une rencontre inattendue (ft. Heidi)

Chris & Heidi

une rencontre inattendue

Une journée similaire à toutes les autres depuis que j’ai emménagé à Fredelig. Il est quatorze heures et je viens de terminer ma journée de cours. Un prof absent vous rend parfois la vie plus facile. Étudiant en sciences politiques, certains jours sont plus chargés que d’autres, mais je m’en sors plutôt bien en général, enfin quand mes démons me laissent tranquille. Il faut l’avouer, je ne les aide pas souvent, surtout depuis que je suis loin de l'autorité de mon père et de ses dires réprobateurs qui n’ont fait que m’enfoncer et que me pousser à faire des conneries par le passé et à ne pas agir pour d’autres choses. Comment une relation père/fils pouvait-elle en arriver là ? À quel moment tout a basculé ? De nombreuses questions, sans réponses définies. Mais soit, j’ai renoncé, il y a bien longtemps, à vouloir démêler l'embrouillamini de mes souvenirs pour tenter de comprendre les raisons de notre coupure. La vie est ainsi faite, il faut l’accepter.

Perdu dans mes pensées, je rejoins mon appartement pour manger un bout, puis je me dis que je travaillerais un peu. Enfin, je retournerais sûrement sur le campus pour ça, je n’arrive à rien chez moi, je me mets à jouer ou à regarder la télé plutôt que de penser à l’avenir. Une fois chez moi, j’ouvre mon frigo et constate avec regrets qu’il ne me reste pas grand-chose, si ce n’est un vieux morceau de reblochon, un yaourt et un reste de je ne sais quoi, cela ressemble à un margouillis qui est là depuis bien trop longtemps. Je claque la porte de mon frigo, désespéré, et le ventre vide. Une seule alternative possible, retourner sur le campus. Aussitôt dit, aussitôt fait, je me retrouve dans le village étudiant. À la recherche d’un endroit peu fréquenté où je pourrais allier travail et pseudo repas. Le petit café semble vide et je n’hésite pas à m’y rendre. Quelques étudiants, les yeux rivés sur les ordinateurs, parfaits. Je me dirige au comptoir pour commander un café et un croissant, la seule chose qu’il reste à manger. Je m’installe à une table libre, ouvrant mon ordinateur devant moi, posant mon café et mon croissant non loin. Comme à mon habitude, je me mets à regarder le monde autour de moi, toujours ce besoin d’épier. Pivotant sur moi-même, je me retourne et mon regard vogue jusqu’à une table dans le fond du café, arquant un sourcil, je reste quelque seconde à observer la tête blonde assise. C’est impossible. Je me lève de ma chaise et décide d’en avoir le cœur net. En une fraction de seconde, je me retrouve devant la table en question.

« Heidi ? », ma main se place sur ma nuque que je masse mal à l’aise, je me mets à rioter face au hasard de la vie et au plaisir que prend le destin à me jouer des tours.  

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Chris & Heidi

une rencontre inattendue

J’ai toujours pensé qu’en emménageant ici je laissais l’intégralité de mon passé derrière moi, qu’il concerne mes parents, mes addictions ou mes erreurs. Heidi a été l’une des plus grosses, non pas parce que j’aurais aimé être père si jeune, mais parce que je n’ai pas eu le courage d’assumer nos bêtises de jeunesse, je ne l’ai pas épaulé, pas une seule fois. Au contraire, j’ai préféré laisser mon père s’en charger, la pousser à avorter et étouffer l’affaire. Il m’arrive parfois d’y penser. Pas tout le temps, mais parfois. Il m’arrive de me demander ce qu’elle est devenue, si cette histoire ne l’a pas esquinté comme elle l’a fait pour moi. J’espère seulement qu’elle n’a pas connu de descente aux enfers aussi violente que moi.

J’étais loin de m’imaginer que le destin viendrait me jouer un de ces tours, ceux auxquels on s’attend au moins, mais que l’on prend en pleine tronche sans rien comprendre. Et pourtant. Le seul jour où je décide de venir travailler dans ce petit café, je n’y viens jamais d’habitude, je sors plutôt ailleurs. Mais aujourd’hui, je me suis engouffré sans réfléchir, et maintenant, je me retrouve debout, face à Heidi Solberg. Celle à qui je suis lié malgré le temps qui est passé. Je vois aisément dans ses yeux qu’elle est à deux doigts d’une attaque cardiaque et de me mettre une claque dans la tronche. Que j’ai mérité sans aucun doute. Elle est seule, contrairement à l’époque où l’on s’est rencontré, elle était toujours collée à une autre blonde, à qui je ne parlais que très peu.

Elle trouve une excuse, évidemment. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle m’accueille à bras ouvert et qu’on se mette à parler du bon vieux temps. Pourtant, je ne suis pas parti pour la croire. Je sais qu’elle tente de me faire déguerpir au plus vite et je le comprends. Malgré tout, je tire une chaise derrière moi et m’y assois à l’envers, posant mes avant-bras sur le dossier de la chaise. « Oui, tu as l’air très occupé. », dis-je d’un ton sarcastique. Je suis sûr que si je passe derrière elle, la page de son ordinateur sera blanche contrairement à ce qu’elle prétend. Je pose ma tête sur mes bras et l’observe quelques secondes. Elle n’a pas vraiment changé, légèrement, mais pas tant que cela. Je me redresse un peu sur ma chaise.

« Écoute… » commençais-je. « Je sais que cela fait quelques années maintenant, mais, je voulais… tu sais… », je me mets à soupirer. « M’excuser, pour tout ça. », je finis par lâcher d’un seul coup. Pathétique un peu, légèrement dramatique aussi.  Je n’ai pas vu ça comme un signe du destin, mais plutôt comme une opportunité de m’excuser une bonne fois pour toutes. Parce que je n’ai jamais eu l’occasion de le faire. Enfin si, j’ai eu l’occasion maintes et maintes fois, mais j’étais bien trop lâche pour le faire. Les choses ont changé aujourd’hui, tout comme moi. J’ai grandi et j’ai su vivre avec mes erreurs et mes responsabilités. Je regarde Heidi, et je m’attends à me faire hurler dessus, à prendre son café brûlant dans la figure ou peut-être les deux. Mais je ne pars pas, je reste sur ma chaise, et attends une quelconque réponse ou un geste.

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