blood like lemonade (ft. svein)

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— Il est déjà tard dans la matinée, mais l’air de janvier est toujours aussi froid. Alors, c’est emmitouflée dans son long manteau blanc qu’elle se dirige vers le café où son ami travaille, pour prendre un petit déjeuner autant que de ses nouvelles. Bizarre relation qui s’est créée entre eux sur les ruines et la solitude qu’Heidi a laissé derrière elle, mais ça fonctionne. Elle a des choses à lui dire, à lui demander aussi. Parce que c’est une nouvelle décennie, il y a des situations à remettre à plat et des zones d’ombres à éclaircir dans sa vie pour être sûre de repartir du bon pied. Mais elle n’a jamais été douée pour les mea culpa, ni pour demander de l’aide. La faute à une fierté dévorante, sûrement.
Loin d’être toujours morose, c’est avec un grand sourire habituel qu’elle pousse la porte de la boutique. Il y a déjà quelques personnes, mais sa place attitrée ou presque est libre – heureusement. Dirigée directement vers le comptoir comme si l’endroit lui appartenait, elle aperçoit sa tignasse brune préférée affairée derrière. D’habitude, elle apprécie travailler dans les cafés ou les bars, mais là, elle n’a rien pris d’autre que son sac à main. Habillée et maquillée même si son réveil ne date que d’il y a quelques minutes, elle meurt pourtant de faim. « Hallo ! » Elle lance ça à l’attention du serveur, pour qu’il se retourne, et lui adresse un sourire quand il la reconnaît. « Tu vas bien ? » Politesse de mise même s’il travaille, et puis pour une fois, ça l’intéresse réellement. Échange de bons procédés, peut-être qu’il voudra raconter des bribes de ses aventures des derniers jours aussi. La mine songeuse, elle réfléchit à ce qu’elle va lui demander et se décide en désignant un petit gâteau du menton. « Mh... un cappuccino et ça. S’il te plait. » D’un air entendu plus tard, elle paye son dû et va s’asseoir sagement à sa table en attendant qu’il lui serve sa commande.

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Les ouvertures sont de loin de ce que je préfère faire. Étant un oiseau de nuit, je préfère dormir le matin et bosser sur les clôtures. Cependant, mon collègue est tombé malade, et j’ai donc dû le remplacer pour son créneau du jour. J’ai vraiment eu du mal à me sortir du lit ce matin, car je savais qu’à l’heure où j’irai chercher mon café habituel, je n’aurais aucune chance de croiser Bastien… Après une bonne douche bouillante, j’ai observé le soleil se lever doucement sur cette journée encore une fois, glaciale. Je souris doucement, car j’adore ce genre de temps. Le froid et la pluie, c’est ma passion. Ce qui provoque souvent l’incompréhension de beaucoup de personne.

Armé d’un col roulé en laine et de ma veste, j’attrape mon casque de moto et mes affaires pour enfin partir vers le coffee shop pour mon café matinal. Mon petit rituel avant d’aller au travail et d’avoir la force pour affronter la journée qui m’attend. Après cette étape cruciale dans ma routine matinale, je débarque enfin au travail. Je salue mes collègues avant d'aller enfiler mon tablier et mon badge. En me regardant dans le miroir, je remarque mes cernes et soupire. Je ne suis vraiment pas du matin.

L’ouverture se passe dans le calme, comme la plupart du temps. À vrai dire, je m’ennuie un peu, j’aime quand ça bouge et quand c’est l’heure de pointe. Heureusement, comme si l’univers avait entendu mon cri de détresse, une petite vague de monde arrive pour me tirer de mon ennui. Je cours alors dans tout sens pendant des heures jusqu’à entendre un « Hallo ! » d’une voix familière. Je me retourne et lui offre mon plus beau sourire « Hallo Sòl ! Quel plaisir de te voir. » Disais-je tout en finissant la commande de ma cliente. « Tu vas bien ? » Je tends le latte à la jeune femme qui me remercie puis part le sourire aux lèvres. « Ça va et toi ma belle ? » Je lui souris tout en m’approchant d’elle pour prendre sa commande. « Quel délice pourrait te ravir jeune demoiselle ? » « Mh... un cappuccino et ça. S’il te plaît. » Je suis son regard sur le gâteau en vitrine et souris de plus belle. « D’accord, installe-toi, j’arrive. » Je la regarde alors partir vers sa place habituelle puis j’attaque sa commande.

Une fois prête, j’annonce à mon binôme que je prends une pause, puis j’apporte à Sòl sa commande. Une fois à la hauteur de sa table, je dispose le tout délicatement face à elle puis, je prends place à sa table en souriant. « Madame est servie. » Disais-je en riant. « Alors Sòl, que me vaut ta visite ? »

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— Contente de voir qu’il a toujours la pêche malgré les cernes sous ses yeux, elle lui rend son sourire tandis qu’il termine de servir la personne avant elle. Elle hoche la tête comme simple réponse, déjà affairée à réfléchir à sa commande. Il ne lui faut pas beaucoup de temps pour se décider, et elle le remercie. Comme d’habitude, elle s’en va s’asseoir à sa place favorite, et attrape une autre chaise pour la rapprocher de la table quand elle le voit arriver près d’elle. « Merci monsieur ! » Elle est honorée qu’il prenne sa pause pour s’installer avec elle, même si elle ne l’admettrait pas. Du genre à faire passer le travail et les responsabilités avant tout, ça a une grande valeur pour elle de recevoir cette petite attention. Les yeux rivés sur son petit gâteau et son cappuccino, elle sent un rictus naître sur son visage. Elle pense au brun qu’elle a vu en bonne compagnie lors de la soirée d’ouverture de la nouvelle boite de nuit du Palasset, et elle veut absolument en savoir plus. Surtout qu’elle avait une vue imprenable, pendant qu’elle se déhanchait sur le comptoir. Elle a d’autres soucis, bien sûr, et d’autres choses dont elle aurait voulu parler mais ça… ça, c’est largement prioritaire. Les affaires et Heidi peuvent bien attendre qu’elle ait d’abord satisfait sa curiosité. Alors, elle relève les yeux vers lui délicatement. « Oh, je passais comme ça… Juste histoire de prendre des nouvelles. » Son sourire mutin s’étire doucement sur ses lèvres. Elle le taquine, parce qu’elle sait très bien ce qu’elle veut savoir et pourquoi elle est là. « Tu n'aurais pas un petit quelque chose à m’annoncer, par hasard ? » L’air un peu fière de son effet, elle prend sa tasse dans ses deux mains, à la fois pour se réchauffer et pour faire diversion. Elle aime le suspens, mais là, elle s’impatiente.

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Malgré le monde qui commence à affluer, je préfère prendre ma pause de suite pour profiter d’un moment avec mon amie. On ne s’est pas parlé depuis un bon moment, bien que je l’aie aperçu lors de la soirée du 31, j’étais bien trop occupé pour aller la voir. Je suis vraiment un ami en carton. Après avoir posé sa commande devant elle, elle me remercie et je lui réponds simplement par un sourire en lui piquant un bout de gâteau. Je l’interroge sur sa venue, car j’ai tendance à être l’oreille attentive que mes amis cherchent quand ils vont mal. Et Sòl ne fait pas exception, je serais toujours là pour la guider et l’écouter quand elle a des soucis, ou même quand tout va bien.

Je vois alors un petit sourire naître sur ses lèvres, si petit sourire qui veut tout dire, et elle me met face au mur en me demandant si je ne lui cache pas quelque chose. Instantanément, je rougis. Si j’ai pu la voir danser sur le bar…. Ça veut dire qu’elle m’a vue avec Bastien… Bien que cette histoire est loin d’être un secret, je voulais garder ce petit sujet pour plus tard… Mais en connaissant Sòl, c’est peine perdue pour changer de sujet, car quand elle a une idée en tête, impossible de la faire changer d’avis, j’en ai déjà fait les frais plus d’une fois. Pire qu’un chien avec son os.

Je me recale un peu la gorge en souriant timidement quand je repense au Français et à cette soirée. Puis je me lance. « Je ne peux rien te cacher… Surtout perché sur un bar » Disais-je en riant doucement. « Il s’appelle Bastien et il est français. Je l’ai rencontré il y a quatre mois environ et depuis on se tournait un peu autour et ça s'est concrétisé à la soirée, tout simplement. » J’évite de lui dire toute la peur que j’ai eu à me lancer avec Bastien, car Sòl n’est pas au courant pour mon ex, personne ne l’est de toute façon… Cette histoire est bien trop douloureuse pour que j’en parle pour l’instant. « Je te le présenterai un jour si tu veux. C’est quelqu’un d’adorable, de gentil, de marrant. » Des étoiles naissent dans mes yeux quand j’évoque le français, et ça ne loupe pas cette fois, je suis vraiment tombé sous le charme. « Bref. Raconte-moi ce qu’il t’arrive toi. Comment tu as fini sur ce bar ? » Je ris de nouveau en revoyant la scène de loin dans ma tête.

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— Il rougit un peu quand elle met les pieds dans le plat, et elle s’en réjouit. Parce que ça veut dire qu’elle a vu juste, que c’est important. Pas du genre à se retenir quand il est question de potins, elle s’en donne à cœur joie – peut-être plus qu’elle ne devrait. Il a le sourire aux lèvres, et évidemment, il ne lui répond qu’avec une audace qui lui est propre. « Je saiiiis, c’était génial. » Debout en train de se déhancher sur le comptoir du bar lors de l’ouverture du Blood Night, elle avait une vue prenante sur tous les petits secrets du monde. Étonnée qu’il l’ait remarquée malgré son attention toute prise ailleurs, elle conclue là-dessus d’un vague geste de la main pour retourner au sujet principal de la conversation. « Bon sauf la partie avec la fille qui s’est évanouie, mais tout le reste de la soirée était top ! J’ai beaucoup aimé cette boite, j’y retournerais. » Elle hoche doucement la tête, convaincue que l’ambiance y était.
Alors, il reprend pour développer sur le fameux nouvel amoureux – où ce qu’elle imagine être quelque chose d’approchant, du moins. « Quatre mois ! » Joignant ses mains, elle a un grand sourire et fait mine d’être étonnée ; c’est vrai qu’il n’a pas été très bavard sur ses relations depuis un moment, alors ça lui fait plaisir même s’il a carrément pris son temps sur ce coup là. « J’espère que ça va bien se passer entre vous. » Il donne quelques détails, et elle lui sourit tendrement. Pour une fois, elle est sincère et simple – pas dans le dramatique ou le sensationnel. Elle ne peut cependant pas s’empêcher d’afficher un petit rictus satisfait. « Mais je compte quand même sur toi pour me raconter. » Elle se mord la langue avec son visage radieux comme un écho au regard soudainement illuminé de son ami, pour se retenir de le taquiner un peu plus. Elle-même pas très à l’aise avec le sujet, c’est le genre de choses auquel elle fait attention malgré elle.
Lui rendant son air entendu quand il évoque la possibilité de le rencontrer, il y a quelque chose qui fait déclic dans sa tête. Elle se redresse avec l’air un peu sérieux – les yeux plissés et les lèvres pincées. « Mh… En fait, je crois que je le connais déjà. » Elle boit une gorgée de sa tasse, un peu inquiète de lui avoir potentiellement fait peur. Le ton plus bas comme si elle réfléchissait à voix haute, elle reprend la parole. « Il doit être ami avec Abby, ils avaient l’air de se connaître… Abby, c’est une de mes amies ! D’ailleurs, elle était avec moi sur le bar à la soirée. Elle est du genre jolie, brune, fêtarde. Tu vois qui c’est ? » Le bal de fin d’année organisé par la mairie lui revient doucement en tête et un voile vient assombrir son visage d’ordinaire si solaire. Ça n’avait pas l’air de bien se passer pour Bastien, à ce moment là – pour Abby non plus d’ailleurs. Est-ce qu’elle devrait tout lui dire ? Pour le baiser, la bagarre, et tout ça ? Elle doute, c’est rare, mais ça lui arrive au pire moment. Elle ne voudrait pas tout gâcher, mais elle ne veut pas non plus que son ami se fasse avoir par quelqu’un qui n’est pas sérieux ou quelque chose comme ça. « On a discuté, rapidement. » Pour l’instant, elle n’a pas assez d’éléments dans son enquête pour avancer quoi que ce soit, alors elle se garde bien de faire des suppositions douteuses ; même si elle a tendance à adorer ça, le bonheur de son ami passe quand même avant. Étrangement silencieuse, elle sait que son revirement d’attitude a été assez brusque pour qu’il puisse le remarquer.
Il rit doucement en évoquant à nouveau sa danse sur le comptoir, et elle se joint volontiers à lui. « Ah ça, c’est une longue histoire ! » Un geste vague de la main, elle fait mine de passer sur les détails avec un sourire mutin impossible à effacer de son visage. « Quand je suis arrivée, j’ai un peu bu alors j’étais déjà pompette quand Abby m’a retrouvée dans la foule. » Elle fronce le nez et hausse les épaules, fêtarde dans l’âme – on ne se refait pas. « Elle avait pas l’air très en forme d’ailleurs… Mais bon, du coup je l’ai suivie pour danser et quand on a voulu reprendre à boire au bar, il y avait déjà cette rousse qui dansait alors on l’a rejointe. C’est tout ! » Les mains levée devant elle comme pour prouver sa bonne foi, elle ne manque pas d’ajouter quelques détails en étant un peu hilare. « Bon après, elle s’est lancée dans un strip-tease quelques secondes avant de s’écrouler… plus de peur que de mal, c’était drôle le temps que ça a duré ! » Oui, elle est clairement satisfaite de sa soirée. Et puis, ce n’était rien de grave. Peut-être qu’elle devrait s’excuser au patron pour avoir mis le bazar ? Elle risque sûrement de se voir interdire l’entrée des prochaines soirées… ce serait dommage.

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Je ne tourne pas autour du pot quand elle me demande pour Bastien et moi. À quoi bon mentir, la moitié de la boite nous a vu nous embrasser et flirter à outrance sur la piste de danse. Alors c’est les joues roses que je lui déballe de façon concise ce qu’il se trame entre le français et moi non sans oublier de glisser une petite vanne sur la prestation sur le bar. Comme je m’y attendais, elle est surprise que je lui ai omis de lui parler de Bastien, c’est vrai que quatre mois, c’est long, et j’étais tellement dans ma bulle que j’en ai oublié tout le reste. Je ris doucement quand elle m’indique que je dois tout lui raconter. Je vais essayer de lui conter l’histoire en oubliant quelques détails, car j’ai envie de garder certaines choses pour moi, comme pour me protéger. Mais si j’ai bien appris un truc avec mon ex, c’est qu’il faut que je parle de cette relation, même de façon superficielle. Car si il nous arrive un truc, quelqu’un sait que l’un ou l’autre sera en tort… Je sais que ça n’arrivera pas avec Bastien, mais j’ai envie d’avoir une sorte de couverture au cas où ça dérape comme avec mon ex…

Je vais essayer de lui conter l’histoire en oubliant quelques détails, car j’ai envie de garder certaines choses pour moi, comme pour me protéger. Bien qu’elle me parle d’une certaine Abby, je me demande bien qui est-ce. Mais avant tout, je veux savoir pourquoi elle est ici. Non pas que ça présence me gêne, loin de là, mais ça m’intrigue. Et comme prévue, elle me dit que c’est une longue histoire, ce qui m’arrache un rire. « Tes histoires sont souvent longue Sòl » puis je ris de nouveau en croisant les bras sur la table. Je l’écoute alors attentivement me conter son histoire sur cette folle soirée. Elle me reparle de cette Abby, et m’explique comment elle en est arrivée à danser sur le bar, et le malaise de son amie. Je ris de plus belle en comprenant maintenant tout le spectacle qu’elles nous ont offert ce soir-là. « Tu es infernal Sòl, vraiment. » Disais-je amusé. « Bon maintenant, dit moi la vraie raison de ta venue. Sinon je risque de m’inquiéter pour toi Sòl. » Je redeviens à nouveau sérieux, car au fil des années, j’ai commencé à la considérer comme ma petite sœur, et je refuse qu’il lui arrive quoi que ce soit.

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— Ce n’est pas une surprise qu’il ne s’étale pas plus que ça sur sa nouvelle relation, mais avide de détails, elle se sent quand même un peu déçue. Tant pis, elle aura tout le loisir d’apprendre les choses par elle-même ou de le laisser prendre son temps pour s’ouvrir. Et puis, vu le bazar dans lequel elle a surpris ce fameux prétendant au bal de fin d’année, elle ne compte pas en rester là de toute façon. Alors, ce n’est que partie remise.
Elle rit un peu à sa remarque, il n’a pas tort. Haussant un peu les épaules comme pour se dédouaner d’une possible responsabilité dans cette accusation qu’elle sait pourtant vraie, elle fait marcher la mauvaise foi comme personne quand il s’agit de s’en amuser. « C’est parce que je sais ménager le suspens ! » Et puis, les meilleurs souvenirs font les plus longues histoires ; c’est normal qu’elle en ait autant à raconter. Il l’écoute sagement, sans l’interrompre, et lui accorde l’enthousiasme qu’elle mérite. Un sourcil provocateur levé comme un écho à son rictus malveillant, elle jubile de s’entendre qualifier d’infernale. « Je vais prendre ça comme un compliment. » Elle aime le chaos dans la nuit et l’alcool, elle aime les soirées qui dérapent ; elle serait bien mal avisée de nier ou d’essayer de s’en cacher.
Soudainement, son air sérieux la prend de court autant que sa question. La mine faussement boudeuse, elle croise les bras contre sa poitrine. « Quoi, je n’ai pas le droit de de venir te tenir compagnie pendant tes heures de boulot avec absolument aucune arrière-pensée ? » Elle finit par se dérider, un petit sourire triste sur le visage. Évidemment, elle a des choses à résoudre ; mais elle ne s’attendait juste pas à avoir à en parler maintenant. « Mais bon, tu as vu juste. J’ai un... » Elle admet à contre coeur, mais maintenant elle doit réfléchir à la façon de lui dire les choses. Elle ne sait même pas s’il connaît Heidi et leur histoire, tout résumer lui paraît brusquement insurmontable. Elle se mord un peu la lèvre avant de terminer sa phrase laissée en suspens. « Problème ? » Visiblement moins enjouée qu’il y a quelques minutes, elle déglutit difficilement comme pour se donner du temps pour y penser. « Pff… je ne sais pas vraiment, en fait. » Un soupir las s’échappe d’entre ses lèvres – à quoi bon ? Que pourra-t-il bien lui dire qui saurait faire évoluer le bourbier dans lequel elle s’est empêtrée ? Pas grand-chose, probablement. Mais peut-être qu’au moins, ça la soulagera d’un certain fardeau d’en parler avec lui. Et ça pourrait aussi lui donner une nouvelle perspective sur la manière d’aborder les choses avec la principale intéressée. « C’est compliqué, j’espère que tu as du temps. » Elle reprend une gorgée de sa tasse en désignant le comptoir du café d'un vague geste du menton, grimaçant au passage. Si elle s’est enfin décidée à lui demander conseil, ça ne veut pas pour autant dire que ça sera agréable.

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Ta relation avec Bastien ne doit plus être un secret depuis le nouvel an, mais tu ne sais pas, tu as comme ce besoin de protéger ce petit bout de bonheur que la vie t'a mis sur ton chemin. Ce petit bonheur aussi fragile que du cristal, que tu veux chérir jusqu'à la fin de tes jours. Car depuis ton ex, tu n'as jamais retrouver ce semblant de sentiment. Ce sentiment d'amour qui grandit petit à petit en toi. Ce sentiment qui te fait voler un nuage de papillon dans l'estomac, avoir les mains moites et le sourire niais collé au visage h24. Mais tu te fais une promesse, celle de parler de lui a ton amie quand les choses deviendront sérieuses. Tu lui dois au moins ça.

Tu essaie alors de lui tirer les vers du nez, car tu sais que si elle vient te voir, ce n'est pas pour parler de cette soirée ou de la météo. Elle doit avoir un problème, sinon elle t'aurais simplement appelé ou envoyé un sms.  Et son masque tombe enfin, tu peux lire dans son regard que la situation dans laquelle elle est l'attriste fortement. Tu t'en veux un peu pour avoir peint cette peine sur son visage à force de la titiller, mais ta curiosité est trop forte, et parler ne pourra que lui faire du bien. Elle te confirme alors qu'elle a un problème, ce qui a pour don de te faire te penché en avant, vers elle, comme pour lui montrer que tu es là, à l'écoute. Elle hésite un peu, tu poses alors ta main sur la sienne pour la soutenir et l'encourager. "J'ai tout mon temps pour toi Sol,prend tout le temps qu'il te faut pour me dire ce que tu as à me dire."

D'un signe de tête, tu vérifies le comptoir ou la queue c'est vite dispersé. Tu raffermis alors ta prise sur la main de ton amie, en attendant qu'elle se confis à toi. Mais avant ça, tu te lèves pour aller prévenir ton collègue que tu prends un peu plus de temps aujourd'hui et que tu finiras plus tard du coup. Et tu lui recommande deux cappuccino, car tu sens qu'elle a besoin d'un peu de réconfort, et c'est pas dans la boisson bientôt froide face à elle qu'elle en trouvera. Tu retournes ensuite vers votre table et reprends ta place en face d'elle tout en posant le breuvage.  "Aller, dit tout à tonton Svein." Dis-tu d'un ton léger pour la détendre et revoir un sourire sur ses lèvres.

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— Il a sa main sur la sienne comme un signe de réconfort et de confiance, elle sourit légèrement en hochant la tête. « Il va bien falloir que j’en parle à quelqu’un un jour, de toute façon. Autant que ça soit à toi. » Haussant les épaules, elle fait mine de rien mais elle sait pourtant très bien qu’elle ne se serait pas confiée sur ce sujet à n’importe qui. Mais d’abord, elle doit le rassurer. Parce que vu sa tête, il doit penser que c’est extrêmement important ; il prend même la peine d’aller prévenir ses collègues et d’aller chercher deux cappuccino en plus, alors elle se sent un peu coupable de le retenir comme ça pour ça – un sentiment qui ne lui est définitivement pas familier. Alors quand il revient, elle sourit à sa tentative de légèreté avant de commencer. « Ce n’est pas… grave. C’est juste que je suis coincée, je ne sais plus quoi faire. » Un soupir plus tard, elle se décide à enfin cracher le morceau. Coincée, ou juste trop orgueilleuse pour faire un pas vers Heidi quand elle, en a fait des centaines ; ça ne devrait pas être si difficile et pourtant ça l’est. « J’avais une meilleure amie, avant. On a quasiment grandi ensemble même si elle est plus jeune que moi. On était très proches, toujours ensemble enfin tu vois, mais c’était loin d’être une relation saine et équilibrée. » C’est une chose de le réaliser, une autre de l’admettre à voix haute. Elle sait toutes les erreurs, tous les mauvais choix qu’elle a fait – elle a juste du mal à s’en détacher. Savoir qu’elle a été celle qui a guidé et dominé toutes ces années, par caprice ou par volonté de contrôle, ça lui ramène un goût amer dans la bouche sans qu’elle ne sache vraiment pourquoi. Ce n’est pas dans ses habitudes de regretter quoi que ce soit. « Je l’ai poussée à faire tous les mauvais choix, et quand elle en a vraiment fait un, c’était pour coucher avec le gars dont j’étais amoureuse à l’époque. » Elle lui accorde un sourire résigné, en omettant les détails dont elle n’est pas maîtresse. Il n’a pas besoin de savoir qu’Heidi lui a annoncé ça en lui disant qu’elle était en enceinte, ce n’est pas son secret et elle n’a pas le droit de le révéler à qui veut bien l'écouter malgré toute sa curiosité pour les potins et autres ragots. Cette histoire s’est brisée à deux, mais elle n’a de prise que sur sa partie et elle en est bien consciente maintenant. « Disons que je l’ai ghostée, du genre assez sévèrement. Du jour au lendemain, elle existait plus pour moi. » Elle garde beaucoup de choses pour elle, parce qu’elle n’a pas le droit de tout dire. De toute la rancune dans son cœur, il reste encore des traces d’un respect presque oublié. Mais sans toutes ces informations, est-ce qu’il pourra vraiment jauger la situation telle qu’elle l’est vraiment ? La vérité, c’est qu’elle a abandonné Heidi à un moment où elle aurait eu besoin d’une amie, juste pour une histoire de garçon. Et ça, la féministe qu’elle est aujourd'hui ne le supporte pas très bien. Bien vite, elle passe au vif du sujet comme pour se changer les idées de cette culpabilité mêlée à une colère sourde qui ne s’éteint pas. « Après il y a eu la fin du lycée et les études, donc ce n’est pas comme si ça avait pu me revenir dans la figure entre temps. Je n’y pensais plus trop, quoi. » Sans jamais oublier l’histoire et le suspens, elle prend une gorgée de sa boisson chaude comme pour ménager la tension. « Sauf que là, elle est à Fredelig aussi. A l’université. » Elle se sent comme une mauvaise scénariste de série télévisée pour les troisième âge, et pourtant voilà qu’elle est face à la réalité. « Forcément, on a fini par se croiser même si je me suis forcée à faire comme si tout était normal. » Des échanges de regards de loin presque banals, une rencontre mi-figue, mi-raisin au secrétariat. « C’était bizarre. Mais bon, ça s’est passé, je me suis dit qu’on en resterait là et qu’on serait juste en froid. On n’a pas besoin de traîner ensemble après tout. » A nouveau, elle hausse les épaules comme pour essayer de prouver une fausse désinvolture qui ne trompe pourtant déjà plus personne. Une moue embêtée sur le visage, elle continue sans se faire prier. « Sauf que la voir régulièrement, ça n’a pas été sans conséquences comme tu t’en doutes. J’y pensais tout le temps, alors pour éviter que ça me dévore de l’intérieur j’ai décidé d’aller la voir pour en parler. » Et ça, elle est sûre que c’était la bonne décision. Peut-être qu’elle n’a pas bien géré, peut-être qu’elle aurait du enterrer ses mauvaises manies de reine égoïste, peut-être qu’elle aurait du se mettre à la place d’Heidi, ne serait-ce qu’une seconde. Mais la rancœur farouche l’en a empêchée, cette colère qu’elle cultive sans réussir à s’en débarrasser alors qu’elle n’a plus lieu d’être depuis cette fameuse rencontre tumultueuse dans la salle de repos des employés du Moro Center. « Elle m’a dit qu’elle savait pas que j’étais amoureuse de lui. » Les bras croisés contre sa poitrine, elle soupire et laisse son regard flotter ailleurs. « Et elle s’est excusée, je sais qu’elle était sincère. Elle est incapable de mentir de toute façon. » Plus fatiguée qu’agacée, elle repose les yeux sur Svein avec beaucoup d’attentes et avoue enfin le vrai problème qu’elle a. « Mais j’arrive pas à lui pardonner, ça fait des années et pourtant depuis quelques semaines, j’ai l’impression que ça s’est passé hier. » Et c’est vrai, elle sait qu’elle n’est pas la seule pour qui les plaies à peine cicatrisées se sont subitement rouvertes, mais elle ne peut pas se concentrer sur son ancienne meilleure amie tant qu’elle n’a pas réglé les choses pour elle-même d’abord. Encore un soupir, elle conclut son histoire avec une demande de conseils un peu enrobée d’une fierté encore mal-placée et attend son verdict. « Je croyais que j’en avais fini avec tout ça, alors je ne sais pas quoi faire maintenant. »