il y en a qui ne se prennent pas la tête et aiment juste les deux. » Il lui sourit tendrement en la scrutant. « En tout cas si jamais tu rencontres quelqu'un je veux être mis au courant ! » Parce qu'il l'apprécie beaucoup mine de rien cette jolie jeune femme. Il pense aussitôt à son bébé Paco qui pourrait sûrement la trouver à son goût il faut dire qu'elle est délicieuse. « J'ai un ami, j'suis sûr que tu serais à son goût. Il a jamais vraiment eu de chance en amour. Avec toi je pense que ça pourrait fonctionner. Il est beau mec et il parle français ! Il a vécu en France ! » Il glousse ayant l'impression de vendre son ami comme on vend une marchandise alors que ce n'est pas le cas. « Enfin je te dis ça mais autant tu as quelqu'un en vue ? » Parce que rien n'est impossible après tout on peut trouver l'amour à tous les coins de rue comme on dit.
« – Je n’ai pas encore connu de situations trop lourdes. Il y en a bien qui refusent de parler dès leur première séance, mais j’arrive toujours à trouver une solution. Je laisse le temps passer, ou on trouve ensemble une manière pour qu’ils puissent commencer à parler, comme le dessin par exemple. J’appréhende un peu ce qui m’attend, mais j’essaie de rester positive. Ça reste des enfants, si je suis nerveuse, ils vont forcément le ressentir et ça peut les influencer aussi. » Pour le moment, je n’ai eu que des retours positifs, que ce soit de la part des enfants eux-mêmes ou de la part du reste de mes collègues, alors tout va bien jusqu’à présent. Voir arriver des patients hypocondriaques, ça serait sûrement idéal pour décompresser un peu d’une journée difficile – à leurs dépens. J’affiche alors un petit air amusé à la remarque de Shun sur l’idée d’assister à leur arrivée, et je pouffe un peu. « – Il me faudra sûrement une bonne excuse pour y aller, mais je pourrais aller y jeter un œil. Je peux toujours proposer mon aide, ça sera sûrement apprécié par les autres », j’ajoute avec un petit sourire.
Je l’écoute me raconter ce qui l’intéresse par rapport à son crush, et je manque de m’étouffer avec mon café en riant un peu à ses propos. « – Bon eh bien dans ce cas, je crois que tu sais déjà ce que tu peux répondre la prochaine fois qu’il t’invite à sortir. » Je suis plutôt contente pour lui : rencontrer quelqu’un c’est toujours une bonne chose, encore plus quand on sent écouté et respecté. J’ai déjà fait quelques rencontres depuis mon arrivée en Norvège, mais rien de bien sérieux. Pas que je m’en plaigne, mais c’est vrai qu’être seule est parfois pesant. Surtout quand je rentre à mon appart quand la nuit est déjà bien avancée. C’était différent quand j’étais encore à la fac : je partageais ma chambre d’étudiante avec ma petite sœur. Mais ce serait égoïste de l’empêcher de vivre sa vie comme elle l’entend juste pour m’empêcher de me sentir trop seule.
« – Tu seras le premier au courant après ma petite sœur ! » J’ajoute avec un sourire amusé, même si trouver l’amour ou bien quelqu’un avec qui passer du bon temps n’est pas forcément ma priorité du moment. Je jette ensuite mon gobelet de café à la poubelle lorsqu’il est terminé, et je jette un coup d’œil surpris à mon ami suite à sa proposition. « – Oh euh, je sais pas trop. J’ai personne en ce moment, mais je suis pas sûre d’avoir trop le temps de m’investir dans quelque chose pour l’instant. » J’ignore si c’est plutôt pour le convaincre lui ou moi, mais l’idée concrète de rencontrer quelqu’un me rend quand même nerveuse.
A l'évidence son travail semble la passionner au plus haut point ce qui fait plaisir à Shun. Il n'y a qu'à entendre ses mots pour comprendre qu'elle est heureuse dans tout ce qu'elle entreprend ce qui ravit au plus haut point le beau hongkongais. « C'est bien que tu te fascines de ton boulot ici. Je suis un peu pareil. Mes colocataires et différents amis proches disent de moi que je suis un bosseur acharné. » Et c'est vrai. Il est dévoué à sa profession, à croire qu'il n'y a que ça qui compte réellement. Du moins c'est ce qu'on lui fait remarquer bien trop souvent. Ils évoquent finalement les cas des hypocondriaques et quand la belle lui dit qu'elle essaiera de trouver un moment pour s'y rendre le brun ricane. « Tu ne vas pas t'ennuyer c'est moi qui te le dis. Y en a tout le temps. C'est un truc de malade... » Il roule des yeux à cette idée. Franchement les hypocondriaques lui il s'en passerait bien mais il peut comprendre que ça soit une source de détente pour la jeune psy qui a sans doute besoin d'apaiser ses nerfs après un rendez-vous éprouvant avec un petit patient. Ils évoquent par la suite le jeune flic qui occupe les pensées du brun et quand il la voit manquer de s'étouffer avec son café quand il lui dit qu'il pense qu'il est bien fait par la nature il glousse jusqu'à ce qu'elle lui dise qu'il sait quoi répondre s'il l'invite à sortir à nouveau. « Ce sera un grand oui c'est plus que certain. » Il sourit à cette idée en scrutant son amie. Il l'interroge finalement sur sa vie sentimentale et visiblement c'est le calme plat pour l'instant pour la jeune française. « Génial. Tu me diras. Au besoin je suis là pour t'écouter si tu as besoin ! » Et justement le moins qu'on puisse dire c'est qu'il aura tenté de caser son amie avec son chouchou de sa colocation à savoir Paco mais visiblement la belle n'est pas plus intéressée que ça. « Tu n'es pas prête pour les engagements ? Mauvaise expérience ? » Il la scrute inquiet et curieux. - Elle a peut-être un passif sentimental aussi complexe que le mien ? Rien est impossible en effet mais pour le coup il se demande ce qu'il se passe pour qu'elle décline purement et simplement de rencontrer Paco alors qu'elle ne le connaît pas du tout.
Je souris en l’entendant dire que son métier le passionne tout autant, et qu’il ne regarde pas ses heures. En effet, ça peut vite être fatiguant quand des patients hypocondriaques s’enchaînent les uns après les autres – c’est rare comme situation, mais ça doit sûrement arriver, et à mon avis plus encore pendant l’hiver ou lors des grandes occasions, lorsque les maladies virales ou les risques d’accidents sont les plus fréquents. Néanmoins, on se doit de rester professionnels. « – Tu m’appelles et je pourrais peut-être être ton assistance pour t’aider à les gérer. Genre, celle qui les conseille de respirer calmement ou celle qui les accompagne pour aller boire un grand verre d’eau au besoin. » Je ris encore un peu lorsqu’il me fait part de ses impressions sur ce mystérieux flic qui n’est plus si inconnu que ça maintenant pour lui. « – Tiens-moi au courant, je veux connaître la suite de l’histoire maintenant ! »
Quand il me pose la question sur ma propre vie amoureuse, je marque une petite pause pour réfléchir. « – Pas vraiment de mauvaise expérience, mais je dirais plutôt un florilège d’occasions manquées. Et honnêtement je crois que c’est la faute de personne, alors c’est difficile d’en vouloir à qui que ce soit. » J’esquisse un petit sourire résigné, mais pas vraiment triste. Je me doute bien que maintenant, j’en ai soit trop dit, soit pas assez, et comme ça ne me dérange pas d’en parler, je jette mon gobelet désormais vide avant de poursuivre. « – Pendant mes études, j’ai eu un crush sur un gars de ma promo, et je crois que c’était réciproque, mais rien ne s’est jamais produit. Du coup, je me suis quand même retenue de voir qui que ce soit d’autre pendant 2 ans, parce que je savais jamais si ça allait se concrétiser ou non. Et puis l’année dernière, j’ai bien eu quelques rendez-vous avec un garçon, mais il avait des problèmes familiaux à régler et je n’ai pas voulu m’immiscer. »
Je termine avec un petit haussement d’épaules, consciente que je ne suis pas la plus à plaindre pour ma vie sentimentale. Il n’y a pas eu de tromperies, ni trahison ni violence, juste un peu de frustration, mais rien qui se soit transformé en rancœur, heureusement. « – Et puis avec les horaires qu’on a, c’est vrai que l’engagement fait un peu peur. Je pense qu’il faut tomber sur quelqu’un qui comprenne les horaires à rallonge. Comment tu fais pour gérer, toi ? »
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