boulevard of broken dreams (ft. adelheid)

|	boulevard of broken dreams ; ft. adelheid

— De retour à Bergen pour le week-end après cette fin d'année pour le moins mouvementée, elle a décidé un peu sur un coup de tête de rendre visite à ses parents. Mais incapable de négliger ses études malgré l'ambiance peu propice à la concentration qui règne chez eux, elle a décidé de s'installer dans un café qu'elle avait l'habitude de fréquenter avant de partir faire sa licence à Oslo. Toujours assise au même endroit, elle est un peu déçue cependant de voir que la serveuse a changé et n'a donc pas pu la reconnaître ni lui servir sa boisson favorite avant qu'elle n'ait pu la lui demander. Elle observe les tables se remplir avec un air un peu accablé ; elle qui pensait pouvoir profiter du calme pour travailler ses cours en dégustant un cappuccino, c'est raté.
Un énième soupir destiné à l'écran de son ordinateur portable, elle jette encore un coup d'œil à ses notes manuscrites avant de taper quelques phrases pour commencer. Peu convaincue, elle finit par effacer tout ce qu'elle vient d'écrire avec une grimace agacée. De toute façon, elle n'arrivera à rien tant qu'il y aura tout ce brouhaha dans la salle. Peut-être devrait-elle hurler à tout le monde de se taire ? Ou juste changer d'endroit ? L’humeur lasse du jour commence à l’envahir jusqu’à presque regretter d’être venue. Mais avant qu'elle ne puisse se décider, une vibration familière se fait sentir dans son sac. Navigant de notifications en notifications, elle fait le tour de toutes les applications et réseaux sociaux comme pour justifier sa procrastination. Et elle ne remarque pas tout de suite la présence en face d'elle. Alors, quand elle relève la tête de son téléphone, c'est avec un mélange de perplexité et de surprise qu'elle toise la personne assise à sa table.

|	boulevard of broken dreams ; ft. Sól Henriksen

— Découvrir, c'est ce que je préfère faire. Me perdre dans des endroits nouveaux, vagabonder dans les rues inconnues, m'élancer dans la conquête de nouveaux lieux avec un sourire enjoué... c'est une habitude, finalement. Il n'est pas rare de me voir déambuler sans autre but que celui de découvrir quelque chose de nouveau. Je ne sais pas si je saurais vivre autrement. Probablement pas, c'est une composante trop importante de ma personnalité. Enfin, aujourd'hui, j'ai envie de découvrir un lieu bien particulier, qui a une réputation délicieuse – au sens littéral, d'ailleurs. Il paraît qu'on y trouve des pâtisseries vraiment bonnes et j'ai déjà hâte de pouvoir me forger mon propre avis sur la question. C'est donc bien décidée à ne ressortir de l'endroit qu'en roulant que j'y entre, en me confrontant soudainement à une réalité très particulière : je ne suis visiblement et définitivement pas la seule à avoir eu envie d'un petit délice sucré. Alors me voilà déjà à me faufiler, à fureter à la recherche d'une chaise en essayant de ne bousculer personne. Le Saint Graal se dresse enfin là, à quelques pas, et je franchis les derniers obstacles avant de me laisser choir sur le siège en poussant un léger soupire de satisfaction. À ma table se trouve une jeune femme – devrais-je alors plutôt dire que je me trouve à sa table, puisque j'ai décidé de squatter ? - et je tente un sourire qui ne trouve aucun écho. Et, bien sûr, je n'ose pas la déranger alors qu'elle semble absorbée par l'écran de son téléphone. Mais voilà déjà qu'elle plante enfin son regard sur moi, et que mon sourire revient au galop alors que je lui fais un léger signe de main. « Bonjour, je suis désolée, il n'y avait plus de... » que je commence à dire en Norvégien, avant de me confronter à mes propres limites linguistiques. Je ne parle pas encore couramment la langue, même si mes bases sont relativement solides. Alors, je ne me décourage pas, le mot que je cherche ne me revenant pas, j'improvise « … Il n'y avait plus d'endroit libre. Je m'appelle Adel. » Elle s'en fichera peut-être comme de l'an 40, mais ça ne fait rien. Je prends le parti de croire qu'elle préférera sûrement savoir le prénom de la personne qui vient de s'asseoir en face d'elle.

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— D’abord un peu perdue, elle remet les choses en ordre quand elle relève la tête. Il y a un petit moment de flottement quand elle émerge de son téléphone, déjà lui-même syndrome d’une déconcentration certaine. Comme si l’inconnue en face d’elle avait attendu qu’elle la remarque pour s’exprimer, elle lui sourit et la salue d’un signe de main. Sans savoir vraiment ce qu’elle lui veut, elle lui rend son sourire poli et s’attend à quelque chose de sa part avant de remarquer la situation autour d’elles. Effectivement, elle aurait pu chercher longtemps, le café est quasiment plein à craquer maintenant. A moitié amusée, presque un peu attendrie aussi, elle observe l’inconnue au style alternatif se débrouiller avec le norvégien sans l’aider pour autant. Attentive à ses mots et à son accent approximatif, elle hoche simplement la tête avec un air plus ou moins avenant. « Ce n’est pas un problème, tu peux t’installer. » Elle répond dans sa langue natale, puisque si son interlocutrice a commencé comme ça c’est qu’elle voudrait le parler aussi. En temps normal, elle n’aurait pas manqué de râler contre quiconque se permettrait de troubler son royaume de sa présence, mais il faut croire que l’occasion de procrastiner est trop belle. Pas la meilleure professeure mais définitivement douée pour faire la conversation, elle dépose délicatement son téléphone dans son sac à main pour se concentrer sur Adel, puisque c’est comme ça que l’inconnue s’appelle. « Comme la chanteuse ? Moi c’est Sól, avec un accent aigu sur le o. » Précision d’une inutilité discutable puisqu’elles ne vont probablement pas s’échanger de lettres dans la minute, mais qui a tendance à intriguer les gens qui ne connaissent pas la signification de son prénom. Elle croise les bras contre la poitrine et s’adosse à son siège comme pour s’installer confortablement avant d’en apprendre plus sur cette nouvelle arrivante. Consciente du grand attrait touristique de Bergen mais aussi de l’influence grandissante de Fredelig dans le monde entier, elle se surprend à faire quelques suppositions quant à la raison de sa présence ici. Parfaite distraction pour l’empêcher de terminer son devoir. « Alors, est-ce que tu es là pour les vacances ou… est-ce que tu es en tournée mondiale avec un groupe ? » Elle hausse un sourcil avec son petit sourire mutin, d’humeur joueuse. Avec sa tenue et ses cheveux, elle ne ferait pas tâche sur une scène face à une foule en délire. Ce qui est sûr, c’est qu’elle n’est pas là parce qu’elle y est née, alors autant demander.

|	boulevard of broken dreams ; ft. Sól Henriksen

— Mon sourire ne fait que s'agrandir alors que j'obtiens l'autorisation de mon interlocutrice pour m'installer. En même temps, il m'aurait été vraiment difficile de m'installer ailleurs, et elle l'a certainement constaté elle aussi. Et, finalement, un léger rire m'échappe alors que je secoue déjà la tête face à sa question. Sa précision sur l'écriture de son prénom, elle, fait bouillonner mon cerveau. Je sais que j'ai déjà vu ce prénom quelque part, mais je n'arrive pas à me souvenir où et ça me frustre un peu.

En tout cas, c'est d'un ton extrêmement enjoué que je réponds : « Pas tout à fait. Adel, c'est pour... diminuer ? Oui, diminuer le prénom Adelheid. C'est allemand. » Mon accent trahit déjà certainement un peu cette information, on n'efface pas un accent aussi fort que le mien d'un claquement de doigt, après tout. « Ton prénom a une signification particulière ? » Je ne peux pas m'empêcher de demander. Je l'ai sur le bord de l'esprit, je sais que je connais déjà la réponse à cette question, mais ça ne veut pas me revenir sur l'instant. Ce n'est pas dramatique, en soi, simplement frustrant.

Mais de nouveau, je ris, après un léger temps de latence pour être certaine d'avoir bien compris ce que m'a dit Sól. Au moins, discuter avec elle me force à travailler mon Norvégien, et elle ne me fait pas vraiment de cadeaux de ce côté là. C'est mieux, il n'y a rien de tel pour apprendre que de se forcer à avoir une conversation dans la langue visée. « Je suis dans l'université de Fredelig. » dis-je, en me rendant compte de ma maladresse linguistique sans être pour autant capable de la corriger. « Je voyage beaucoup, mais j'aime beaucoup la Norvège. Alors je reste ici pour étudier, je me suis installée à Fredelig pour quelques années. Et toi ? » La question est certainement un peu idiote, alors je me presse pour ajouter : « Enfin, toi, tu fais des études, aussi ? »

|	boulevard of broken dreams ; ft. adelheid

— Toujours sagement souriante face à l’enthousiasme de sa nouvelle partenaire de table, elle écoute les explications avec un air attentif. Son norvégien n’a pas à rougir de ses performances, mais c’est vrai que son accent est à couper au couteau. Mais après tout, elle ne fait elle-même pas particulièrement d’efforts là-dessus quand elle prend la peine de parler anglais, alors elle n’a rien à dire. Elle hoche doucement la tête pour signifier à son interlocutrice qu’elle a tout compris, bien décidée à ne pas lui faciliter la tâche. « Aaah, je vois. Rien à voir avec Adèle alors. » Tant pis, c’est une chanteuse qu’elle aime bien et quelque chose à quoi se raccrocher pour faire la conversation ; mais Adelheid, c’est valable aussi.
Le visage soudainement illuminé quand elle pose la question à laquelle elle mourrait d’envie de répondre, elle joint ses mains comme un réflexe enjoué. « Oui ! Ça vient de la mythologie nordique. » Le ton heureux et l’air fier, elle se lance alors dans une explication express de son mythe préféré. « Sól, c’est l’incarnation du soleil. Mmh, ça dépend des légendes, mais parfois elle est aussi considérée comme la déesse du soleil. » Les gestes princiers et l’attitude d’une reine, elle sait qu’elle porte son prénom comme personne ne l’aurait fait à part elle ; alors il n’y a rien de plus flatteur que d’être assimilée à une déesse. Un doigt savamment posé sur le bord de sa mâchoire, elle fait mine de réfléchir comme pour installer un peu de suspens et donner du corps à son récit. « Il y a aussi Máni dans l’histoire, c’est l’incarnation ou le dieu de la Lune. » Elle hoche doucement la tête, les yeux un peu figés dans le vide. « Bon, la suite est moins cool alors je t’épargne la version où ils sont poursuivis par des loups dans le ciel. » Avec un rire délicatement résigné, elle hausse les épaules avant de conclure rapidement. « Mais j’imagine que si j’avais eu un frère, il aurait pu porter ce nom là ! » Son plus grand drame familial, c’est d’être fille unique ; quel dommage d’avoir raté une occasion pareille, quand on y pense. Sa brève histoire terminée, elle guette les réactions de la fille en face d’elle pour constater d’elle-même si son aura est aussi assurée et magnétique qu’avant.
Poliment, elle attend que son interlocutrice termine sa phrase pour s’émerveiller. C’est un drôle de hasard, de croiser une autre étudiante de Fredelig ici. En plus, ça veut au moins dire qu’elle croit un peu au féminisme, et ça aussi, ça marque des points pour elle. « Moi aussi, je vais à l’université de Fredelig ! » Elle note mentalement que de tous ses voyages, c’est en Norvège qu’elle a choisi de rester et sent une petite pointe de fierté pour sa terre natale grandir dans sa poitrine. Un sourire franc sur les lèvres, elle confirme avec la bonne humeur qui s’impose désormais. « Je viens de Bergen, mais j’ai commencé mes études à Oslo avant de revenir quand les travaux de la ville se sont terminés. » Prenant une gorgée de son café avant qu’il ne soit froid, elle marque une pause avant de reprendre. « On va sûrement être amenées se recroiser alors. Je suis en sciences politiques, en master. Et toi ? »

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— Mon prénom est plutôt banal. Du moins, il l'est dans mon pays natal. Je ne sais pas si je serai amenée à croiser d'autres Adelheid dans le coin. En tout cas, il n'a rien de très intéressant, alors que celui de mon interlocutrice semble avoir un peu plus de signification. Et je ne regrette pas d'avoir posé la question. Non, bien au contraire, alors qu'elle m'explique que son homologue mythologique est l'incarnation du soleil, toute mon attention est captée dans la seconde. Je savais bien que ça ne m'était pas complètement inconnu ! J'avais déjà lu tout ça dans un livre sur la mythologie nordique. Pour autant, je ne la coupe pas. Au contraire, je bois littéralement ses paroles, complètement émerveillée par ce qu'elle partage avec moi. Je dois certainement avoir mon petit sourire idiot, celui qui s'installe toujours sur mon visage lorsque j'apprécie ce que je découvre. Et, bien malgré moi, une petite moue passe furtivement sur ma face lorsqu'elle abrège l'histoire, mais disparaît aussi vite qu'elle est arrivée. D'ailleurs, je retrouve bien vite mon sourire. « Si un jour tu as l'occasion de me raconter la suite, je serai heureuse de l'écouter ! » dis-je, le plus honnêtement du monde. Je trouve qu'il est plus intéressant d'apprendre des autres que d'apprendre des livres. C'est plus vivant. Et puis, je finis par apprendre qu'elle aussi est étudiante à Fredelig et je ne peux pas m'empêcher de sourire davantage. Elle m'explique un peu son parcours, d'où elle vient et où elle a été. J'ai pu passer un peu de temps à Oslo, moi aussi, avant de venir m'installer à Fredelig et je suis heureuse de me trouver face à quelqu'un qui connaît cette ville. Elle a été l'un de mes plus vif coup de cœur. « Je suis en licence de psychologie. » dis-je finalement, pour répondre à sa curiosité. Non pas que je veuille particulièrement devenir psychologue, d'ailleurs. J'ai choisi cette licence simplement parce qu'elle me semblait la plus intéressante sur un plan humain. Et d'ailleurs, preuve que mes études n'est pas la chose qui m'intéresse le plus, je reviens sur des questions plus géographiques : on ne se refait pas. Voyager est ma plus grande passion. « J'ai beaucoup aimé Oslo. Je crois que c'est ma ville préférée, jusqu'à maintenant. Je viens de Stuttgart, en Allemagne, pour ma part. Et jusqu'à maintenant, j'ai visité la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, l'Estonie, la Suède et la Finlande, où je suis restée deux ans. Mais aucune ville n'a réussi à égaler Oslo, jusqu'à maintenant. » Quoi que Fredelig me plaît aussi énormément, ne serait-ce que dans son concept. J'ai toujours considéré que toutes les personnes étaient égales, peu importe leur genre ou n'importe quoi d'autre, après tout. « Tes études te plaisent ? » J'imagine assez facilement que son cursus ne doit pas être le plus simple.

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— Son sourire et son air passionnément captivés par ce qu’elle est en train de lui raconter son une récompense bien suffisante pour avoir daigné la laisser s’asseoir à sa table ; elle ne regrette pas. Son interlocutrice n’a pas l’air ravie de constater qu’elle va s’arrêter là pour aujourd’hui sur la mythologie nordique, mais elle la rassure d’un petit mouvement de tête. « Ce serait avec plaisir, je suis certaine que les occasions ne vont pas manquer. » Elle lui sourit sincèrement, peu habituée à ce que les gens soient aussi enthousiastes qu’elle à propos des légendes locales.
Drôle de coïncidence de tomber sur une autre étudiante de Fredelig ici, mais à vrai dire, elle espère que ça arrive de plus en plus à l’avenir. Déjà, parce que ça voudra dire que la ville souvent qualifiée d’utopie irréaliste aura fait ses preuves et grandi, mais aussi parce que les mentalités auront changé. Soudain frappée par la réalisation que sa nouvelle compagne de café connaît probablement l’amie qu’elle s’est faite pendant le bal de fin d’année organisé par la mairie, elle joint ses mains avec un très large sourire et une expression extatique sur le visage. « En psychologie ?! Ça veut dire que tu dois connaître April alors ! » Elle fronce le nez et jubile, ravie d’avoir fait le lien entre les deux. Avec quelques gestes, elle tente de décrire au mieux la jeune fille. « Elle fait partie de Likkelig, elle est très sympa ! Genre pas très grande, brune, assez jolie et enjouée. » Les yeux un peu dans le vague, elle réfléchit à ce qu’elle pourrait donner d’autres comme détails sur la française pour étoffer son portrait.
Hochant la tête, elle ne peut qu’approuver l’amour de la fille en face d’elle pour Oslo. C’est une très belle ville, vivante aussi. Elle y a passé de très bons moments, et fait de très belles rencontres. Tout semble un peu distant depuis qu’elle a déménagé ici pour terminer sa dernière année de master, mais elle ne regrette pas cette décision. De nouveau attentive à ce que son interlocutrice lui raconte, elle sourit tendrement – voyageuse elle aussi, elle n’a cependant pas visité tout ce qu’elle lui cite. « Woah, tu as fait pas mal d’endroits ! Est-ce que tu comptes faire toute l’Europe, un jour ? Ou le monde peut-être ? » Elle hausse un sourcil curieux, un petit air mutin sur le visage ; maintenant, elle a envie de tout savoir.
Quand elle lui demande si ses études lui plaisent, elle hoche vivement la tête, prête à se lancer n’importe quand dans un immense discours de campagne factice. « Oui ! Je n’ai pas toujours été attirée par la politique, mais ça m’est venu assez naturellement en grandissant alors je ne regrette pas de m’être lancée là dedans. » Elle reprend une gorgée de son café avant de se lancer dans plus d’explications. « Même si j’ai des projets professionnels qui n’ont aucun rapport avec ça, ça me paraissait important d’avoir les clés à disposition si jamais je voulais concrétiser mon militantisme un jour. » Consciente d’avoir utilisé des mots spécifiques et compliqués en norvégien, elle guette alors le visage d’Adel pour s’assurer qu’elle a bien tout compris.

|	boulevard of broken dreams ; ft. Sól Henriksen

— Adelheid hoche la tête positivement avec énergie, à l'évocation d'April. Voilà où elle l'avait déjà vue, avant la soirée du bal : probablement en cours ou, en tout cas, à l'université. « Je ne la connais pas très bien, mais je l'ai rencontré, oui ! » confirme-t-elle. « Elle est vraiment gentille ! » Adel ne serait pas capable de dire du mal de qui que ce soit, de toute façon, pas même si sa vie entière en dépendait. Elle ne peut pas s'empêcher de s'accrocher au positif, chez tout le monde, colorant son monde avec un filtre de douceur qui la sépare parfois de la réalité. La plupart des gens sont gentils, à ses yeux, et ceux qui ne le sont pas peuvent toujours compter sur des excuses toutes trouvées par la jeune femme. Elle vit probablement trop à travers sa naïveté enfantine mais, jusqu'à maintenant, elle estime que ça lui a plutôt bien réussi.

Et elle fini par rire doucement, en hochant la tête. Elle a beaucoup voyagé, effectivement, pour son plus grand bonheur. Trop curieuse pour tenir en place, elle a besoin de voir le monde qui s'étend plus loin que son Allemagne adorée et de se confronter à d'autres langues, à d'autres coutumes et à d'autres cultures que les siennes. C'est un besoin vital. « Mon projet, c'est le monde, oui ! » Il y a, dans cette réponse, bien plus entrain que lorsqu'elle a confié la filière dans laquelle elle étudiait. « Je n'ai pas de... C'est quoi le nom ? Itinéraire ? Oui, voilà ! Je n'ai pas d'itinéraire précis, ni de dead line. Je m'arrête là où j'en ai envie, et je prends le temps de découvrir ce qu'il y a autour de moi. Je crois que j'irai en Angleterre, après la Norvège, ça me permettra de voir mon frère ! » Mais ce ne sera pas pour tout de suite. Elle veut profiter de la Norvège, avant, au moins le temps de sa licence. Il lui semble assez improbable, ensuite, qu'elle parvienne à rester plus longtemps : elle sait que son envie de voyage reviendra gratter la surface pour la pousser à bouger. « Je voyage depuis six ans, maintenant. C'est vraiment enrichissant, je conseillerai à tout le monde de faire un long voyage au moins une fois dans sa vie. »

Adelheid se ré-intéresse finalement à Sól, souriant en l'écoutant. Elle a toujours aimé pouvoir comprendre ce qui fait vibrer l'autre et il lui semble avoir touché un point important chez son interlocutrice. Rapidement, ses sourcils se froncent légèrement sous l'effort qu'elle doit faire pour comprendre les mots de la jeune femme. « Je n'ai pas compris ta dernière partie de phrase, je suis désolée. » avoue-t-elle doucement, sans honte. Le Norvégien est une langue compliquée, ce n'est plus à prouver, et il lui semble normal d'avoir des lacunes.

Puis, finalement, on vient lui apporter sa commande, et son visage chasse les stigmates de la concentration pour s'illuminer entièrement à la vue des pâtisseries. En récupérant le tout, elle semble redevenir une enfant, émerveillée par ce qui se trouve devant elle, avant de s'en rendre compte et de rire légèrement. « Pardon. Ça a l'air tellement bon ! » précise-t-elle, tout en montrant le contenu de la petite assiette posée devant elle.  

|	boulevard of broken dreams ; ft. adelheid

— Ravie de voir que sa remarque sur April a fait mouche, elle jubile intérieurement. Souvent facile à énerver, elle n'est cependant jamais aussi agréable que quand on va dans son sens ; alors cette fille là qui débarque, elle commence à lui plaire. Les yeux un peu plus ouverts quand son interlocutrice confirme vouloir faire le tour du monde, elle ne peut qu'admirer cette décision. « C'est vraiment cool comme projet ! Est-ce que ton frère voyage lui aussi ? » Elle s'apprête à continuer sur sa lancée et poser d'autres questions, mais un détail la frappe. Elle manque de porter une main à sa poitrine tant l'annonce la surprend. « Six ans ?! C'est énorme ! Comment est-ce que tu fais pour les études ? Ce n'est pas trop difficile de devoir se réinscrire dans une université à chaque fois que tu changes de pays et suivre des études de manière décousue comme ça ? » Sincèrement curieuse, elle n'est pas sure qu'elle aurait pu suivre un tel parcours. Bien qu'elle adore voyager également, elle aime trop sa Norvège pour se voir habiter ailleurs sur le long terme ; mais elle comprend ce qu'Adel veut dire, ce genre d'expérience est forcément enrichissante.

Malheureusement, elle a soit parlé trop vite, soit utilisé des mots trop complexes cette fois. Tant pis, il fallait bien tester les limites de sa nouvelle amie ! Elle balaye l'excuse d'un vague geste de la main tandis qu'elle termine sa tasse. « Ne t'inquiète pas, je vais te dire ça autrement. » Pas une grande altruiste mais plutôt divertie par cette inconnue qui a débarqué, elle prend ça comme une occasion de la remercier pour son temps. Vite interrompue par la commande d'Adel qui arrive, elle lui laisse le temps d'en profiter un peu avant de reprendre avec un sourire. Il lui en faut peu pour être heureuse, mais ce n'est pas plus mal. Adossée de nouveau à sa chaise, elle croise les bras contre sa poitrine comme pour réfléchir à sa formulation. « J'aime mes études et je suis assez engagée en politique, surtout pour le féminisme. » Elle marqué une pause dramatique comme à son habitude, avide de créer de l'attente chez la personne qui l'écoute. « Mais ce n'est pas vraiment le métier que je veux faire. En fait, je suis en train de créer une marque de cosmétiques. Surtout du maquillage pour l'instant mais pourquoi pas étendre le concept plus tard ! » Terminant en levant le menton, elle a ce genre de fierté qui lui colle à la peau et qui est impossible à ignorer.