comin straight on for you (ft. ana)

— C’est avec une détermination presque sans faille que tu te postes devant cette place de parking réservée aux livraisons du restaurant. Ça fait déjà plusieurs fois qu’un petit plaisantin, ou une âme peu avertie, se gare ici sans faire attention. Ou peut-être est-ce délibéré ? Tu n’en es pas certaine, et c’est bien pour ça que tu es là. Si tôt le matin, tu as pédalé dans relâche jusqu’ici pour arriver avant ce gêneur de service. Accroupie devant l’espace vide, tu enfiles ton visage le plus méchant et le plus menaçant – mais tu te doutes bien que ça ne doit pas faire grande impression. Cette fois-ci, aujourd’hui, tu vas l’attraper et lui dire le fond de ta pensée. Ou lui demander gentiment de partir s’il fait une tête de plus que toi, tout dépendra.
Alors que ton cœur rate un battement à chaque fois qu’une voiture fait mine de ralentir devant l’établissement, tu finis par t’habituer à cette boule d’angoisse qui commence à te serrer la gorge alors que tu n’as encore croisé personne. Vérifiant sur ta montre, tu constates que ce n’est même pas encore l’heure de commencer les préparations pour l’ouverture. Tu soupires, lasse. Soudain, tu sursautes presque quand une voiture vient effectivement s’arrêter juste devant toi. Remise sur tes deux jambes en deux temps trois mouvements, tu époussettes ton pantalon comme une manière de te donner du courage avant l’affrontement. Il se passe un instant avant que la portière ne s’ouvre, mais tu te racles un peu la gorge histoire de t’éviter une petite voix étranglée bien loin de l’effet que tu espères faire. « Mh, excusez-moi ? » Réflexe infortuné, tu te mets sur la pointe des pieds pour guetter le visage qui s’affichera devant toi et commencer ton sermon à peine préparé.

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Ft. Stella

Comin straight on for you  

Une journée de repos, et je profite de ce laps de temps pour aller faire quelques courses et me balader du côté de la rive droite. Je commence à bien connaître la ville depuis que j’y suis, mais c’est vrai que je suis de plus en plus tentée de sortir de ma tanière. Je voudrais me rassurer en me disant que je n’ai pas relâché ma garde pour autant, mais mon subconscient sait bien que je prends quelques risques en me baladant ici et là. De toute façon, qu’est-ce que je pourrais faire d’autre ? Je ne vais pas passer toute ma vie enfermée dans un bunker, à espérer ne jamais entendre quelques pas descendre le long de l’échelle. Il faut bien que j’essaie de faire ma vie comme je l’aurais fait en étant Madame-tout-le-monde. S’ils ne viennent jamais ici, tant mieux pour moi, et sinon… J’aviserai.

Une fois arrivée à destination, je ne mets pas aussi longtemps qu’avant à trouver une place. Depuis peu, j’ai trouvé une place assez pratique, fermant les yeux devant le panneau des livraisons. Après tout, il n’y a aucune heure spécifiée, et j’imagine qu’elles doivent se produire quasiment à l’aube, non ? Et en l’occurrence, l’heure est quand même avancée, alors je ne devrais pas risquer grand-chose. Coupant le moteur, je prends le temps de ranger quelques affaires dans mon sac avant de descendre de mon véhicule. Jusqu’ici, rien de bien différent dans ma routine, si ce n’est qu’aujourd’hui, la voix d’une femme m’interpelle. « – Oui ? » Je glisse l'une des lanières de mon sac sur mon épaule, et je referme la portière, verrouillant la voiture derrière moi, avant de reposer mon regard sur l'inconnue.  « – Vous avez besoin d'une direction ? » Partagée entre la curiosité et l'envie d'aider, je me dis que cette ville a bel et bien un effet sur moi. J'espère au moins que personne ne verra ça.

— En te postant ici, tu as secrètement espéré que cette voiture dérangeante ne viendrait pas. Tu aurais été déçue, mais au moins, ça t’aurait retiré une couche de stress et d’ennuis dont tu n’as vraiment pas besoin. Ça n’aurait pas réglé ton problème, mais ça ne t’en aurais pas créé d’autres non plus. En voyant cette jeune femme sortir du véhicule, tu as eu la désagréable sensation que ça ne fait que commencer – les choses auraient été plus simples pour toi si elle avait été moins belle, ou si elle avait été un homme. Muette un instant comme perdue dans tes pensées et troublée par tes propres réflexions, tandis qu’elle a pourtant très clairement répondu à ton interpellation, tu restes plantée là. « Euh… » Soudain, tu sens les mots glisser et ta tête se vider. Oh non. Tu réponds alors précipitamment la première chose qui te vient à l’esprit à sa question pourtant à la portée d’un enfant de cinq ans. « Oui… Non, non pas du tout. Je travaille ici, pourquoi j’aurais besoin d’une direction ? » Tu affiches un air faussement interloqué, surprise de ta propre répartie. Un rire nerveux t’échappe, vite remplacé par un sourire gêné sur le bord de tes lèvres. Décidément, dire n’importe quoi en situation de panique c’est ta spécialité ; et tu n’as pas spécialement rattrapé le coup malgré ta tentative pour avoir l’air cool. Tu te racles la gorge, fronce les sourcils. Tu n’es pas là pour rire, ni pour prétendre être stylée devant des inconnus. Inspirée par une pointe de détermination nouvelle, tu en profites pour remettre ton visage le plus strict possible avant que tout ne parte en fumée en quelques secondes. « En fait, je… je vous cherchais. Enfin je vous attendais, plutôt. » Tu essayes de ne pas hésiter, de ne pas bégayer – d’avoir une certaine présence. Mais il te semble que c’est peine perdue, tu as déjà l’air ridicule avec cette mine à peine dangereuse devant une femme qui a bien plus d’assurance que toi. Il t’a suffit d’un regard pour le voir ; ça va être une longue conversation semée d’embûches.

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Ft. Stella

Comin straight on for you  

Je ne m’attendais pas à être interpellée pas plus tôt garée, mais maintenant, cette mystérieuse inconnue a toute mon attention. Je me demande bien ce qu’elle me veut, et son visage ne m’est pas familier, alors je me dis qu’elle doit être une touriste un peu perdue. Nous sommes en plein été et je pense que de nouveaux arrivants ne vont pas tarder à débarquer – elle fait peut-être partie des plus prévenants, de ceux qui préfèrent venir avant la rentrée, histoire de ne pas être complètement déstabilisé quand tout va redémarrer. Et même si j’ai des courses à faire, je ne suis pas particulièrement pressée, alors je me dis que j’ai bien du temps à lui consacrer. Je remarque néanmoins que son regard change à ma question, et je fronce un peu les sourcils, ma curiosité piquée.

« – Oh. » Maintenant intriguée, j’aurais pu passer mon chemin, mais j’affiche un petit sourire intéressé quand elle montre des signes de nervosité. Elle a pourtant l’air déterminée à me dire quelque chose, même si j’ai l’impression qu’il y a aussi une grande part d’hésitation. Et quand elle finit par lâcher le morceau, je hausse les sourcils, même si la surprise n’est toujours pas partie. « – Vous me cherchiez ? Moi ? » Je fais le lien entre ce qu’elle vient de me dire, et je fronce les sourcils à nouveau, me sentant perdue. Est-ce que ça veut dire que ça fait longtemps qu’elle m’observe ? Est-ce que c’est elle, la fameuse espionne que je redoutais, envoyée par mes anciens patrons ?

Elle n’a pas l’air des plus féroces pourtant, mais c’est peut-être une ruse. Par réflexe, je me recule de ma voiture pour regarder frénétiquement autour de moi, mais nous ne sommes que toutes les deux dans la rue, du moins pour l’instant. Cette fois, mon sourire est tombé, et je serre mes clés de voiture dans ma main. « – Je suis flattée, mais j’ai déjà un boulot au zoo. Qu'est-ce que vous me voulez ? » Tous les scenarii possibles et imaginables me passent par la tête, et je suis loin de me douter qu’ils n’ont rien à voir avec la vraie raison de sa présence.

— La jeune femme reste tranquille pendant que tu te débats avec tes réflexions et tes hésitations, mais tu ne sais pas si c’est bien ou non. Si elle en avait eu marre de t’entendre déblatérer pendant trois heures et tourner autour du pot, elle serait partie – ça t’aurait un peu arrangée, sans que tu ne puisses décemment l’admettre. Et maintenant que tu as craché une partie du morceau, elle semble encore plus intriguée. « Oui, vous, euh… parce qu’en fait vous voyez... » Tu fais de vagues gestes un peu indéfinis, désignant tantôt le panneau indiquant que la place de parking est réservée aux livraisons, tantôt la devanture de ton restaurant. Ce n’est pourtant pas si difficile à expliquer, mais tu avales ta salive avec encore un peu d’angoisse au bord des lèvres.
Soudain, son attitude change. Tu ne sais pas si c’est parce qu’elle commence à perdre patience ou juste parce qu’elle a compris et qu’elle n’a pas l’intention de bouger, mais tu espères que les choses vont s’arranger elles-mêmes d’une façon ou d’une autre. D’abord un peu perdue, tu restes incrédule un moment quand elle reprend la parole et réponds presque automatiquement. « Non, je cherche pas de personnel. » Tu fronces les sourcils, secouant la tête de gauche à droite comme pour te remettre les idées en place. « Enfin si, si. En fait, j’aimerais bien engager du monde. Est-ce que vous préféreriez travailler dans un restaurant plutôt qu’au zoo ? » L’air interrogatif, tu plisses les yeux avant de te rendre compte que tu es encore à des kilomètres de ce que tu avais prévu aujourd’hui. Tu soupires et te pinces l’arrête du nez comme si c’était la faute de quelqu’un d'autre que toi si tu te perds dans tes propres pensées à la seconde où tu te retrouves dans une situation un tout petit peu stressante. « Non, oubliez. Laissez tomber. Ce n’est pas ce que je voulais vous demander. » Tu prends une longue inspiration, joignant les mains pour garder ton calme et ton sang froid. « Ce que je voulais vous dire c’est : est-ce que vous pourriez vous garer ailleurs, s’il vous plaît ? » Cette fois, tu as réussi. L’air à moitié victorieux, à moitié dépassée par les événements, tu espères l’attendrir ou au moins faire appel à son sens des responsabilités en souriant poliment – pour un peu, tu battrais des cils et afficherais ta mine la plus mignonne, mais c’est peine perdue quand tu ne connais pas la personne en face de toi.

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Ft. Stella

Comin straight on for you  

Cette rencontre est inattendue et à la fois… étrange. J’ai du mal à comprendre ce qu’elle me veut, et connaissant mon passé, la première chose à laquelle je pense, c’est à une espionne envoyée par la mafia. Un peu maladroite, et il faut dire qu’elle n’a pas non plus la tête de l’emploi, mais je reste malgré tout sur mes gardes : cela peut très bien être une ruse, les mafieux ont des talents de comédiens et de persuasion plutôt efficaces pour vous pousser à aller dans leur sens sans ne vous douter de rien. Pourtant, plus les secondes s’écoulent, plus mes doutes grandissent, et je hausse les sourcils en observant le panneau qu’elle m’indique. Je mets quelques secondes avant de comprendre, mais je fais vite le rapport avec l’information et l’emplacement de ma voiture.

J’affiche un petit sourire, presque moqueur, quand je comprends ce qui l’embête, et je mordille ma lèvre avant de me détendre un peu. Je me redresse en observant la jeune fille face à moi, trouvant soudain un tout nouvel intérêt à cette conversation. Tout comptes faits, elle n’a pas l’air vraiment méchante ni même agressive, et je décide de tenter ma chance. « – Oh… Je n’en ai pas pour longtemps, vraiment, et c’est la place la plus commode. En plus, les livraisons se produisent beaucoup plus tôt, non? Je ne pense pas que je risqué de gêner quelqu’un.  » Essayons de voir si elle tient vraiment à me voir me carapater. Quand on y pense, je lui rends service : je ne suis sans doute pas la dernière personne à me garer ici, et il faut qu'elle prenne du poil de la bête si elle veut se faire respecter.

Quand elle me parle d’abord de son restaurant, j’ai l’impression qu’elle s’apprête à me proposer un entretien d’embauche – elle a bien dit qu’elle m’attendait, et même si maintenant, j’y vois plus clair, je ne peux pas retenir un petit rire quand elle m’offre un job à demi-mot. J’incline ma tête sur le côté, comme si ça pouvait me permettre de mieux l’observer, et je m’approche d’elle avec un nouveau sourire, les clés toujours à la main, et pas vraiment décidée à bouger de là. « – J’ai un bon plan pour vous : je fais de la pub pour votre resto, et je peux me garer ici aussi souvent que je le veux. Deal ? » J’ai le sentiment de pousser un peu les limites, et c’est probablement ce que je fais. Mais ça fait bien longtemps que je ne suis pas retrouvée dans une telle situation, et je savoure les sensations que ça me procure. Il n’y a rien de bien méchant dans mon attitude ; seulement le besoin d’une sale gosse de voir qu’elle peut encore se rebeller contre quelqu’un, aussi pacifiste et gentille cette personne puisse-t-elle être.

— A mesure que tu démêles ton histoire pour réussir à expliquer le problème, ton interlocutrice semble changer d’humeur. Pas forcément en pire, mais tu ne saurais pas vraiment mettre le doigt sur ce qui t’inquiète dans son sourire. Peut-être est-ce simplement un de tes instincts de survie – ou une énième manifestation de paranoïa. La voilà déjà qui essaye de marchander sa place ici, comme si elle en avait le droit. Tu sens ton visage se décomposer au fil des mots. Alors, ça va être un de ces jours-là où rien ne va dans ton sens. Prenant le peu de courage qu’il te reste à deux mains, tu inspires longuement avant de te lancer dans une interminable explication que tu espéreras la plus convaincante et arrangeante possible. « Écoutez, ça fait plusieurs fois que je trouve votre voiture ici alors que la place m’est réservée… Qu’elle soit libre ou non maintenant, c’est pas le problème. Je sais qu’il y en a pas énormément dans le quartier, mais j’en ai besoin pour faire tourner mon restaurant. Vous comprenez, je peux pas vous laisser vous garer ici. Sinon tout le monde le fera, et je serais dans la merde. » Tandis que tu te mords l’intérieur des joues comme pour te punir d’avoir laisser échapper un juron, tu réalises que ta voix étranglée par la pression sonne plus comme une supplique que comme une démonstration d'autorité. « Alors… j’apprécierais vraiment beaucoup que vous alliez ailleurs. » Un sourire crispé sur les lèvres, tu termines dans une grimace qui doit être plus pitoyable qu'autre chose.
Quand tu te perds à nouveau dans tes explications sans queue ni tête, tu regrettes de ne pas avoir engagé quelqu’un uniquement pour gérer ce genre de problèmes. Tu notes mentalement dans un coin de ta tête que tu offriras une prime à tout employé qui voudra bien s’y coller à ta place. En plus, maintenant, l’intruse est carrément en train de rire. Et c’est probablement plus de toi, qu’avec toi. Tu esquisses un faible mouvement de recul comme un réflexe quand elle s’approche – elle ressemble à un requin qui nagerait autour de sa proie et toi, tu vas bientôt servir de petit-déjeuner. D’abord perplexe, tu fronces les sourcils sans trop y croire quand elle t’annonce avoir un bon plan. Et puis évidemment, tu restes bouche bée par la stupidité de la chose. Elle se fiche de toi ouvertement ; si tu avais eu plus de cran, tu aurais sans doute levé les yeux au ciel ou menacé d’appeler la police. Mais le plus loin les forces de l’ordre sont de toi, le mieux tu te portes. « Quoi ? Je veux pas faire de deal. S’il vous plaît, je vous demande pas la lune quand même ! J’ai besoin de cette place, vous non. » Est-ce que l’endroit a l’air si nul que ça pour qu’elle pense que tu as besoin de pub ? Pourtant, tu te débrouilles correctement. Ce n’est pas plein tous les jours mais tu peux payer tes employés ainsi que des ingrédients de qualité et faire un peu de bénéfices alors ça te suffit. Exaspérée même si tu essayes de ne pas trop le montrer, tu sens que les larmes ne vont pas tarder à te monter au nez si elle continue à insister comme ça. Ce serait pathétique d’avoir ce genre de réaction face à une inconnue, mais tu restes impressionnable à souhait et tu ne veux vraiment pas faire de vagues. Tu déglutis difficilement, avec la sensation d’être acculée contre un mur alors qu’il y a encore quelques mètres entre ton dos et la devanture du restaurant.

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Ft. Stella

Comin straight on for you  

Je la sens commencer à bouillir, doucement mais sûrement, et je fais de mon mieux pour dissimuler un minimum mon sourire, histoire que cela ne m’explose pas en plein visage un peu trop tôt. Rien de bien sadique, rien du tout même, si ce n’est une envie de voir ce que ça pourrait donner quand elle s’énerve un peu. Ça paraît bête, étant donné que ce n’est qu’une inconnue et qu’elle m’offre une politesse de circonstance. Mais justement, je crois que ce sont les bonnes manières de trop ; j’ai envie d’entendre quelques petits éclats de voix, dans cette ville un peu trop calme à mon goût. Évidemment que je bougerai ma voiture quand j’aurai obtenu ce que je veux, mais rien de tel qu’une petite prise de bec pour commencer sa journée. Au moins, on est en forme pour affronter les éventuels abrutis du reste de la journée.

Et puis, quand on y pense, je lui rends service, en la poussant à s’affirmer pour ce qu’elle veut. Elle vient de me dire que son restaurant était tout jeune : des automobilistes peu scrupuleux pourraient bien se garer à ma place dans les jours ou semaines à venir. Elle peut prendre ma présence comme un entraînement pour me faire déguerpir. Quand elle ose enfin formuler à voix haute sa volonté de me voir aller ailleurs, je remarque qu’elle a l’air autant surprise que satisfaite par sa demande, et ça me confirme bien ce que je pensais. « – Mouais, je sais pas trop... » Je réponds d'un ton évasif, tapotant mes doigts sur le haut de ma voiture.

J’ai envie de tirer encore sur la corde sensible, et j’ai l’impression que ça marche – peut-être même un peu trop. Le ton monte, mais il n’est pas le seul, et j’écarquille les yeux quand je remarque que ceux de la jeune femme commencent à s’embuer. D’accord, je suis encore peut-être immature et prête à faire x conneries, mais je ne sais pas cruelle pour autant. « – Euh, wow, ok, on se calme. » Je m’attendais à une joute verbale récréative, mais pas à la mettre au bord de la crise de nerfs pour si peu. D’ailleurs, je secoue la tête, et je me recule de la voiture, comme pour me dédouaner de ce que je viens de faire.

« – J’voulais juste te taquiner, voir ce que t’avais dans le ventre, en fait. C’est un peu trop « nounours et papillons roses » dans le noir, j’ai vu l’opportunité, alors je l’ai prise. Tu n'as qu'à prendre ça comme un... bizutage ? » Voir quelqu’un au bord des larmes par ma faute m’a donné une drôle de sensation, familière – et clairement, je n’aime pas ce que je ressens à ce moment-là, alors je crois que je ferais mieux de mettre les voiles, finalement. Tant pis, c’était amusant le temps que ça a duré. « – Je m'en vais ! » Je déclare tout en levant mes clés de voiture, et je fais le tour de celle-ci pour rejoindre le côté conducteur.  

— Alors que tu fais de ton mieux pour contenir un flot d’angoisses et d’émotions qui s’apprête à te submerger, tu constates avec désarroi le malin plaisir qu’elle éprouve à ne pas s’en aller sans demander son reste. Comme si ça ne suffisait pas, elle répond à tes presque suppliques par un profond désintérêt qui te désarme. L’attitude clairement nonchalante qu’elle affiche ne t’annonce rien de bon, et tu redoutes la suite des événements. Tu aurais aimé que quelqu’un d’autre soit là pour t’aider – mais tu ne peux pas constamment te reposer sur les autres, surtout quand tu as fui aussi loin pour ne plus avoir à affronter leurs regards. Finalement, c’est ta crise de nerfs en approche et pas ton autorité inexistante qui auront raison de cette discussion. D'une manière où d'une autre... tu auras eu ce que tu voulais. Malheureusement.
Tu restes bête et silencieuse un instant quand elle s’explique brièvement et s’apprête à repartir. Quoi, c’est tout ? « Hein ? » Tu fronces les sourcils et secoue la tête de gauche à droite en la regardant s’éloigner pour rejoindre le côté conducteur. Sans savoir si tu fais bien ou non – probablement pas – tu ouvres et fermes plusieurs fois la bouche comme pour trouver quelque chose qui conclurait cette rencontre désagréable. « Un bizutage… cette ville était pas supposée être un genre d’utopie ? » Une douce amertume commence à remplacer ta détresse quand tu détournes les yeux. Malgré ton pessimisme chronique, tu as espéré que personne dans cet endroit censé être idéaliste ne te cherche des noises ou ne te mette des bâtons dans les roues. Une pointe de tristesse te traverse, tu as fait tant de chemin pour te faire embêter par la première venue ? C’est ironique. « Pourquoi est-ce que tu voudrais voir ce que j’ai dans le ventre, on se connaît même pas. » Puisqu'elle abandonne les politesses, alors tu ne t'en encombres pas non plus. Tu soupires, lasse. Tu ne comprends pas vraiment cette volonté de faire du mal gratuitement, et peut-être que tu ne comprendras jamais. Qu’est-ce que ça peut bien lui faire, que tu sois terrifiée à l’idée de devoir être autoritaire pour te faire entendre ? A vrai dire, tu ne saisis même pas comment quelqu’un comme ça, qui affiche clairement ses mauvaises intentions, ait pu avoir envie de s’installer à Fredelig en premier lieu. « Personne t’oblige à rester ici, si t'aimes pas ce que tu vois. Moi, j’essaye juste de me faire ma place et de faire mieux. » Avec une pointe de courage retrouvé, tu la regardes dans les yeux cette fois. Faire de ton mieux, faire mieux, c’est du pareil au même. Tu ne veux pas répéter les erreurs du passé, tu veux te détacher d’une image et d’une ombre qui te collent à la peau. Si elle ne veut pas le faire, c’est son problème. Mais elle n’a pas à t’entraîner dans sa chute. Il doit bien y avoir une autre raison que juste… te taquiner, non ? Soudainement, tu te demandes si tu ne viens pas d’essayer de faire la morale à quelqu’un qui te connaîtrait suffisamment pour retourner ton argumentaire contre toi en quelques secondes. Des doutes et des sueurs froides, voilà ce que te provoque l’idée que ta réputation t’ait suivie jusqu’ici.

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Ft. Stella

Comin straight on for you  

Je pensais d’abord m’amuser un peu en la faisant tourner en bourrique, mais les choses prennent vite une tournure qui ne me plaît pas des masses. Mon intention était de l’agacer, pas de la faire pleurer ou de provoquer une crise de nerfs trop grave. Là, j’ai l’impression d’agir comme la Ana d’avant, celle qui poussait les autres à bout pour son boulot ou pour se défouler, pour son propre plaisir. Or, j’ai changé (même si ça me gêne de me l’avouer), et je n’ai plus envie d’être cette personne. Alors, je me mets un coup de pied aux fesses, et je me dis que partir est sans doute la meilleure option, finalement. Je parie qu’elle ne doit pas comprendre ce changement de comportement radical, et j’essaie d’en faire abstraction, mais comme je m’en doutais, elle ne me laisse pas partir sans avoir des explications avant.

Je relève les yeux vers elle quand elle me parle d’utopie, et je lâche un petit rire ironique, mais à ses yeux qui deviennent dangereusement brillants, je comprends qu’elle comptait vraiment sur cette idée. Et ça serait lui mentir que de lui faire croire que tous les habitants de Fredelig auraient pu lui faire cette blague de mauvais goût. « – Justement. Si tu veux la vérité, ils sont plusieurs à se croire au pays des bisounours, ici. Et tant mieux pour eux, je veux dire, si c’est ce qui les motive à se lever le matin, pourquoi pas », je hausse les épaules, alors que je vais jusqu'au bout de ma réflexion.  « – Ils sont bienveillants et la plupart se seraient excusés au moins trois fois avant d'aller se garer ailleurs. Mais c'est peut-être pas le cas des nouveaux venus, alors, en te forçant à élever un peu la voix, c'était comme... un exercice ? Eh, je t'ai rendu service ! Tu t'es entraînée à gérer un ou une passant(e) désagréable ! »

Et je souris un peu plus fort, parce qu’avec une pirouette plus ou moins adroite, j’arrive presque à me convaincre moi-même que ce que je viens de faire pourrait être considéré comme une bonne action. Enfin, un genre de bonne action. En revanche, je me sens piquée quand elle me dit que je pourrais partir si la mentalité de la ville ne me convient pas. C’est vrai, je pourrais. Enfin, j’aurais pu le faire dès mon arrivée, mais désormais, tout est trop compliqué. D’une, la moindre destination représente un danger potentiel pour moi. Et de deux, j’ai rencontré trop de gens ici, je me suis fait des amis. Je me suis attachée à des personnes alors que je ne savais même pas que je pouvais encore ressentir ça, sans calcul ni intérêt.

Mais je ne peux pas faire part de cet état d’âme à une inconnue, n’est-ce pas ? Alors, j’essaie de reprendre contenance et je me racle la gorge, jouant sans m’en rendre compte avec mes clés de voiture. « – Disons que je suis ici pour un moment, alors il faut que je m'y fasse. Je pourrai faire un petit effort pour éviter de te croiser à l'avenir, si ça t'arrange », je finis avec une petite pointe d'humour, même si je pense qu'elle serait la première à rebrousser chemin en me voyant dans la rue.

— Ses changements d’humeur sont difficiles à suivre pour toi qui n’a que les meilleures intentions du monde. Tu ne comprends pas tout, vraiment. D’abord, elle fait tout pour rester ; et maintenant, te voilà à devoir la retenir ? Il y a quelque chose qui ne va pas – et tu ne fais pas référence aux larmes qui ont failli te piquer les yeux en pensant ça. Tu fronces un peu les sourcils, d’abord peu convaincue. Mais elle n’a aucune raison de mentir, si ? Tu finis par lâcher un soupir, et affiche une moue perplexe. « C’est… un peu tordu comme façon de faire. » Si tout le monde est un bisounours dans cette ville, alors en théorie, tu n’as pas besoin de t’entraîner à remballer les viles fauteurs de troubles. Même si elle parle de nouveaux venus pas franchement versés dans la bienveillance, elle est pour l’instant le seul obstacle que tu as pu rencontrer ici. « Mais bon, si tu le dis. » Sans argument pour remettre sa parole en doute, tu décides de la croire. Difficile de considérer qu’elle puisse avoir simplement eu envie de t’embêter, juste comme ça. Personne ne fait ça.
Tu fixes les clés de sa voiture qui dansent perpétuellement entre ses doigts. Maintenant, c’est presque elle qui a l’air mal à l’aise pendant que tu te noies dans ta gêne. Ce serait impoli, ou peut-être déplacé, de lui demander pourquoi elle tient tant à rester ici alors qu’elle ne s’y plaît pas tant que ça – alors tu te tais et hoche légèrement la tête. Sa solution te paraît plutôt extrême ; et de toute façon la ville est bien trop petite pour que vous ne vous recroisiez jamais. « Inutile d’en arriver là, je t’en veux pas à ce point. » Tu cèdes dans un petit soupir amusé, pourtant loin d’être débarrassée de ton angoisse. Les mains moites et la gorge sèche, c’est presque ton quotidien maintenant. Les yeux posés au loin, tu ne t’imagines pas vraiment devenir sa meilleure amie ni même autre chose. Mais tu n’espères quand même pas que tu viens de te faire ta première ennemie, alors tu essayes d’adoucir les choses comme tu peux. Après tout, il n’y a pas eu de mal – du moins, pas aujourd’hui. « Juste… trouve une autre place pour te garer et tout ira bien. » Tu sais pas qui de toi ou d’elle tu essayes de persuader avec ça, alors tu te contentes d’un sourire crispé pour le moment.

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Ft. Stella

Comin straight on for you  

Je vois bien qu’elle n’a pas l’air des plus convaincue par mon raisonnement, mais tant qu’elle n’appelle pas la police pour venir me déloger par la force, je crois que je m’en sors plutôt bien. On pourrait croire que je ne peux pas passer une journée sans faire une bêtise ou embêter quelqu’un, et… ça se rapproche malheureusement de la vérité, même si ces bêtises sont bien moins grosses que celles dont j’avais l’habitude en Russie. Sa réplique m’amuse, et je m’autorise à pouffer en haussant les épaules. « – Je n'ai jamais dit que je n'étais pas tordue. » Ça en revanche, c’est bien la phrase la plus sincère qu’elle a pu entendre de ma bouche depuis le début de notre rencontre. Enfin, je le suis aussi quand je lui fais comprendre que je n’ai pas envie de l’embêter plus que ça.

C’est amusant si elle me renvoie mes piques, mais pas si elle fond en sanglots d’un coup. Je lui propose même un petit compromis, si ma présence dans le coin peut éviter de la contrarier, et je hausse un sourcil avec amusement quand elle me dit que je n’ai pas besoin de partir dans de tels extrêmes. Bon, tant mieux. Je préfère passer pour l’emmerdeuse de service de temps en temps, plutôt qu’être le bourreau de quelqu’un. J’ai l’impression qu’elle se regonfle de courage pour me rappeler que je devrais trouver une nouvelle place, et cette fois, je ne l’attaque pas, je me contente de sourire en hochant la tête. De toute façon, j’ai été la première à lui dire que j’allais m’en aller.

« – Je te souhaite bonne chance pour le resto. Je pourrais peut-être venir, un de ces jours ! » Je lui adresse un clin d’œil, et j’ouvre ma voiture avant d’y entrer, une vision que Stella n’espérait peut-être plus depuis ma tentative de voir ce qu’elle avait dans le ventre. Et pourtant, je démarre bien le moteur et je m’en vais pour chercher une autre place, une tâche difficile mais pas impossible, puisque me voilà à nouveau dehors quelques minutes plus tard.

— L’ambiance est un peu bizarre, tu ne sais pas sur quel pied danser. Pas qu’habituellement tu saches vraiment, mais tu dois bien admettre que là, c’est pire. Tu hausses un sourcil circonspect à son petit rire – décidément, tu es bien à côté de la plaque aujourd’hui. Et quand elle admet elle-même être tordue, tu ne sais plus où te mettre et marmonne en détournant les yeux. On dirait que malgré tout, tu auras réussi à te débarrasser d’elle sans avoir recours à l’excuse ultime de la police. Parce que vraiment, tu n’as pas envie d’en arriver là ; le plus loin tu es des gardiens de la paix, le mieux tu te portes. Que se serait-il passé si tu l’avais menacé de les appeler, et qu’elle avait décidé de les attendre ici ? Probablement rien de bon, tu n'aurais d'ailleurs même pas eu le courage de passer cet appel. Alors au fond, tu es plutôt soulagée même si tout ne s’est pas passé comme prévu.
Au final, elle se décide vraiment à partir avec un dernier mot que tu trouves presque considéré, de la part de quelqu’un comme elle. L’air d’abord un peu boudeur, tu te dérides rapidement pour lui sourire – signe que tu ne lui tiendras rigueur de cette altercation à votre prochaine rencontre. « Merci. Comme tu veux, tout le monde est le bienvenu ici. » Mais au fond, tu espères quand même que celle-ci n’aura pas lieu. Ou alors, dans longtemps. Et loin d'ici. « Bonne chance pour… euh, peu importe, ce que tu vas faire maintenant. » De retour avec la gêne monumentale, je lui retourne la politesse avant qu’elle ne s’engouffre dans sa voiture. En la regardant s’éloigner, je me maudis d’avoir été si fragile. Après une très longue inspiration, je rentre dans l’établissement et enfile mon tablier pour me préparer à ouvrir.

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