Comme on se retrouve - EunMoon#1

Les saisons prenaient le pli d’être animées, d’habitude, surtout celle qui avait la tragique opportunité de clôturer une année. Moon-jeong s’était toujours arrangée pour faire quelque chose, discuter avec quelqu’un, ou se noyer dans sa solitude ; l’an passé manqua d’être le dernier pour la jeune femme qui levait des yeux fatigués vers un ciel frais. Emmitoufflée dans un grosse écharpe, sa silhouette fine se dessinait, féline, accompagnée d’un simple jean, de bottes et d’un blouson. Le cimetière lui avait parut une évidence. Silencieux, calme malgré les temps de fêtes, le meilleur ami qu’elle pourrait trouver alors que tout son coeur était rongé par la solitude et le manque de personnes qu’elle préfèrerait ne pas attendre. La résolution avec Paco lui avait laissé un trace dont la coréenne peinerait à se défaire ; mais cela lui semblait déjà si lointain.
Elle cracha une bouffée de nicotine qui s’emporta rapidement à cause du vent. Si la Corée pouvait se trouver fraîche, rien n’égalait les températures de la Norvège : puisque Moon-jeong avait décidé d’y rester, il serait peut-être temps d’accepter cet état de fait et de stopper toutes ronchonnades à chaque fois que cela se présenter.
Entourée de morts et de disparitions, Moon-jeong souhaiterait presque faire le deuil de ce qui la raccrochait à une drôle de vie. Que fait Nathaniel ? Pourquoi ne me contacte-t-il pas? Peut-être s’agissait-il d’une maladroite vengeance pour les années de silence qu’elle lui avait fait subir. Rien ne présageait qu’il veuille la reconquérir, quand bien même l’anglais s’était montré d’un romantisme à toutes épreuves, fut un temps.
Un nouveau souffle. Moon-jeong avait gardé dans son sac près d’elle un certain nombre d’alcools forts ; du soju, de la vodka, un mélange polonais dont elle n’avait pas retenu le nom et des bonbons. Car il était hors de question de profaner l’esprit d’hiver ou une quelconque fêtes sans se gaver de sucreries chocolatées ou gélatineuses. Une voix non loin d’elle lui fit relever la tête. Un teint aussi pâle que le sien, une silhouette particulièrement fine et toute aussi musclée… mais Moon-jeong tiqua sur le surnom employée. Une seule personne s’accordait le droit de diminuer son prénom comme elle le faisait, et il fallait quelques secondes à la brune pour réaliser, dans une étonnante surprise, à qui elle avait affaire.
— Eunnie ?
Le rouge s’allie au pâle des joues de Moon-jeong alors qu’elle se redresse, lentement, comme si elle avait vu un fantôme.
— Tu ?...
Elle secoua la tête, s’avançant jusqu’à Eun-Jung pour simplement la prendre dans ses bras. Moon-jeong n’avait jamais été tactile avec grand monde, mais la période et les récents événements l’avaient changé.
— J’ai aucune idée de ce que tu fous ici, et même si je n’ai pas ton soju pêche préféré j’ai assez à boire pour réchauffer un régiment de russes...

Dire que les sentiments de Moon-jeong étaient mitigés à cet instant serait mentir : à la joie teintée de regrets qui animaient le coeur de la coréenne se mêlaient des saveurs différentes et plus amer. A chaque fois que son passé croisait son chemin, ça ne se finissait jamais bien. Une boule dans la gorge, la brune finit par se détacher de la seule personne qu’elle n’ait jamais réellement appelée par quelques stupidités de sa langue natale.
Mais parfois, revenir aux sources faisait un bien fou. Malgré l’angoisse qui lui creusait l’estomac, Moon-jeong se sentait bien en présence de l’endeuillée ; même si le malheur semblait tristement les lier aujourd’hui. Le visage bas, Moon-jeong s’inclina en signe d’acquiescement. Une multitude de regrets lui assaillit l’esprit. Elle aurait du la contacter, même sans savoir où elle habitait, Eun-Jung était probablement encore en suède à ce moment là. Mais Moon-jeong était la mieux placée pour savoir que mettre des mots oralement sur ses regrets ne feraient qu’alimenter un malaise entre elles, alors elle s’écarta en invitant son amie à s’asseoir avec elle.
Une fois installée, le premier réflexe de la brune fut d’avaler une grande lampée d’un Soju à peine ouvert. L’alcool lui glissa sur la langue et lui brûla la gorge ; autant de manières de se persuader qu’elle était encore là, en vie, et qu’elle passerait cette nuit étrange en moins mauvaise compagnie qu’à l’accoutumé.
— Deux ans, répondit-elle assez brusquement.
Elle grimaça. Bien sûr que le nord ne lui faisait pas envie.
— C’est bien pour ça que je m’y suis rendue, dit Moon-jeong avec un peu plus de douceur.
Un demi-sourire s’afficha sur ses lèvres. Ses doigts glissèrent dans la fente de son sac pour en tirer un boîte de confiserie, qu’elle tendit à Eun-Jung.
— Je suis désolée.
Pour tout.
— Mes explications ne seront jamais satisfaisantes, et je le sais. J’ai tout abandonné en partant de la Corée. Tout… tout ce qui m’aurait rappelé à elle. Et surtout de tout ce qui aurait pu fournir un levier à ma famille pour me forcer à...
Elle se tut, accablée sans vouloir l’admettre. Eun-Jung était d’un naturel si doux et si bienveillant. La retrouver esseulée dans un cimetière lui crevait le coeur. Mais elle s’efforça de lui rendre un vaillant sourire.
— Bref, ma vie quoi. Je t’avouerais avoir un peu paniqué en te voyant. Recroiser une connaissance aussi intime dans le trou du cul du monde, ça arrive un peu trop souvent à mon goût… enfin. Tu comptes rester en Norvège ?
Moon-jeong tâcha de masquer l’espoir de garder un visage familier auprès d’elle, sans grande réussite.
— Et si tu veux bien me parler un peu de toi, ça serait avec grand plaisir.

L’avantage avec Eun-Jung, c’est qu’en effet elle ne prétendait jamais comprendre quelque chose quand ce n’était pas vrai. Bien qu’ayant la gorge à la fois nouée de nouvelles explications et brûlée par l’alcool, Moon-jeong se sentait bien d’avoir une présence si… cohérente envers elle-même. Elle avait du mal à se souvenir de la dernière fois où les deux amies s’étaient disputés, d’ailleurs : pour peu que cela soit vraiment arrivé un jour. Un sourire triste s’afficha sur les lèvres bleuit de frois de Moon-jeong : si, quand on avait les bons moyens de pression, on pouvait forcer n’importe qui à faire n’importe quoi. Eun-jung devait s’en douter au vu du caractère de la cadette, d’ailleurs : même la fille Choi appliqua à plusieurs reprises des précetes qui coulaient malheureusement dans ses veines. Et même une transfusion de la blanchirait pas du mal fait. Alors que Moon-jeong dévorait un petit chocolat aux amandes, en pensant d’ailleurs qu’elle avait une drôle de manie de s’entourer de policiers en tout genre malgré son état, elle écouta la tragique histoire d’Henrick. La mine figée, sans oser montrer la douleur qui lui tordait la poitrine, Moon-jeong hocha la tête. Oui, elle avait entendu ça à la radio, notamment, et lu quelques articles sur internet.
— Je suis désolée, ça doit être terrible.
Vivre le suicide d’un être aimé c’était quelque chose : le retrouver en était une autre. A l’aise avec la mort et les cadavres, Moon-jeong ne pouvait pas se projeter sur de tels incidents. Même si elle devait retrouver le corps de Jae-Hwan là, de suite, il y aurait de fortes chances pour que la chose lui passe par dessus l’épaule : il avait disparu de sa vie, lui aussi. La mort était peut-être un résultat plus doux que ce qu’il devrait vivre à l’heure actuelle.
La dextre de Moon-jeong vint caresser le dos d’Eun-Jung. Maigre réconfort qu’elle offrait là, en toute connaissance de cause, mais c’était le mieux qu’elle puisse faire. La nouvelle sur Angelo lui fit hausser les sourcils.
— Je ne sais pas si on doit y voir une bénédiction ou une malédiction, toutes les deux, mais… f-figure-toi qu’il y a quelques temps, je suis retombée sur un de mes… enfin mon… quelqu’un avec qui j’ai passé deux ans de ma vie.
Qu’elle n’avait jamais nommé auprès de Eun-Jung, mais cette dernière devait bien se douter qu’il s’agissait du mystérieux “policier londonien” datant d’en effet quelques années. Moon-jeong se figea un peu comme une soudaine marionnette de bois en entendant parler de Eun Ji. A cause de sa propre relation avec son frère jumeau, la coréenne avait toujours eu du mal avec la soeur de Eunnie. Malgré le feu qui lui brûlait la langue et l’envie de tout faire brûler dans l’incendie, elle parvint à avoir un mot de circonstances :
— Félicitations à elle. Bizarrement, je ne suis pas étonnée d’être la seule à ne jamais avoir su me caser, déclara-t-elle dans un demi-sourire mutin.

Non, Moon-jeong n’était pas responsible pour la mort de l’homme d’Eunnie, mais elle avait fait le choix de rester en sous-marin pour ne pas trop se dévoiler en la contactant. La peur lui avait scellé les doigts à chaque moment où elle aurait du composer son numéro ; c’était pour ça, qu’elle s’excusait, même si insister là dessus aurait été malvenu. Un rire dépité s’échappa des lèvres de la brune alors que sa meilleure amie lui affirmait d’aller bien : après avoir répondu un vague allons bon, la question sur ses propres déboires amoureux la poussa à avaler une grande lampée d’alcool.
— Ce qu’il s’est passé ? J’ai...
Moon-jeong baissa son regard vers une absence prolongée par la vision de ses souvenirs.
— Il me suivait… je ne savais pas qu’il était ici, mais… mais il me suivait dans la rue. J’ai cru… je ne sais pas. J’ai mal interprété ses intentions, j’ai paniqué...
Elle serra la bouteille de soju entre ses doigts.
— En même temps t’imagines… du jour au lendemain alors qu’on vivait ensemble, j’me suis barrée. Tu m’étonnes qu’il l’avait mauvaise ! Mais on a pu discuter il… il m’a demandé si on pourrait se revoir ?
L’interrogation dénota d’une certaine détresse. Cela faisait beaucoup de choses, surtout qu’en dehors de Nathaniel, Moon-jeong se souvenait aussi de tous les soucis qui lui courraient après en permanence. Elle soupira, s’alluma une cigarette avant de proposer son paquet à Eun-jung. Elle manqua s’étouffer quand elle lui parle de l’un de ses frères.
— Je serais pas là s’il était là lui aussi, cracha Moon-jeong avec amertume. Enfin tu peux pas le savoir, j’ai jamais été trop loquace sur ma famille, hein ? Ahah…
Un faible hochement de tête répondit à Eun-jung, avant que Moon-jeong ne se rappelle qu’elle n’avait plus à avoir honte des choix qu’elle avait fait.
—Je fais tout pour rester loin d’eux, oui. Ma famille n’en est une que de nom, honnêtement.

Cela faisait quelques jours que Moon-jeong ne cessait de penser à Nathaniel, et de si oui ou non elle serait prête à retenter quelque chose. Si tout n’était pas clair, la brune ne pouvait pas nier que la perspective d’avoir à nouveau quelqu’un dans sa vie était aussi intéressant que terrifiant.
— J’ai accepté l’idée qu’on pourrait se revoir, oui. J’ai été honnête mais… je ne suis pas certaine que ça soit une bonne chose. J’ai changé en trois ans, tu sais.
Un petit sourire égaye le visage trop sérieux de la photographe.
— Ouais toi par contre, ton Angelo, dix ans ça fait quand même hyper long. Je sais pas si c’est pas pire, ricana-t-elle de son petit air mauvais.
Mais au fond, tant qu’Eun-jung se remettait en scelle et souffrait le moins possible, ça lui allait.
— Je n’y pensais plus mais ouais, vous devez être collègues. Il a pas mal fâché ses supérieurs alors ils lui font faire un peu de la merde en ce moment… mais c’est quelqu’un de profondémment bienveillant. De nous deux, c’pas lui qui serait à surveiller pour faire du mal à l’autre...
Un soupir. Le sujet de sa famille ne l’enchantait pas, mais si elle devait en parler à quelqu’un ça serait elle ou Paco.
— Un jour… un jour oui. Mais j’ai probablement encore besoin de temps. T’imagines pas le bordel qu’à été ma vie, ahah. Allez, on trinque… à nos retrouvailles tiens !

Aussi étrange que cela paraisse, entendre sa meilleure amie faire le parallèle entre son envie de la revoir et celui de Nathaniel rendait la chose moins étrange. Sa vision n´était pas encore tout à fait lucide sur la chose, mais Moon-jeong parvenait à percevoir la chaleur émanant de ce genre de déclarations.
— Moi aussi j´ai envie de passer du temps avec toi, Eunnie.
Ses joues se teintèrent de rose sans que cela ne soit complètement du fait de l´alcool. Non, il y avait autre chose. Car dans le fond, elle n´était peut-être pas tout à fait aussi indifférente qu´elle aimerait le prétendre vis à vis de son ancien compagnon. C´était juste que les choses s´étaient déroulées d´une drôle de façon, mais bon.
— C´est étrange, quand même, comme idée. Un peu plus, et je serais capable de croire au fil rouge du destin comme c´est le cas par chez moi.
Ne pas oublier était une chose, mais alimenter le léger espoir qu´un jour quelqu´un nous revienne…
Ah. Moon-jeong était toute aussi coupable, c´est juste que contrairement à son amie, elle avait déjà bien plus de mal à se l´avouer et à l´accepter. Un haussement d´épaules accompagna la déclaration.
— Bien. On pourra confronter qui de la flic´ ou de l´experte en informations est la plus à même de farfouiller le passé de mon ex, dans ce cas !
Elle éclata d´un rire plus joyeux qu´elle ne l´aurait cru. Moon-jeong n´eut aucun mal à lier son pouce et son index de la même manière qu´Eun-jung, dans un geste aussi affectueux que fraternel ici. Pourtant d´un naturel peu démonstratif, et toujours un peu gênée de se rappeler à son éducation, ou à ce qu´elle avait vécu dans son pays natale, la jeune femme trouvait toujours les réponses d´Eun-Jung d´un naturel effarant.
Comme si quelque part, elles ne s´étaient jamais vraiment quittées.
Moon-jeong rayonnait grace à son amie, et se convainquait que la meilleure chose qu´elle puisse faire à l´avenir soit de devenir également la meilleure version d´elle-même : si la brune se reconstruisait progressivement après les dernières péripéties, et bien que son coeur se sente aussi malmené qu´il y a quelques années, les bases solides de sa relation avec Eun-Jung lui permettrait de devenir la meilleure version d´elle-même, elle en était certaine.
— Au «nous» devenu éternel ! s´amusa à compléter la brune avant de boire au goulot de sa propre bouteille, déjà un peu entamée.

Les instants s´allongeaient d´une manière que Moon-jeong trouvait douce. Ses mauvais souvenirs s´effritaient pour laisser place à ce qu´elle avait laissé près de sa meilleure amie ; une immense chaleur qui lui donnait l´impression de tout pouvoir vaincre. Et malgré la crainte de la perdre, la possibilité que d´ici quelques moins Eunnie ne supportent plus de rester dans les parages et doivent partir, Moon-jeong avait envie de croire en l´éternel de leur relation. Si après tout, elles étaient capables de se parler comme si elles ne s´étaient jamais quitté, c´est bien que cela voulait dire quelque chose.
— Parfait, ahah. Je ne comptes plus te quitter non plus, alors tout va bien.    
Au moins pour ce soir. L´avenir serait peut-être d´une autre couleur mais alors que Noël se passait à peine, les deux femmes trouvaient un semblant de réconfort en l´autre. Et de la stabilité, aussi ; et ça, Moon-jeong en avait bien besoin dans sa vie tourmentée, mais qui l´était tout de même de moins en moins.
L´alcool lui brûla la gorge de cette douleur que l´on tolère facilement. Un moyen de se détendre alors que les toxines affluaient vers le cerveau, embrumant les sens comme si le danger n´était qu´une notion inexistante ; comme si la vie se résumait à ce conduit rétrécit de cette discussion qui paraissait ésotérique. Moon-jeong s´échoua contre l´épaule de sa meilleure amie, le coeur et l´esprit plein de promesses ; elles passeraient ainsi encore quelques heures, le temps qu´il faudrait, avant de se rentrer pour profiter d´une bonne nuit de sommeil.

Les instants s´allongeaient d´une manière que Moon-jeong trouvait douce. Ses mauvais souvenirs s´effritaient pour laisser place à ce qu´elle avait laissé près de sa meilleure amie ; une immense chaleur qui lui donnait l´impression de tout pouvoir vaincre. Et malgré la crainte de la perdre, la possibilité que d´ici quelques moins Eunnie ne supportent plus de rester dans les parages et doivent partir, Moon-jeong avait envie de croire en l´éternel de leur relation. Si après tout, elles étaient capables de se parler comme si elles ne s´étaient jamais quitté, c´est bien que cela voulait dire quelque chose.
— Parfait, ahah. Je ne comptes plus te quitter non plus, alors tout va bien.    
Au moins pour ce soir. L´avenir serait peut-être d´une autre couleur mais alors que Noël se passait à peine, les deux femmes trouvaient un semblant de réconfort en l´autre. Et de la stabilité, aussi ; et ça, Moon-jeong en avait bien besoin dans sa vie tourmentée, mais qui l´était tout de même de moins en moins.
L´alcool lui brûla la gorge de cette douleur que l´on tolère facilement. Un moyen de se détendre alors que les toxines affluaient vers le cerveau, embrumant les sens comme si le danger n´était qu´une notion inexistante ; comme si la vie se résumait à ce conduit rétrécit de cette discussion qui paraissait ésotérique. Moon-jeong s´échoua contre l´épaule de sa meilleure amie, le coeur et l´esprit plein de promesses ; elles passeraient ainsi encore quelques heures, le temps qu´il faudrait, avant de se rentrer pour profiter d´une bonne nuit de sommeil.

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