all eyes on me (ft. abigail)

— Tout est confus pour elle, ces derniers jours. Mais avec la fin de l’année universitaire qui approche, ses projets personnels et même la fête nationale qui aura lieu dans peu de temps, elle n’a pas franchement eu le temps de s’attarder sur ses problèmes. Est-ce que s’en sont encore ? Elle n’en est pas certaine non plus. De ce dont elle se souvient de cette soirée à Bergen, c’est la présence d’Heidi et tous les mots qu’elles ont échangé avec si peu d’animosité et tant de sincérité. Est-ce qu’il existe vraiment un monde ou tout ira bien pour elles ? Dans la file d’attente pour rentrer dans la boîte de nuit huppée du quartier, elle soupire avec lassitude et passe une main dans ses cheveux blonds. Heureusement, elle a le parfait remède à tous ses maux en la personne d’Abigail. En ce moment, la brune lui propose de plus en plus de sortir ; et si ça n’est normalement pas pour lui déplaire, elle commence un peu à se poser des questions. Tant que ça lui permet, que ça leur permet à toutes les deux, de s’évader quelques heures de la réalité… où est le mal ? Et puis, ça doit être son charisme naturel qui fait effet, tout simplement.
Interrompue dans ses pensées par le visage de son amie qu’elle reconnaît non loin, elle agite le bras bien haut pour lui indiquer où elle se trouve. « Hey, par ici ! » Le sourire aux lèvres, elle sent que sa soirée commence et elle ne pourrait pas en être plus enthousiaste. Elle ne compte pas se mettre minable aujourd’hui, pas comme l’autre soir. Mais si elle a choisi le Blood Night, c’est aussi pour le sentiment de sécurité qu’elle éprouve à l’intérieur. Loin des gros lourds qui la suivaient partout dans ce club de la ville voisine, elle a hâte de pouvoir se déhancher sans avoir à s’inquiéter de tout ça. Réajustant le col de sa veste en fausse fourrure rose en attendant qu’Abby la rejoigne dans la file, elle entreprend aussi de vérifier rapidement son maquillage et ses vêtements. Le printemps a beau être là, en Norvège les jours restent frais plus longtemps. « Tu vas bien ? Quoi de neuf depuis la dernière fois ? » Trépignant presque quand la brune se trouve enfin à ses côtés, elle décide d’un coup de tête de payer les deux entrées quand leur tour vient.

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Si rapide avait été le moment avant qu'elle ne retourne le nez dans ses notes suite à ses examens. Cette sensation si tenue que finalement, ça n'était sans fin, qu'elle n'y échappait pas, que rien n'était sous son propre contrôle. La situation -sa situation- était déjà tellement délicate que tenir concentrée plusieurs heures d'affilées lui demandaient bien plus que ce qu'elle ne voulait bien laisser voir. Le nombre de pauses qu'elle s'imposait. Le nombre de siestes.
Le nombre de verres.
Et ce soir, elle n'avait de nouveau pas la tête à ça. Alors après avoir envoyé un sms à Sól, une amie avec laquelle elle sortait de plus en plus récemment, celle qui n'avait de lien avec quasiment personne qui pourrait être de près ou de loin lié à ses problèmes, qui a un tel sens de la fête et un tel enthousiasme que sa présence lui suffisait pour pouvoir au moins se dégager quelques heures son copain de ses pensées, la jeune femme l'a laissa organiser les détails de la soirée et se prépara.
Même s'il était vrai qu'en ce moment, elle préférait échappé à sa chambre de couple qu'elle occupait souvent seule, Abby essayait aussi de se convaincre que prendre l'air et fréquenter cette blonde ne pouvait lui amener que du bien. Ou tout du moins égayer un peu son moral bien en berne.
Apercevant son amie devant la boîte, elle répondit à son geste par un sourire et la rejoignit dans la file, plutôt courte pour une fin de semaine.  « Ça va et toi ? » Ça va n'était pas réellement son état mental actuel, mais elle avait décidé que ça le serait officiellement pour ce soir.  « Alors, écoute, je peux te parler dorénavant de la composition du venin de certains serpent en Europe de l'ouest si tu veux...  » Une moue moqueuse sur le visage, elle enfonça ses mains dans les poches de son manteau. Il était là le secret de cette file courte : le temps inutilement frais en dépit d'un printemps déjà bien entamé. Qu'est-ce que la France pouvait lui manquer quand il s'agissait du climat. « Et toi, des choses plus trépidantes que mes cours ?  » L'interrogea-t-elle en sortant son porte-feuille pour payer sa place et s'offusqua gentiment lorsque Sól paya le double de la sienne. « Ohlala, il y a quelque chose que tu ne m'as pas dite pour pouvoir te permettre une telle somme supplémentaire ? Tu as rencontré quelqu'un de riche qui veut t'emmener vivre dans une vraie ville ?  » Elle la bouscula doucement de l'épaule avec une moue moqueuse alors qu'elle échangeait son manteau contre un ticket au guichet suivant, s'empressant de payer pour sa partenaire du soir avant qu'elle ne fasse quoique ce soit et l'administra d'un très mature langue tirée alors qu'elle tendait les bras pour donner sa veste à la personne de l'accueil.

— Heureusement, elle n’a pas eu à attendre longtemps pour apercevoir le visage de son amie dans la foule. Bien vite à ses côtés, elle répond avec cet air confiant qui ne la quitte que rarement. « Toujours. » Si elle avait fait un peu plus attention, elle aurait peut-être compris qu’elle avait répondu un mensonge à un mensonge. Le visage fatigué d’Abby en dit long, et ses propres doutes pèsent également très lourd sur ses épaules. Mais la brune enchaîne alors ça la rassure. Son petit nez froncé, elle écoute les histoires de venin de serpent avec une pointe de dégoût non dissimulée. « Ugh, ça a vraiment l’air passionnant dis-moi. » Pour Abby, ça doit sans doute l’être malgré son attitude très ironique ; pour elle, un peu moins.
Tandis que son amie lui retourne la question, elle s’empresse de payer l’entrée dans la boite pour elles deux quand leur tour vient. Elle se retourne, un petit regard espiègle et un rictus au coin des lèvres. « En fait, oui. Mais je vais attendre d’avoir quelques verres dans le nez pour te raconter tout ça ! » Et puis quoi encore, elle ne va quand même pas tout balancer en étant sobre. L’air faussement outrée, elle répond avec autant d’ardeur que possible. « Qu’est-ce que tu veux dire par "une vraie ville" ?! C’est super ici, mon appartement est presque plus grand que cette salle et personne ne me siffle dans la rue ! » Bon d’accord, elle exagère peut-être un peu. Mais il n’empêche qu’elle se plaît plutôt bien, à l’inverse évident d’Abby. Il semblerait que la brune a encore plus le mal du pays qu’elle ne l’aurait pensé – c’est facile, pour elle, elle parle la langue et est même née non loin d’ici.
Interrompue dans ses pensées par la soudaine attitude joueuse de son amie, elle reste plantée là un moment avant de réagir. « Alors c’est comme ça, ce soir ? Très bien. » D’un mouvement de tête entendu, elle abandonne à son tour son manteau au vestiaire. Et dans le même souffle, elle attrape le bras d’Abby avec ce genre de petit air qui n’annonce vraiment rien de bon. Arrivées près du bar, elle lève la voix pour se faire entendre par dessus la musique quand elle s’approche du serveur. « Bonsoir ! Deux Tequila Sunrise s’il vous plaît ! » Pendant qu’il s’occupe de la commande, elle laisse un billet sur le comptoir où elle s’accoude et lance un regard narquois à sa camarade. « Je te laisserai choisir le prochain verre. »

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Un sourire partagé, elle émit un hoquet de surprise quand son amie la pris par le bras avec cette expression sur le visage. Se laissant guider jusqu'à reconnaître les contours du bar déjà bien trop familier. Ce qui ne pouvait signifier que deux choses : soit le nombre de boîtes dans cette ville était inversement proportionnelle au nombre pourtant élevé d'étudiants, soit Abby devait sincèrement revoir le thème de ses sorties, puisque visiblement, celui qui semblait être en tendance actuellement se portait sur les salles de danse aka beuverie aka perte du PEL aka drague à deux francs-six-sous. L'air faussement outré tandis que Sól avait profité de son hébétude pour lui offrir un verre, la jeune femme en profita pour s'installer sur une des -trop- rares chaises de libres, se pencha en avant pour avoir un barman à sa hauteur pour articuler en tentant de couvrir la musique de sa voix : « Vous pourriez rajouter six shot, s'il vous plaît ! » et adressa un sourire malicieux joueur à sa voisine. « J'aime bien les multiples de trois. Puis tu me connais, je ne suis pas du tout joueuse. » Elle s'installa plus confortablement à sa chaise et attrapa le Tequila Sunrise qu'un autre serveur leur avait déjà servit. « Mais avant tout, parle-moi de ce petit vieux qui semble te donner suffisamment de moyens pour que tu puisses payer deux entrées d'un coup dans une boîte de nuit pleine de chic et de luxe. » ironisa t-elle en sachant très bien que Sól avait un avis bien plus modéré sur tout ça. Mais c'est elle qui avait débuté la danse n'est-ce pas ? Alors, grand bien lui fasse, elle pouvait être une excellente danseuse à ses heures perdues. Dans l'attente de l'ouverture des festivités, elle tendit son verre pour trinquer.

— Après avoir traîné son amie jusqu’au bar et commandé pour deux sans s’enquérir de son avis, elle s’accoude au comptoir tandis que la brune se trouve un siège proche. Haussant un sourcil étonné quand Abby rajoute six shots à l’addition, elle la dévisage un instant quand elle semble se justifier. « Woah, c’est un peu tôt dans la soirée pour tout ça, quand même. » D’habitude, ce genre de choses sont plutôt réservées aux esprits déjà échauffés, mais soit. Elle suivra la danse dans tous les cas ; après tout, elle est là pour s’amuser et se détendre et l’alcool ne sera pas de trop pour ça. Leurs premiers verres arrivent alors, et son amie sort alors une remarque qu’elle n’aurait jamais pensé entendre. Clignant plusieurs fois les yeux, elle s’efforce de ne pas avoir l’air vexée ou offensée – même si c’est un peu le cas. « C’est une accusation sérieuse que vous portez, madame. » Faussement agacée, elle affiche un rictus. « Je suis une grande fille, figure-toi que je travaille pour avoir mon argent de poche. » Même si elle respecte tous les genres de boulots et sera toujours derrière toutes les femmes, elle ne peut pas s’empêcher de sentir son égo piqué par ce sous-entendu, qu’elle serait entretenue ou n’aurait pas mérité son argent. Elle soupire doucement, bien consciente qu’elle ne devrait pas prendre la mouche pour une simple blague. « Et bon, disons que je n’ai pas les parents les plus pauvres de la région non plus. Je n’habiterais pas dans le quartier le plus cher de la ville si je n’en avais pas les moyens. » Haussant les épaules, elle balaye la question d’un vague mouvement de la main. Peut-être qu’Abby ne savait pas qu’elle habitait tout près de cette boite, au Palasset, ou que sa famille n’avait pas à rougir de sa petite fortune. L’air un peu résigné, elle cale son menton dans sa paume avant de trinquer avec sa partenaire de la nuit. « Alors, qu’est-ce que tu essayes de noyer là dedans ? » La question lui brûle les lèvres depuis quelques minutes, elle sent bien que quelque chose ne va pas comme ça devrait aller.

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Si Abbi ne questionnait jamais de trop son amie sur des sujets qui pouvaient se révéler fâcheux, comme ceux de la famille de manière générale, elle comprit assez vite à son air beaucoup moins enthousiasme à sa réponse que sa partenaire de soirée n'avait apparemment pas apprécié sa question. « Oh, Sól, je n'étais pas sérieuse évidemment. Que tu ais un petit vieux ou bien un travail incroyablement bien payé, compte tenu de notre âge, ou bien que tu ais juste de l'argent de poche, tant que la soirée se passe bien, je demande rien de plus, tu sais moi. » la rassura t-elle avec un sourire franc en la prenant par les épaules. De son autre main, elle tapa son verre une fois sur le bar avant de l'avaler cul sec. « Après... » Commence t-elle avec un regard entendu. « Si tu as vraiment rencontré quelqu'un, moi, je suis tout à fait disponible pour t'écouter m'en parler. » Remarquant le verre levé de son amie, elle s'excusa silencieusement d'avoir commencé sans elle et leur verre claque dans un tintement. La boisson au bord des lèvres, Abbi retint difficilement une grimace à l'interrogation cette fois bien trop franche de sa copine de bar. Décidant que ignorer d'y répondre pendant quelques instants n'y changerait pas grand chose, elle but d'un trait son second verre et le retourna sur le plateau. « Oh, rien de bien exceptionnel, tu vois. » Sa main s'avance vers son troisième shot. « Tu sais, la vie de couple. » Ses doigts se referment autour. « Toujours des problèmes à régler et jamais un mec disponible pour pouvoir se poser et communiquer. » Son bras se leva. « Par chance, je l'aime et je suis patiente. » Le contenu disparu de nouveau dans sa gorge. « Rien de bien transcendant, comme je te disais. » Et rien qu'elle ne voulait présentement étaler ce soir sinon, ça serait de toute évidence l'alcool triste auquel elles auraient à faire, et ce n'était sûrement pas ce soir qu'Abbi voulait s'effondrer en larmes pour expliquer combien son mec lui manquait.

— Elle hoche doucement la tête avec un sourire en coin. Le verre au bout de ses doigts et l’envie de s’amuser jusqu’à la fin de la nuit l’empêchent de trop en vouloir à son amie pour le commentaire qu’elle n’a décidément pas apprécié. Mais s’il ne suffit que d’une bonne soirée pour rattraper le coup, alors ça lui va. « J’espère bien, parce que comme ça tu ne seras pas difficile à contenter. » Sa main sur son épaule et l’alcool qu’elle avale déjà n’éveillent pas encore de soupçon, mais ça ne va pas tarder. Elle ricane quand même à sa remarque autant qu’à son petit regard plein de sous-entendus. « Ah ! Malheureusement, pas encore. Mais je te promets de t’en parler si ça arrive. » L’idée d’être en couple s’est peu à peu effacée de son esprit, comme si chaque possibilité ne pouvait mener qu’à une catastrophe. Et ça, c’est sans compter tous ces empotés qui ont trop peur de l’ambition et de la réussite pour l’approcher – une femme qui a du pouvoir et qui l’assume, ça ne fait malheureusement pas rêver beaucoup d’hommes, d’après ses expériences.
Pas de pincettes ni de subtilité ici quand elle met les pieds dans le plat. Les nombreux verres alors que la soirée vient à peine de commencer sont un peu louches, et elle se voit mal ignorer le fait qu’Abby la contacte de plus en plus souvent. Il se passe un temps où elle n’est pas certaine que son amie veuille répondre. Et puis surprenamment, elle le fait. Ses informations se distillent entre chaque verre qu’elle avale sous son regard inquiet. Devrait-elle l’arrêter ? Ça fait beaucoup, mais c’est une soirée dans une boîte de nuit et elle est adulte. Ses doigts se serrent autour de son verre, il est de plus en plus difficile pour elle de sourire. On dirait qu’elle a bien plus que prévu à dire. « Je vois. » Appuyée sur le comptoir, elle observe son amie en pesant chacun de ses mots pour ne pas dire de bêtises. « Tu sais, ces dernières années, je n’ai été en couple qu’une fois. On ne vivait pas ensemble et on n’avait même pas l’intention de passer notre vie ensemble. Le courant passait et c’est tout, juste… carpe diem quoi. » Haussant les épaules, elle passe vite sur ces explications pour rentrer dans le vif du sujet. « Donc je ne suis pas très bien placée pour donner des conseils. » Un pâle sourire plus tard, elle penche la tête sur le côté. « Mais si tu es avec quelqu’un qui ne considère pas tes problèmes comme les siens, ou qui n’est pas capable de les voir quand il y en a… peut-être que c’est ça, le plus gros problème. » Peut-être qu’Abby l’aime vraiment, alors peut-être aussi qu’elle est aveuglée. Mais l’idée de devoir porter une relation seule lui serait insupportable. Elle s’en voudrait d’être celle qui proposerait la rupture comme solution, alors elle se tait. Surtout que vu son attitude, la brune a à la fois besoin d’en parler et pas du tout envie que ça arrive. Compliqué, mais compréhensible.

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