thursday's child has far to go (ft. paco)

— Quelques jours après ma visite chez Paco, je tiens toujours ma promesse d’être plus présent – du moins, j’essaye. Prendre du temps pour lui, peu importe l’activité. Même quand ça implique d’aller chercher un meuble avec lui pour des locataires peu scrupuleux. Enfin garé sur le parking, je lâche un petit soupir. Faire les magasins, ça n’a jamais été mon truc, alors heureusement qu’il est là pour me tenir compagnie. « J’aurais jamais cru ça possible, des embouteillages à Bergen. » Il faut dire aussi que je n’ai pas tendance à sortir ou me déplacer pendant les heures de pointes. Une fois sorti de la voiture, je lui souris par dessus le toit ; ça me fait bizarre, de faire une chose aussi normale avec lui. Et ce n’est même pas pour nous. Mais ça n’est pas désagréable. Les portes verrouillées, je contourne le véhicule pour venir vers lui, profitant de cet instant pour remettre mon tee-shirt dans mon pantalon à la va-vite avant de lui prendre la main. Les doigts entrelacés entre les siens, je relève les yeux vers lui. « Alors, qu’est-ce qu’on cherche ? » S’il a eu besoin de ma voiture pour transporter ça, j’imagine que ça doit être un peu gros. Le plus bizarre dans tout ça, c’est que depuis que j’habite ici, je n’ai pas tant acheté de meubles que ça. Je n’en avais pas spécialement besoin dans ma chambre étudiante et l’appartement où j’habite… et bien, le strict minimum me suffit. Une pensée un peu plus profonde me traverse, mais je décide de la chasser pour le moment. Hors de question de penser au refus d’emménager avec lui que je lui ai fait subir il y a plus d’un an maintenant alors qu’on est de nouveau plus ou moins sur la même longueur d’ondes.

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— Hochant la tête distraitement, j’approuve son argument. « Ah… Probablement. » Et puis, les mots arrivent jusqu’à mon cerveau et je réalise que je ne lui ai toujours pas dit ce que j’avais prévu avec ma soeur. « En parlant de vacances, peut-être que j’emmènerai Selver quelque part cet été. Quand Bastien et toi serez en vadrouille. » Autant histoire de ne pas me languir de son retour comme un pauvre amant solitaire que pour profiter de la présence de ma sœur. Mais ça, ce serait bien trop honteux à avouer – qu’il me manquerait trop si je n’avais pas quelque chose de prévu aussi pour m’occuper l’esprit.
A le regarder comme ça, j’ai des papillons dans le ventre. Je sais bien que je fais tâche à côté de lui mais je ne peux pas m’empêcher de graviter autour de son aura, ne serait-ce que pour profiter du contact de sa main une seconde de plus. Faussement outré devant son rictus moqueur, je ne peux pas m’empêcher de sourire. « Rigole pas ! Je déteste conduire avec ce tee-shirt, il reste jamais en place. » Fronçant le nez, je fais mine de râler même si au fond, je n’en ai pas grand-chose à faire.
Une fois dans le magasin, je prends une longue inspiration qui ne parvient pourtant pas à faire cesser la sensation de trop plein que ce genre d’endroit me procure. Trop de choses, trop de gens, trop d’agitation. « D’accord. Ça devrait pas être… trop… difficile. » S’il hésite aussi, je le sens quand même s’arrêter un instant devant les cuisines d’exposition sans trop comprendre. « Tu vois quelque chose qui te plaît ? Mon coffre est assez grand pour un deuxième meuble, si tu veux. » Je hausse doucement les épaules avec un petit sourire, disposé à l’aider pour plus d’une ou deux affaires ici.

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— Sa réaction m’étonne un peu, entre la surprise et la frustration – si je devais deviner. Je ne la comprends pas vraiment, d’ailleurs. Levant un sourcil, je m’arrête à côté de lui. « Quoi ? Il y a quelque chose qui va pas ? » Mais il repart avant de me laisser le temps de réfléchir, m’entraînant à sa suite. J’ai l’impression que ça lui demande presque un effort d’encaisser cette annonce, et j’avoue volontiers ne pas saisir pourquoi. « T’inquiète pas, je vais m’arranger pour qu’on parte en même temps que Bastien et toi. » Après tout, je sais qu’il souffre de ne pas passer assez de temps avec moi et je m’en serais voulu de lui imposer une autre absence. « Je vais pas te laisser tout seul. Et puis, quand on sera de retour on pourrait… s’organiser un truc ? Juste nous deux. » Cette fois, je ne veux pas qu’il se sente abandonné ou laissé derrière. Après tout, l’été est long et on a bien assez de temps – vu tout ce qu’on a fait à Séoul, je ne doute pas qu’on se trouvera de quoi s’évader.
Retenant un soupir amusé, je souffle un peu pour m’empêcher de rougir à sa répartie immaculée – comme d’habitude. Même si ça me gêne, je ne voudrais pour rien au monde qu’il arrête. J’aime son sourire de travers et sa façon de continuer à me draguer comme si on venait de se rencontrer ; et ça me fait du bien de le revoir comme ça après tout ce qu’il s’est passé. « Ah oui, t’es sûr ? Ça te dérangerait pas que tout le monde voit mon corps de dieu juste comme ça, gratuitement ? » Les lèvres pincées pour étouffer rire, je lève les sourcils dans un geste provocateur avant de me remettre à marcher, sa main dans la mienne, comme si je n’avais rien dit du tout.
Devant les meubles qui ne ressemblent en rien à ce qu’il cherche, je hoche la tête doucement. « Mmh… » Et je souris, à la fois un peu attendri et désolé qu’il ne puisse pas assouvir ses envies de décoration aussi facilement. « Ah, j’ai pas mon permis camion. Désolé. J’y penserais pour la prochaine fois, sait-on jamais. » Ça ne doit pas être bien difficile… si ? Alors que mon esprit se met à vagabonder sans prévenir, je songe avec une pointe de douceur à ce à quoi notre chez nous pourrait ressembler. Je n’ai absolument aucun style et il en a un très marqué ; ce serait un bazar sans nom, mais ça ne me rebute pas forcément.

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— Les yeux papillonnant avec un air entre l'innocence et l'incompréhension collé au visage, je l'observe, abasourdi. « Oh. Okay. » Il me faut quelques secondes pour avaler la nouvelle, autant que pour faire une centaine de conjectures malgré l'interdiction des questions. J'en ai un paquet, mais je me contiens. Est-ce que Bastien va bien ? Est-ce que c'est son petit ami qui refuse de le laisser partir avec Paco ? Est-ce que c'est juste un imprévu comme un autre ? « Merde. C'est chiant, je suis désolé. Je sais que t'avais hâte de partir. » Les sourcils vaguement froncés, je fais la moue. Comment partir sereinement en sachant qu'il va poireauter ici tout seul en mon absence ? Je ne vais quand même pas annuler mes plans avec Selver, pas alors que c'est moi qui ai proposé ça. Heureusement, il me donne quelque chose de moins compliqué à penser. « Euh, ouais. Quelque chose dans le genre. Ou pas forcément, je sais pas, j'y ai pas encore vraiment réfléchi. Mais ça te tenterait ? » Ça pourrait tout aussi bien être une semaine de fare niente dans un chalet pas loin d'ici que j'en serais heureux quand même. Pas besoin d'aller jusqu'au bout du monde pour trouver de quoi s'aérer l'esprit, après tout.
Ah, je me crois malin avec ma répartie. C'est toujours lui qui a le dernier mot et je ne m'en plains même pas. La bouche ouverte, à la fois incrédule face à son imagination et un peu flatté qu'il pense ça de moi, je fais mine de rétorquer. « N'importe quoi. Ils passent pas leur temps à me reluquer, tu sais ! » Je ne suis pas le plus musclé ni le plus beau de l'équipe, et à peine le meilleur en ce qui concerne le jeu. Mais à le voir m'observer comme si j'étais la huitième merveille du monde, j'en viendrais presque à douter. Mordant l'intérieur de mes joues et maudissent le rouge qui s'y installe sans crier gare, je réplique avec une tentative d'humour. « Très bonne idée. D'ailleurs, si au passage tu pouvais lui demander d'installer un bain à bulles et un sauna dans mon vestiaire privé, ce serait top. » Un frisson me traverse et je penche la tête comme un réflexe pour lui laisser la place quand il m'embrasse dans le cou. Difficile de croire qu'il y a quelques années, un pareil geste aurait été inenvisageable en public. Sans voix un instant, je laisse le moment passer et la sensation de brûlure dans ma poitrine se calmer. Mais les papillons dans mon ventre, eux, me crient de capturer ses lèvres dans un baiser si doux et si éphémère qu'il ne laissera qu'une ombre réconfortante près de son cœur – et qui suis-je pour désobéir ? Rarement esclave de mes pulsions, je me laisse aller pour cette fois ; mes yeux entrouverts me laissant à peine le loisir de profiter de sa réaction, avant de m'éloigner et de reprendre comme si de rien n'était.
Souriant plus franchement, je hausse les épaules, l’air de rien. « C’est pas ma faute si tu fais un bon passager. » En réalité, le jour où il aura vraiment un chauffeur sera ma perte. L’idée de le conduire partout a quelque chose d’agréable que je n’ai pas envie de partager. Surpris par sa soudaine confession sur un sujet dont il ne parle pas tellement, je cligne des yeux plusieurs fois. « Vraiment ? » Pour autant que je sache, peu d’artistes deviennent des architectes – le métier serait trop technique, trop carré – alors je ne m'en doutais pas. Le regard suivant ses gestes, je continue à voix basse. « C’est pas ridicule. » L’entendre parler de ses rêves d’enfant a une saveur particulière, mais je ne saurais dire si c’est doux ou amer. La main toujours dans la sienne, je resserre un peu ma prise comme si j’avais peur de la réponse à la question que je n’ose pas poser. « Mais… est-ce que t’es satisfait de ce que tu fais maintenant ? T’es… heureux ? » C’est une conversation qu’on n’a pas au milieu d’un magasin de meubles, en général. Mais je me fige, le visage très sérieux – peut-être un peu trop. Maintenant, j’ai besoin de savoir.

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— Une moue sur le visage, je suis sincèrement embêté par cette situation. Dodelinant de la tête, je jauge sa théorie et ses plans sans dérider. « Ouais, c’est sûr mais bon… Je sais pas. » Il va falloir que je me creuse les méninges pour savoir quoi faire – ou même pour deviner ce qui a pu se passer. Le problème vient bien de Bastien si Paco est prêt à partir quand même, mais le voir parler d’y aller sans lui a quelque chose d’étrange. Je sais qu’il détesterait que je fourre mon nez là-dedans et c’est bien pour ça qu’il ne veut pas que je pose de questions alors je me renfrogne un petit peu et réfrène mes ardeurs. Finalement, je réponds à son sourire avec un petit air désolé. « Ce serait un peu… dangereux d’y retourner maintenant. » Aller en Corée du Sud alors que j’ai encore un mariage qui me pend au nez et une famille à mes trousses, disons que ça ne se classe pas dans les meilleures idées du monde. Soudain un peu rêveur, je préfère m’accrocher à ça plutôt qu’à tout ce qui attend sagement de me tomber dessus. « Mais on peut aller ailleurs. N’importe où. Partir en virée à Tokyo, aller en boîte à Buenos Aires, louer un chalet dans les Alpes… J’aimerais bien t’entendre parler français. » Je donnerais n’importe quoi pour revivre ce qu’on a partagé pendant ces jours lointains et il me semble que l’endroit importe peu.
La bouche ouverte, je peine à retenir un sourire malgré mon application à faire semblant d’être choqué. « Quoi ? Mais non ! Personne fait ça, justement. Enfin, je crois. De toute façon, je suis presque sûr qu’il y en a pas un qui est pas hétéro alors ça risque pas. » Je secoue la tête de gauche à droite, un peu désapprobateur. Le hockey sur glace n’a jamais été un sport très ouvert alors prendre le risque de se rincer l’oeil sur ses coéquipiers dans les vestiaires me semble de toute façon peu probable. En tout cas, moi, je ne l’aurais pas tenté. Haussant les sourcils, je ne peux qu’approuver son avis sur le coach. « Ouais… c’est peut-être un peu trop demander. » Adieu, sauna privé et bain à bulles. Vite rattrapé par les conséquences de cet excès de confiance, je sens une vague de chaleur me remonter vers le visage depuis l’endroit de mes hanches où il a posé ses mains. « Je vais nulle part, je suis juste là. » Répondant dans un chuchotement, j’ai le souffle coupé mais je n’échangerais ma place pour rien au monde.
Lui rendant son sourire moqueur, je lève un sourcil fier et place ma main libre contre ma hanche. « J’espère bien, je suis hors de prix. » Mais peut-être que je lui ferais une réduction, juste pour lui. Alors que la conversation déraille vers autre chose, je deviens un peu plus sérieux. Pinçant les lèvres, je le laisse finir avant de reprendre doucement. « Je t’ai pas… vraiment… entendu parler des membres de ta famille, alors… Enfin, à part ta mère. Désolé, je voulais pas insister. C’est juste… t’as le droit de pas vouloir m’en parler. Je suis bien placé pour comprendre, t’en fais pas. » Cette fois, je détourne un peu les yeux – honteux. Je n’aurais pas du aborder le sujet, surtout ici et maintenant. Je sursaute un peu quand il fait claquer la porte de l’armoire mais je ne lâche pas sa main. Quelque part, j’ai l’impression que c’est une question piège et qu’il vient de la retourner contre moi. Alors, est-ce une vraie réponse ? Je détesterais savoir qu’il n’est pas heureux ou satisfait, mais il ne serait pas vraiment du genre à me l’avouer non plus. C’est un équilibre compliqué à trouver. « Je sais pas, je… je demandais juste comme ça. » Maintenant, je me sens bête et perdu. C’est ma faute, je ne peux m’en prendre qu’à moi-même – toujours à ruiner les bons moments, on dirait que c’est ma spécialité.

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— Surpris autant que lui par ma proposition, je reste silencieux en attendant sa réponse. Tant qu’à faire. Mais elle ne vient pas. A croire que la France, c’est un terrain un peu bancal, on dirait. Il a beaucoup de souvenirs là-bas, ça n’est pas vraiment surprenant. Mais quand il rebondit sur autre chose, c’est à mon tour d’être pris de court. Faire la tournée des festivals avec lui ? Ou même seulement un seul ? Sans même réfléchir, je secoue la tête et réponds la première chose qui me passe par l’esprit. « Oh… euh… Okay. Pourquoi pas ! J’ai jamais… été à autre chose que des petits trucs avec ma sœur alors… je sais pas vraiment… enfin, tu vois. Je connais pas. » Dans un sourire timide, je l’observe avec des étoiles dans les yeux. Et soudain, je réalise quelque chose d’assez terrible. Le road trip aux USA, c’est son projet avec Bastien depuis des lustres. Est-ce que je ne serais pas en train de prendre une place qui n’est pas la mienne ? L’inquiétude me submerge sans que je ne puisse le cacher. Mon visage est un livre ouvert.
Malheureusement, le moment flotte et s’évapore – la douceur de son visage dans mon cou avec. Mal à l’aise et submergé par une vague brusque de sensations, je me tais et me renfrogne, le laissant me traîner dans les rayons sans opposer de résistance. Mais dans ma tête, tout se mélange et se bouscule à la recherche d’un miracle qui sauverait la situation. Prenant une longue inspiration, je rassemble le courage nécessaire pour me mettre à sa hauteur. « Paco, je… » D’abord hésitant, j’avale ma salive et continue malgré le moment qui est plutôt mal choisi puisqu’on arrive au bon endroit pour nos emplettes. « Ça n’a pas à être comme ça, entre nous. Je suis trop… je suis trop nul à ça. Savoir quoi dire, ce que tu voudrais ou ce qui te rassurerait. Mais je peux écouter. Je peux entendre tout ce que t’as à dire, peu importe le sujet. Je trouverais jamais ça ridicule. Au contraire, j’adorerais en savoir plus. Tous les petits détails qui font partie de toi. » Je plante mes yeux dans les siens pour lui prouver que je suis sérieux – même si l’ambiance autour de nous s’y prête peu.

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— Avec un sourire presque timide, je hoche doucement la tête. Oui, avec lui je pourrais tout essayer sans avoir peur de rien – ou presque. Si je note sa grimace, je ne peux pas m’empêcher de penser à ce que ça signifierait pour moi de l’accompagner à la place de Bastien. Ça me met un peu mal à l’aise et je ne saurais trop comment l’exprimer. On dirait qu’il capte ça suffisamment vite pour proposer autre chose et je lui en suis silencieusement reconnaissant. Si je vais un jour à un de ces festivals avec lui, j’aimerais que ça ne soit pas à la place d’un autre.
D’abord, je sens mon cœur battre et mes yeux pétiller à l’idée du Maroc mais je suis vite rattrapé par la réalité. Mon sourire se fane doucement, malgré la légèreté avec laquelle il explique la chose. « Ah… » Un rire nerveux m’échappe. Ça ne fait pas assez longtemps que je suis à l’aise avec l’idée d’être en couple publiquement avec un homme, alors sauter dans le vide comme ça ne me dit rien qui vaille. « C’est déjà pas évident ici, alors… Mais bon, j’ai jamais été en prison ni même en garde à vue et les vacances c’est fait pour les nouvelles expériences. » Dodelinant de la tête, je fais mine de prendre la chose un peu mieux que prévu et esquisse un rictus pour ne pas plomber l’ambiance.
Brusquement arrêté au milieu de l’allée, je le regarde avec un air énigmatique collé au visage. « Mh… Monsieur Lombardi, est-ce que vous ne seriez pas en train d’admettre une pointe d’affection pour mes félins ? Attention, je m’en souviendrai. » C’est bien trop rare pour que je n’en profite pas au moins un peu. Je finis par sourire et pencher la tête sur le côté. « Blague à part, tu préférerais pas un endroit plus chaud ? Autant profiter de l’été. » Moi je suis plutôt pays froid mais ici, je suis servi. Et puis, on peut toujours s’arranger pour les animaux.
Après ce moment que j’aurais voulu ne jamais revivre, je trouve enfin le courage de lui dire quelque chose du fond du cœur. Et même sans mots, je comprends que peut-être, quelque part, ça le touche de l’entendre. Je serre doucement ses doigts entre les miens. Désespéré de m’accrocher à une diversion, je me jette à pieds joints dans celle qu’il me tend quand je vois son regard traîner sur un fauteuil. Ne suivant qu’un instinct qui ne m’appartient pas, je m’avance et m’installe entre les coussins comme si l’endroit m’appartenait. « Pas ce pour quoi on est venus mais peut-être ce avec quoi on va repartir. » Levant un sourcil, je repose les yeux sur lui avec un air de défi.

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— Presque attendri, je lui souris doucement. Effectivement, l’idée d’aller en prison ou même d’être simplement en garde à vue ne m’attire pas plus que ça. Surtout pour ce genre de raison. Ce serait un grand pas en arrière pour moi, en plus. « Je sais, t’inquiète pas. C’était juste une blague. » Autant choisir une destination plus agréable et moins risquée ; après tout, ce sont des vacances, pas un concours de sensations fortes.
Je finis par lâcher un petit éclat de rire franc, trop heureux de pouvoir le taquiner à mon tour. « C’est ça, rattrape-toi comme tu peux. Je sais qu’au fond, ils vont te manquer. » D’un coup d’œil insistant, je lui adresse un rictus moqueur. C’est si drôle de le voir se débrouiller pour se disputer avec mes chats alors qu’il n’a aucun problème avec les chiens. Hochant la tête, j’écoute ses autres propositions. Clairement, je me doutais qu’il préférait un endroit chaud et je suis plutôt content d’y avoir pensé – moi, ça m’est égal tant qu’on y vit pas. « L’Italie puis Malte, alors. Ça me va. » Pas sur que les euros me donnent une idée de la France, mais rien que l’idée de partir en vacances avec lui me ravit.
Enfoncé dans le fauteuil, je tends la main pour qu’il m’aide à m’en décoller avant que je ne passe la journée dedans. « J’arrive pas à croire que je vais dire ça, mais ça peut pas faire de mal de rêver un peu. » C’est vrai, quelque chose d’aussi confortable aurait définitivement sa place chez moi – ou chez lui. Même si là, c’est un peu compliqué d’envisager le transport. Je fais de mon mieux pour ignorer le malaise, la chose à laquelle on pense tous les deux sans se l’avouer, et me recentrer sur ce qu’on est venus faire ici. « Bon, les tables basses maintenant. »

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