nuclear seasons (ft. ulrich)

— Sur une chaise longue à côté de la piscine, je fais défiler les réseaux sociaux d’un air évasif. Venir ici le matin, c’était une bonne idée. Il n’y avait presque personne, mais maintenant les gens commencent à arriver. Malgré la somnolence qui me guette, je soupire et cligne plusieurs fois des yeux pour me réveiller. Il est temps de partir, j’imagine. Peut-être que je devrais rejoindre Paco avant qu’on aille manger, ou peut-être que je vais croiser quelqu’un qui va m’embarquer dans une activité que je n’avais même pas prévue d’essayer. L’un ou l’autre, je finis par ranger mon téléphone dans la poche de mon pantalon pour me relever.
Au bord du bassin, il serait stupide de tenter le diable à marcher avec des béquilles pour finir la tête la première dans l’eau après un faux mouvement – je ne me suis pas encombré pour cette fois. Boitillant difficilement en direction du pont, être resté là sans bouger pendant si longtemps m’a engourdi plus que je ne l’aurais imaginé. Bizarrement, on ne m’a plus tellement posé de questions, ni sur ma blessure, ni sur le fait que porter des pantalons ou des jeans aux Bahamas est à peu près stupide. Tant mieux, au moins j’ai la paix pour l’instant. J’esquisse un geste pour replacer mes lunettes de soleil sur mon nez, sans vraiment faire attention aux nouveaux arrivants.

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— Une seconde d’inattention plus tard, la pression brutale contre mes jambes me rappelle à la réalité. Et quand je perds l’équilibre au bord de la piscine, il me semble que le temps se ralentit juste suffisamment pour me permettre d’apercevoir ce visage que j’aurais préféré ne jamais recroiser. Évidemment. Dans un espoir vain de me rattraper, j’ai quelques gestes réflexes assez peu assurés avant de me laisser tomber dans l’eau. Entre la différence de température et le fait que je ne sache toujours pas nager, on peut dire qu’il y a un moment de perdition pendant lequel j’ai l’impression d’être submergé. Tous les bruits, toutes les exclamations sont étouffées et le monde paraît presque plus calme, là-dessous. Et puis, à force de battre des bras vers le rebord, je finis par trouver quelque chose à quoi me raccrocher pour ne pas me noyer. Les lunettes de soleil miraculeusement glissées sur le bout de mon nez plutôt qu’au fond du bassin, je tousse à m’en arracher les bronches. Au moins, j’ai bu la tasse dans la piscine et pas dans la mer. Ça aurait pu être pire – ou plus salé. Je cligne des yeux plusieurs fois pour chasser les dernières gouttes de mon champ de vision et passe une main crispée dans mes cheveux histoire de les plaquer en arrière. Encore hagard un instant, je peine à reprendre mon souffle et à réaliser ce qu’il vient de se passer. Je relève doucement la tête vers celui qui est, sans aucun doute, le responsable de cette honte. Si seulement j’étais tombé de mes pieds, trébuchant ou boitant, mais non ; il a fallu que ça soit lui, devant tout le monde. « Quoi ? T’as vraiment rien de mieux à faire que de me regarder ? » Un regard noir en sa direction, il ne mérite que mon mépris avec ces traits familiers qui me rappellent que je suis ici pour oublier.

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— Si j’avais pu, je l’aurais accusé à la première seconde. Mais au milieu de tout ces gens, alors que je ne suis pas le plus populaire de la ville, alors qu’il a à son bras deux témoins à la moralité relative, ce n’est pas possible. Leur rire sonnent presque tordus à mes oreilles, autant que son visage quand il m’adresse un faux air surpris. Je fronce les sourcils, ses paroles me restent en travers de la gorge. Si seulement ce n’était que sa voix désagréable, mais non. Tout ce qui le concerne me dégoûte ; moi qui suis d’ordinaire si mesuré, je ne ressens que de la rage en scrutant ses yeux. « Ferme-la. » Agrippé au rebord comme à une bouée de sauvetage, je n’ai pas pieds dans cette piscine là. Je peine à respirer, entre la pression de l’eau sur ma cage thoracique et l’adrénaline de la chute, les astres ne sont pas alignés pour que je puisse être éloquent. Sans parler de la honte d’être dans une position pareille, à le voir au dessus de moi comme s’il avait un jour été capable de l’être. « Je suis pas ton bon vieux quoi que ce soit, Henning. » J’ai du mal à croire qu’il soit ce que j’ai de plus proche d’un ami – ennemi – d’enfance. Ici, c’est la personne que j’ai connue depuis le plus longtemps. Et pourtant, c’est aussi celui que j’aurais aimé ne jamais revoir. Évidemment, plus il continue, plus les errants autour de lui sont de son côté. Peu importe si je passe pour l’ingrat ici, je n’ai pas besoin de me faire bien voir contrairement à lui. Avec un regard mauvais, je le toise de bas en haut avec une pointe de mépris à cette fausse main tendue certainement prête à me trahir à la première occasion. D’un geste mal assuré, je l’envoie paître en l’éclaboussant plutôt que de céder à ses mièvreries hypocrites ou à ses basses provocations. « Dégage d’ici, j’ai pas besoin de toi. » Le visage fermé, je sonde l’endroit à la recherche d’une échelle. Je ne vais pas rester là toute ma vie et il n’a pas l’air de vouloir bouger. Et considérant l’état de ma jambe, il y a peu de chances que j’arrive à me hisser sur le bord en un seul morceau. Je m’élance à la force des bras en me maudissant de n’avoir jamais appris à nager.

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— Les yeux rivés sur lui, il me donne la sensation de brûler de l’intérieur – et pourtant je suis dans l’eau littéralement jusqu’au cou. Dans chaque mot qu’il me crache à la figure, je peux sentir son mépris pour des choses que je n’ai même jamais dites, et presque pas pensées. De la fierté, oui. Pas pour ce qu’il semble croire. Mais peu importe ce que je dis, tout le monde va lui faire confiance, parce que je suis celui qui l’insulte et le rabaisse aux yeux du reste du monde. Et alors qu’il fait mine de parler à ses prises du jour, je soupire. Si seulement il savait à quel point je l’ai détesté, ce sang bleu, comme il le dit si bien. Mais je me reprends et lâche un soupir ironique. « Rêve pas trop. Même avec le bon rang, t’aurais jamais pu être à côté de moi. » C’est un moment étrange pour avoir tant d’orgueil, mais s’il se permet de m’attaquer sur ce terrain là, je n’ai pas à me retenir. Comme s’il n’avait pas fait ça tout seul, tout ce qu’il me reproche. Comme si je ne m’étais pas contenté d’être le meilleur et de regarder les autres de haut sans jamais leur adresser la parole plus que nécessaire. Disons, en dehors des innombrables disputes qu'il a lui même provoquées.
Son rire me pique les oreilles plus que de raison, je tique à l’énième surnom stupide qu’il me donne. Si rien ne m’appartient ici, alors rien ne lui appartient non plus ; il n’a pas à agir comme s’il était assis sur un trône imaginaire quand j'arrivais enfin à sortir la tête de l'eau (autant littéralement que figurativement). « Arrête de faire comme si t’étais à ta place alors que la seule chose que tu sais faire c’est prendre celle que quelqu’un d’autre aura chauffée pour toi. » Il est pathétique, peut-être autant que moi qui lui réponds. Je ne suis pas certain que la conversation soit toujours à propos de la piscine, de la fausse aide qu’il me propose ou même du bateau tout entier. Je ne sais même plus où donner de la tête tant sa voix criarde résonne encore et encore dans mon crâne. Quand je glisse jusqu’à l’échelle dans l’espoir d’enfin sortir de cette fichue mare, il me suit au sec. Je lui lance un regard mauvais, persuadé qu’il va tenter quelque chose. Et mon instinct ne me trompe pas, à la seconde où j’ai mes mains sur le métal, il donne des coups de pieds au hasard sans rater mes doigts. Dans un geste brusque, je m’éloigne et m’accroche au bord, sur la défensive. « Tu peux vraiment pas te passer de moi, hein ? Je t’ai manqué tant que ça ? » Je lève les yeux au ciel, essuyant au passage une partie de l’eau sur mon visage – sans grand effet puisque ma main libre est tout aussi mouillée. Maintenant quoi ? Je dois l’ennuyer suffisamment pour qu’il veuille bien partir de lui-même, quitte à m’attirer les foudres de la moitié de la ville avec la réputation qu’il est en train de me tailler ? Je suis coincé.

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— Ça commence à être compliqué. J’ai mal à la jambe, et si je reste encore longtemps dans l’eau, j’ai peur que ma blessure et mon pansement ne me lâchent. Et pourtant, quand nos regards se croisent, je comprends que c’est loin d’être terminé entre lui et moi. Il y a si longtemps qu’on ne s’était pas vus, pourtant toute la rage et la tension de nos années à nous côtoyer de force sont encore là, rien n’a faiblit – au contraire. Je cligne des yeux doucement, un peu hébété par sa réponse. Pendant une seconde, je songe à l’ignorer, à partir et sortir de l’eau depuis l’autre côté du bassin. Mais il faut croire que j’ai passé trop de temps avec Paco, maintenant je n’arrive plus à laisser couler. « Et même comme ça, t’as pas réussi à me dépasser sans tricher. » Pousser un éclopé dans la piscine et s’enorgueillir d’être resté au sec ? Sacré victoire, ça c’est sur. Plus j’entends les murmures et les rires de ces conquêtes, plus je sens la colère bouillir dans ma poitrine – hors de question qu’il gagne, pas cette fois.
Son rire déformé m’arrache un frisson. C’est vrai, je me suis déjà battu il n’y a pas si longtemps, remettre le couvert maintenant serait malvenu. Je lève les yeux au ciel quand il en rajoute, pauvre petit égo blessé par mon excellence. S’il avait été bon, alors il n’aurait pas eu à se laisser consumer par la jalousie comme ça. Je ne vois que ça, de toute façon. Tandis que je réfléchis à une façon de lui rendre la pareille sans m’attirer d’ennui – et de sortir de là, au passage – je sens mon visage se crisper. C’est probablement vrai, que personne ne me regrette à Oslo. Je n’ai jamais eu beaucoup d’amis, je n’ai jamais fait beaucoup d’efforts pour. « Qu’est-ce que tu fais encore ici alors, si je te manque pas ? On dirait que tu peux pas t’empêcher de me chercher dès que tu sais que je suis là. » Je lâche un soupir ironiquement amusé, et repose des yeux méprisants sur lui. « T’es amoureux ou quoi ? » Avec n’importe qui d’autre, ça m’aurait probablement valu un trophée de la meilleure répartie à l’école maternelle. Mais si c’est lui, je m’en fiche bien ; tous les coups sont permis.

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— Les gens comme moi. C’est tout ce qu’il a à la bouche, on dirait qu’il n’a aucun autre argument contre moi que le statut de mes parents. Je lève les yeux au ciel, autant agacé qu’acculé. Il paraît que si on ignore quelque chose assez longtemps, ça finit par disparaître mais ça n’a jamais été le cas avec lui. Toujours là, peu importe où je vais, il suivra. Le regard posé sur lui quand il s’accroupit, sa présence se fait de plus en plus proche – de plus en plus écrasante. Son air arrogant est toujours aussi agaçant, comme s’il avait quoi que ce soit dont il pourrait être fier. « Un hasard, ouais. Si ça t’aide à dormir ou à te regarder dans le miroir. »
Le visage qu’il affiche à ma répartie niveau école primaire me glace le sang. Évidemment, je savais qu’il n’allait pas bien réagir. Mais le fait d’être exactement ce qu’il répugnerait d’être fait remonter un frisson le long de mon dos. Brusquement, je me rappelle que malgré tous les efforts que je fais pour avancer, il y aura toujours des gens comme lui pour me faire faire trois pas en arrière. Les sourcils froncés et la mâchoire crispée, je lui crache une énième provocation à la figure – une bien pâle distraction. « Pourtant on dirait que tu fais tout pour qu’on le pense. » Après avoir pris une impulsion sur le métal de l’échelle de la piscine, j’attrape son col et me laisse retomber dans l’eau. Avec un peu de chance, la brutalité du geste et l’effet de surprise seront de mon côté ; mais au moment où je me vois l’empoigner au ralenti, je n’en suis plus si sûr.

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— Il y a un instant où la lueur qui éclaire ses yeux me fait peur. Je pourrais tout mettre sur son dos, le blâmer jusqu’à ce que mort s’en suive ; mais la vérité, c’est que je me suis mis dans cette situation tout seul. A lui répondre, à ne jamais lâcher l’affaire, à toujours raviver une flamme qui mériterait pourtant de s’éteindre – il y a tant de façons dont j’aurais pu mieux gérer la situation et depuis longtemps. Mais dans la fureur de l’instant, dans le frisson que son expression m’arrache, j’abandonne l’idée de me battre contre la rancœur qui m’anime en dépit de la raison. Pendant la seconde qui s’écoule au ralenti alors que je l’attrape pour le faire tomber dans l’eau, il me semble voir quelque chose de nouveau se peindre sur son visage. Je ne saurais pas dire quoi, tout se passe très vite quand l’élan de sa chute me repousse plus loin. Encore une fois isolé dans le silence relatif de la piscine, je me sens perdre pieds. Il y a des millions de pensées à la minute qui défilent dans ma tête, une vague de panique qui fait battre mon cœur un peu plus vite. Au milieu de tous les mouvements erratiques que je fais pour tenter désespérément de remonter à la surface, je bute dans quelque chose qui me semble assez solide pour me permettre de survivre un jour de plus.
La tête hors de l’eau pour la seconde fois, j’ai du mal à reprendre conscience d’où je suis entre deux quintes de toux. Une fois que l’air a retrouvé son chemin jusqu’à mes poumons et que le goût du chlore commence à disparaître de ma bouche, je cligne des yeux plusieurs fois, peinant à comprendre. Quand mes yeux glissent de son bras jusqu’à son épaule, son cou et enfin son visage, je fronce les sourcils. Il est un peu trop près pour que je m’en tire comme ça, mais maintenant on est trop loin du bord pour que je me débrouille tout seul. Alors, j’ai deux choix : le laisser me ramener jusqu’à la terre ferme et en assumer la honte ou le lâcher et me noyer avec les honneurs. Ce n’est pas très difficile, mais pourtant la satisfaction de l’avoir littéralement descendu de son piédestal me tord le ventre. Maintenant, on est quittes – pour ce qu’il vient de se passer, en tout cas. « Tu feras gaffe, je crois que le bord de la piscine glisse. » Avec un soupir plein d’un dédain à peine voilé, je ne laisse pas son bras partir mais je ne lui permettrai pas d’entendre un merci de ma part.

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— Je ne sais pas qui de lui ou moi s’accroche le plus fort à l’autre. Moi pour ne pas me noyer, lui probablement pour me faire mal. M’aider sans que ça soit trop évident, sinon ce serait douloureux pour son ego, je suppose. Je ne peux pas mentir ; si les rôles avaient été inversés, j’aurais fait la même chose avec la même hargne dirigée contre lui. Peut-être que c’est pour ça que je ne peux pas me permettre de le remercier ou de démontrer un seul instant de faiblesse – il en profiterait jusqu’à ma mort. Il a l’air crispé, énervé et clairement au bord de l’explosion. Pendant une seconde, je me dis que ne pas attendre d’être au sec pour le provoquer n’était pas l’idée du siècle.
Mais à ma grande surprise, il me lâche sans délicatesse près de l’échelle pour remonter lui aussi un peu plus loin. Les doigts serrés contre le métal chauffé par le soleil, je dois puiser dans mes dernières ressources pour trouver la force de ramener mon poids sur le bord de la piscine. Et pendant ce temps, le spectacle continue auprès des autres touristes. Autour de lui, tout le monde se presse pour féliciter son héroïsme. Ah, s’ils savaient. Soudain, un malheureux ayant eu assez de cran pour s’approcher de lui finit la tête la première dans la piscine. Je suis le mouvement du corps des yeux sans bouger, pas franchement capable de l’aider. Debout dans mes vêtements trempés, je peux voir ma blessure commencer à se voir par transparence et ça me met un peu mal à l’aise ; le pansement a bougé, il ne manquait plus que ça.
Sans me regarder, il répond à ma provocation – à moins que ça en soit une à part entière. Ses menaces m’atteignent sans me faire peur et j'ignore les regards confus tout autour de nous, je suis bien trop remonté par le rancœur que j’ai contre lui. « Tu devrais être satisfait. Je t’ai offert sur un plateau la meilleure réputation que t’aies eu depuis des années. » Venant de quelqu’un comme moi, c’est clair que c’est osé. Mais quand est-ce que c’était, la dernière fois qu’il a eu autant de gens autour de lui pour le féliciter ? En fait, je n’en sais rien. Je ne sais pas ce qu’il a fait, ces dernières années – peut-être a-t-il eu bien plus de réussite que moi, dans sa vie.

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— Quand il daigne regarder en ma direction, je fais mine d’ignorer ma jambe qui m’élance. Les gens continuent à graviter autour de nous, sans trop savoir quoi faire. J’esquisse un rictus à sa réponse, il se croit si supérieur – tellement meilleur que moi, ou que tous les autres ici. Dans un autre monde, on aurait pu se ressembler. Haussant un sourcil, je feins l’innocence. « Je suis juste tombé dans la piscine, et tu m’as rejoint parce que t’as glissé. Pourquoi, il s’est passé autre chose pour toi ? » Si je peux le pousser à avouer sa mesquinerie en public, alors peut-être que ça aura le goût d’une demi-victoire. Loin de me douter de ce qui occupe ses pensées, l’idée de pouvoir lui arracher la vérité d’entre les dents a quelque chose de savoureux.
Sans comprendre l’air presque satisfait qui flotte sur son visage, je fronce les sourcils. Mes yeux passent de lui à ses copines probablement en quête de popularité – je ne vois pas d’autres raisons qui les pousseraient à se coller à lui comme ça. Obéissant à ses ordres princiers, quelqu’un me tend une des serviettes mises à disposition près des bassins. « Merci. » Sans jeter un regard à la personne, j’attrape la serviette et la glisse sur mes épaules. J’allais partir sans demander mon reste, mais sa présence si proche fait ressortir tout ce qu’il y a de pire en moi. Dans un désir dévorant de détruire quelque chose qui lui appartient, je sens un sourire malsain s’étirer sur mes lèvres alors que je dépasse les filles à son bras. « Faites attention à ne pas trop lui tourner autour, vous pourriez être les prochaines à piquer une tête. » Une phrase lourde de sous-entendus, peut-être pas suffisante pour les faire prendre conscience de qui est réellement la personne avec qui elles sont en train de s’amuser.

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— Les gens commencent à s’en aller, désintéressés. Tant mieux. Pas que ça me gêne vraiment de sentir leurs regards sur moi, j’ai eu des moments plus ridicules que celui-là, mais je n’ai jamais aimé être au centre de l’attention. Je ne donnais de toute façon déjà pas cher de ma réputation en ville, alors je n’ai même pas l’impression d’avoir perdu grand-chose – si ce n’est mon temps. J’encaisse sa réponse avec un sourire amer au coin des lèvres. Impossible d’avoir le dernier mot avec cet imbécile, c’est quand même dingue. Détournant les yeux pour ne pas avoir à le voir se pavaner avec ses conquêtes du jour, je le laisse s’enfuir pour cette fois. « Ouais, ouais. A jamais. » En le regardant s’éloigner alors qu'il a le dos tourné, je sens enfin le goût du chlore m’irriter la bouche, encore plus que d’avoir eu à lui parler. J’espère sincèrement que je ne vais pas le recroiser pendant le séjour, mais je n’y crois franchement pas trop. Dans un endroit aussi fermé, bien que très grand, j’ai toutes les chances de revoir sa sale tête à un moment pire qu’un autre.
Je reste là quelques secondes, agacé par les rires qui s’effacent dans la distance et par l’humidité partout sur moi. Soudain, je réalise la catastrophe. Tapotant vivement les deux côtés de mon pantalon, je constate avec une grimace affolée que mon téléphone est bien dans ma poche. Dans un espoir vain, je tente de le rallumer – et ça ne fonctionne évidemment pas. « Oh, non… » Décidément, partout où ce type passe, les problèmes suivent.

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