Prendre du galon [Orel]

Depuis l'arrivée d'Illyana à Bergen, il se baladait bien plus souvent autour du campus, officiellement de façon tout à fait fortuite. Officieusement... Il tentait d'apercevoir sa sœur de loin juste pour s'assurer que tout allait bien pour elle sans pour autant se montrer trop envahissant. C'est qu'il n'oubliait pas son aveu d'avoir déjà eu une petite amie. Et il savait que trop bien le sort qui était réservé à ces genres de personnes. Et... Sa sœur ne méritait pas cela. Il surveillait donc, de loin. Il n'aurait plus manqué qu'il ne la fasse fuir dans sa famille d'accueil... Il n'était donc pas rare de le trouver à traîner avec son sac à dos US Army contenant ses bombes de peintures, dans les recoins sombres de l'université à chercher où poser sa griffe. Parce qu'il n'était évidemment pas question de graffer partout, il tenait trop à sa liberté retrouvée pour se permettre d'avoir à nouveaux des ennuis.

Et ce fut ainsi qu'il assista à une bien étrange scène. Parce que voir le Chevalier Blanc aux prises avec quelqu'un, c'était quelque chose de déjà vu et même déjà connu puisqu'il se rappelait avoir lui-même vécu cela avec Orel. Donc rien de bien neuf sous le soleil. Il avait d'ailleurs croisé les bras tout en prenant appui sur un des murs -se tenant tout de même à distance mais assez près pour suivre le déroulé de l'action- et tenter d'y comprendre quelque chose ! Parce qu'étonnamment, il eut bien vite des doutes sur qui était réellement blanc tout ça. Parce qu'un joueur ? -à sa carrure, ça ne pouvait être qu'un athlète !- s'en prenait à Orel au sujet de matchs truqués et de paris faussés ?... Orel, le Chevalier Blanc des grandes causes sociétales, à commencer par l'homosexualité... Qui trafiquait les matchs pour se faire du fric sur des paris truqués ?! Quelque part, il avait dû traverser une sorte de portail qui l'avait mené à un univers parallèle... Il ne voyait que ça comme explication.

Mais il était pour le coup intéressé. Il observa donc les demandes d'explications de Monsieur muscles se faire plus virulentes jusqu'à ce que les mots ne suffisant plus, il empoigne Orel par le col pour lui faire avoir de façon plus physique son mécontentement. Et visiblement, le Viking -disparu de la circulation, merci à Aaron pour cela, il lui devait une fière chandelle- et le Russe n'étaient pas les seuls à savoir se servir de leurs poings. Outch... Ca devait faire mal... Et s'il grimaça en solidarité, il ne bougea pas pour autant le petit doigt, laissant Orel se faire allumer. Après tout , ça ne le concernait en rien et chacun assumait ses embrouilles... Il patienta donc tranquillement le temps que Brutus en ait terminé avec ce qui n'était plus tout à fait un Chevalier Blanc. Un Chevalier Gris peut-être ? En tout cas Orel venait de prendre du galon à ses yeux, et il en était presque admiratif tant il ne l'aurait jamais deviné s'il n'était pas lui-même tombé sur cette scène.

Il ne chercha pas davantage à arrêter l'agresseur d'Orel lorsque celui-ci passa devant lui après avoir laissé sa victime sur le sol... Et ce ne fut d'ailleurs qu'à ce moment-là qu'il consentit à se décoller de son mur pour s'approcher d'Orel qui peinait à se relever. Pour ouvrir son sac et en tirer une petite bouteille d'eau qu'il lui tendit. "Tiens... Désolé, j'ai pas de mouchoirs pour ton nez... Et ta lèvre... Mais j'ai au moins de l'eau." Souriant comme si on venait de lui annoncer que Noël serait avancé de cinq mois cette année, il ne peut que réagir à ce qu'il venait d'apprendre ! "Alors comme ça on fait des matchs et des paris truqués ?... C'est pas joli-joli, tout ça..." Il était juste dommage que le ton soit un peu trop amusé et presque admiratif pour que ses propos aient une réelle valeur morale. Alors qu'il demandait tout de même, il était temps ! "Ca va aller ? Besoin d'aide ?" Mais bon, Orel était maintenant un dur à cuire, non ?

Il y a quelques mois, j'ai eu une visite plutôt inhabituelle sur le terrain de foot de l'université. Deux hommes voulaient me parler et, à les voir, je me suis demandé s'il ne s'agissait pas de frères de mes joueurs. Ils n'étaient pas trop âgés, mais suffisamment pour que je sache qu'ils n'étaient pas étudiants. Je me suis immédiatement méfié, et c'était justifié. Ils ont commencés à me baratiner, à me dire qu'ils avaient une solution pour me faire gagner beaucoup d'argent. Peu intéressé, et sentant l'embrouille, j'ai décliné l'offre. Mais ils n'en sont pas restés là et sont revenus quelques fois en relançant toujours les mêmes arguments jusqu'au jour où ils ne m'ont plus laissés le choix. Me menacer était une chose mais mêler les personnes que j'aimais le plus en était clairement une autre et quitte à impliquer quelqu'un dans ce genre d'histoires, autant que je sois seul. Evidemment, ce n'était pas le seul point sensible sur lequel ils ont joués pour me faire céder, mais c'est celui qui m'a le plus fait vriller. Les termes du contrat étaient clairs, il fallait que je truque les match en fonction des paris contre une infime partie des gains et surtout la sécurité de mon entourage. J'ai été tranquille tout l'été, jusqu'à la rentrée où j'ai commencé à recruter de nouvelles têtes pour l'équipe. Ma stratégie était d'avoir autant de bons joueurs que de passables, pour mieux manipuler les scores et, malheureusement, le premier match ne fut pas très concluant. Il s'agissait autant du premier match de l'année scolaire que du premier que je truquais, mais le résultat ne fut pas celui attendu et je savais que ça n'allait pas passer auprès de Jake. Alors que je finissais un entrainement, une silhouette familière se présenta dans un coin du stade. Ce n'est que quelques longues minutes plus tard, lorsque plus personnes n'était présent, que je décidais d'enfin le rejoindre. L'heure tardive et le ciel nuageux, rendait la rencontre plus obscure et comme je l'avais prévu, l'homme de main était venu me rappeler les conditions de notre "entente". La menace ne fut cependant pas trop lourde, je m'attendais à ce qu'il me demande de rembourser les pertes et, au lieu de ça, il décida simplement de me frapper. Bon, ce n'était pas non plus le plus agréable, mais encaisser des coups n'était plus un problème pour moi depuis longtemps même si mes cotes étaient déjà fragilisées à cause du début d'année et qu'elles avaient finies par céder de nouveau. Ma main dessus -comme si ça pouvait aider à contenir la douleur- je peinais à me relever alors que l'homme venait de s'en aller. Lorsque je réussi à me redresser, mon souffle se coupa à la fois à cause de ma cote mais aussi à la vue d'une nouvelle silhouette. Je cru un instant que l'homme était revenu terminer le travail, mais, je fus étonné de voir Timothée me faire face. Visiblement témoin de ce qu'il venait de se passer, il me tendit une bouteille et m'énuméra les parties de mon visage qui saignaient. Une légère grimace se forma le temps d'un instant sur mon visage avant que je refuse d'un signe de tête l'eau qu'il me proposait. A l'écouter, ma situation avait l'air de l'amuser.
« Je préfèrerai qu'on évite d'en parler. Ce n'est pas comme si j'avais eu le choix. »
Je tentais de chuchoter ces paroles, ne voulant absolument pas qu'on l'entende même si la plupart des personnes devaient avoir quitté ces lieux maintenant. Mais le fait que Timothée soit là devant moi, me faisait bien comprendre qu'il pouvait toujours avoir du monde.
« Ça devrait aller. » Mon visage devait faire peur à voir si des coupures s'étaient formées au point d'en saigner mais l'adrénaline ne faisait que bourdonner mes oreilles et je ne sentait même pas le sang couler sur ma peau. J'allais certainement avoir quelques bleus et une nouvelle cote abimée, mais ça aurai pu être pire. Et puis une question me vint immédiatement à l'esprit. « Qu'est ce que tu fais là ? Une soudaine envie de t'instruire ou tu viens prendre son relais pour m'achever ? » J'ignorai qu'il avait réussi à faire venir sa soeur ici, la dernière fois ce n'était qu'un souhait.

Adossé sur son mur, il avait patiemment attendu qu'Orel se fasse -appelons un chat, un chat- passer à tabac pour ensuite intervenir. Il avait appris en taule qu'il valait mieux s'occuper de ses affaires, et seulement de ses affaires, si on voulait vivre vieux. Et il voulait vivre encore de très longues années. Surtout que les histoires de paris truqués puaient toujours un peu vu les sommes mises en jeu dedans... En tout cas, il n'aurait pas voulu être à la place d'Orel en cet instant, et pas seulement à cause des coups. Tout ça craignait beaucoup mais celui-ci en avait visiblement conscience, ce qui était plutôt un bon point pour lui. Et surtout, le Chevalier Blanc semblait toujours être Blanc... Il n'insista en tout cas pas davantage lorsqu'il lui fit savoir qu'il ne voulait pas s'étendre sur ce qui venait de se passer. "Ok, comme tu veux. Mais si tu veux en parler un jour à quelqu'un, maintenant que je sais, je serais là." Parce que s'il en était au passage à tabac, il y avait toutes les chances pour que les choses s'intensifient dans les prochains mois. Et ça risquait d'être compliqué pour Orel de s'en sortir seul...

Celui-ci refusa de la même façon l'eau alors que lui grimaçait face aux dégâts pourtant bien visibles de si près, et sa proposition d'aide se trouva juste ignorée. Il eut cependant droit à des questions sur sa présence ici. "Tu veux la réponse officielle ou officieuse ? Parce qu'officiellement, je suis là pour trouver un mur où graffer. Mais officieusement, je suis surtout ici pour m'assurer que tout se passe bien pour Illyana. Un peu comme quand elle avait 5 ans et que je venais voir à travers la grille si elle jouait bien avec ses petites copines à la récré." Surtout pour s'assurer que la situation familiale ne se voyait pas à l'extérieur histoire que les services sociaux ne lui retirent pas sa petite sœur. Mais la faculté n'était définitivement pas une cour de récréation ! "Et pour répondre à la question que tu vas me poser, non je ne l'ai pas vue. Mais je t'ai vu toi à la place." Où comment revenir à Orel et à son état physique qui l'inquiétait. "Allez viens, on va aux vestiaires..." Parce que s'il n'était pas intervenu dans la bagarre -au risque de voir ce type débarquer plus tard avec toute sa bande de copains pour terminer le travail- il voulait au moins s'assurer que les choses iraient à peu près pour Orel.

Me retrouver dans cette situation était déjà délicat mais savoir que quelqu'un avait surpris l'altercation était surement pire. Ce n'était d'ailleurs pas mieux que cette personne soit une connaissance, parce que ce qui devait rester secret ne l'était plus totalement et j'ignorais encore si je pouvais faire confiance à Timothée. On s'était croisés une seule fois, la rencontre avait était un peu brusque et maintenant il pouvait facilement avoir un moyen de pression sur moi. Dans quelles histoires je me mettais ? C'est un peu avec cet état d'esprit de méfiance que je refusais son aide et l'eau qu'il me tendais. L'attention était pourtant bonne et il avait l'air sincère, bien qu'un peu trop amusé de me savoir mêlé à des paris de match.
« Et pour te dire quoi ? Tu imagines bien que c'est pas des sujets à étaler. » Je poussais un soupir, le repousser était peut-être une mauvaise idée mais la frustration du moment ne m'aidait pas à être positif. Changer de sujet pour m'intéresser à la venue de l'homme autour de l'université était un bon moyen d'apaiser ma contrariété.
« Illyana, c'est ta petite soeur ? Tu as réussi à la faire venir en ville ? » La dernière fois, nous avions pris le temps de discuter et d'évoquer quelques parties de nos vies respectives -même si j'ai toujours eu tendance à beaucoup plus écouter les autres que l'inverse- et il avait lancé le sujet de sa soeur et de son envie de la faire vivre auprès de lui pour veiller sur elle et sur son bien-être. Il avait un bon fond, c'était une très bonne chose qu'il veuille prendre soin des personnes qu'il aime. Parler d'autre chose fonctionnait plutôt bien et ma frustration s'évanoui un instant, mais Tim n'avait pas l'air de vouloir continuer sur cette lancée et il reporta l'attention sur moi. « Ouais et je me serai bien passé de ça d'ailleurs. Pas contre toi, mais pour la situation dans sa globalité... »
Il du en avoir marre de me voir refuser son aide parce qu'il ne me laissa pas d'autres choix que de le suivre aux vestiaires. Une chance pour lui, j'avais les clés de toute la partie sportive de l'université, ce qui me donnait accès à cet endroit à n'importe quel moment de la journée comme de la nuit. Nous nous dirigions donc là-bas ensemble et j'ouvris la porte pour entrer avec lui. Lorsque les lumières s'allumèrent, je croisais mon regard dans le miroir et une grimace déforma celui-ci.
« Merde, c'est pas beau à voir. » Timothée avait raison, j'avais besoin de passer de l'eau dessus. J'en passais dessus mais si ça nettoyait la plaie, ça ne la fermait pas et le sang coulait toujours. Un nouveau soupir m'échappa. « Dans quelle merde je me suis foutu... »

Visiblement Orel n'appréciait guère qu'il puisse avoir découvert son affreux petit secret... Et il se moquait bien de ce qu'il pensait ! D'autant que ce n'était qu'une histoire de matchs truqués et de gros sous, il n'y avait pas non plus mort d'homme. Mais c'était plutôt intéressant -et amusant !- de savoir que le Chevalier blanc n'était pas si blanc que cela. Tout juste se fendit-il donc d'un vague haussement d'épaules lorsque celui-ci lui pria de s'occuper de ses affaires... "Comme tu veux." Après tout si Orel ne voulait pas lui parler, libre à lui.

Il en vint d'ailleurs rapidement à expliquer les raisons de sa présence ici et à parler d'Illyana. Ce n'était sans doute pas prudent de parler d'elle ainsi à tout bout de champs mais il ne pouvait s'en empêcher. Illyana, c'était... Sa petite princesse. Et surtout la seule femme qu'il n'aimerait jamais dans sa vie, sa mère ne comptant définitivement plus du jour où elle les avait abandonnés à leur sort. "Ouais, ma petite sœur. Et je n'ai rien fait du tout, c'est elle qui est venue me retrouver ici." Et ça, il le clamait avec fierté. Malgré les dix années de séparation, Illyana ne l'avait pas oublié, et surtout elle avait lâché ces étrangers qui lui avaient servi de famille pendant tout ce temps pour le rejoindre lui. Alors oui, il pouvait être très fier d'elle et il ne le cachait pas.

Mais là ce n'était pas Illyana qui l'intéressait mais Orel. Qui apparemment s'était mis dans de sales histoires... Pas cool pour lui, ça. Mais comme il n'avait clairement pas envie d'en parler, il pouvait au moins tenter de faire quelque chose pour ses blessures. Parce qu'il ne donnait pas longtemps avant que le shoot d'adrénaline ne commence à tomber et que la douleur prenne le dessus. Il ne lui avait donc pas laisser le choix et l'avait entrainé vers les vestiaires où il serait plus facile de faire un bilan de la situation. Et c'était le genre de choses qu'il savait faire -à peu près- pour l'avoir pratiqué sur lui-même de bien trop nombreuses fois. Et ce n'était pas tant les coups sur le visage qui l'inquiétaient que ceux qu'on ne voyait pas, encore sous les vêtements. "Je te l'avais dit..." Et s'il grimaçait lui, ce n'était pas cette fois-ci à cause du spectacle des dommages corporels à la lumière crue et blafarde des néons que par ce qu'Orel disait. Parce que oui, celui-ci semblait s'être foutu dans la merde mais surtout, comment allait-il la gérer maintenant qu'il était en plein dedans ? "Et je suppose que tu ne veux pas aller à l'hôpital... Tu sais que j'ai aucune compétence médicale ?" Et c'était bien ça le plus problématique.

Placé derrière Orel, le dos appuyé à la porte, il l'observait à travers le miroir n'aimant ni le sang qui refusait de coaguler, ni même sa façon un peu oblique de se tenir. La douleur progressait et le visage n'avait visiblement pas été le seul à morfler. "Ce serait quand même bien que tu passes une ou deux radios et qu'un médecin t'examine... Tu pourrais dire qu'un inconnu a cherché à te voler ton portable et que t'as résisté ? Et je pourrais cautionner tes dires ?" Ça lui permettrait de se faire soigner sans trop de questions dérangeantes. Et sans que cela ne l'implique lui de trop ! "Par contre, j'imagine que t'es conscient que la prochaine fois ça risque d'être bien pire..." Ouais, une belle merde, Orel avait trouvé le mot juste ! "Et que tu as une idée de comment tu vas t'en sortir..." Et là, il pariait que non. Orel restait définitivement un Chevalier blanc. "Mon gars, sur ce coup-là t'as sérieusement besoin d'aide." Et qu'on soit bien d'accord, il ne se proposait pas ! Il ne faisait que... Constater. Voilà, juste ça !

Ce qu'il vient de se passer n'est clairement pas la meilleure partie de ma journée, mais je ne m'attendais pas à croiser quelqu'un que je connais après ça. Tomber sur Timothée me frustre d'abord un peu, parce que je suis démasqué, on vient de découvrir les histoires dans lesquels je suis trempés et ça veux dire que ça peu arriver d'autre fois. Je dois me faire beaucoup plus discret si je ne veux pas de nouveau soucis, bien que j'en aurai certainement si on apprend qu'on est venu à ma rencontre après cette mise en garde. Finalement, je ravale ma fierté et demande à Tim ce qu'il peu faire dans le coin à cette heure, sa réponse me fait tout de suite réagir.
« Sérieux ? » j'affiche un petit sourire malgré moi « Tu dois être fier d'elle du coup. Elle t'a retrouvé, c'est super. » J'ose imaginer qu'il est ravi de la revoir. En tout cas, si ma soeur ferai la démarche de me retrouver, je le serai. « Comment ça s'est passé vos retrouvailles ? »
Cet échange est banal, mais j'ai quand même envie de prendre des nouvelles malgré la situation. Plutôt singulier comme réaction, pourtant ça me fait du bien d'effacer trente secondes le passage à tabac que je viens de subir. En arrivant dans les vestiaires, je me rend vite compte que cette parenthèse ne durera pas longtemps. Les rougeurs et les boursoufflures sont nombreuses sur ma peau, certaines ont même déjà commencées à virer au bleu.
« Non ça va, pas besoin d'aller à l'hôpital. Je dois bien avoir ce qu'il faut chez moi pour soigner tout ça. »
Je me rappelle encore de la soirée où j'ai fait une escale à la pharmacie avec Bastien pour soigner les coups que mon père m'avais donné. Mes cotes se remettaient à peine de cet échange qu'elles en subissaient de nouveau un. Timothée évoqua le cercle vicieux dans lequel je me trouvais, ce qui crispa ma mâchoire.
« Oui je sais. » je savais que ce que je venais de subir n'était qu'un avant-goût de ce qui pouvait réellement m'arriver si ma part du contrat n'était pas remplie. « Honnêtement ? » je me tourne et lève un regard vers lui « Pas du tout. » un soupire m'échappe. M'en sortir ? Je n'avais même pas encore réellement saisit comment j'avais fait pour entrer dedans. « Pour l'instant, j'ai surtout l'impression que je suis piégé sans aucuns moyens de me libérer. »
C'est plutôt pessimiste comme avis, pourtant c'est l'idée que je m'en fais. Il a fallu d'un seul match raté pour que je me retrouve roué de coup en guise de rappel à l'ordre. Je ne pense pas avoir la possibilité de désobéir.
« De l'aide ? Pour quoi ? Comment on pourrait m'aider là ? Ils m'ont travaillé pendant des mois avant que je cède, ils sont patients et ne manquent pas d'idées pour arriver à leur fins. Donc à part faire ce qu'ils me demandent, je ne vois pas d'autres alternatives. »
Mon regard se baisse sur mes mains coupées, égratignées à cause de mes gestes de défenses. J'ai rendu quelques coups -il me semble- mais deux contres un, c'était peine perdu d'avance. Ils me tiennent, ils savent très bien comment manipuler leur monde et j'ai fini par céder parce qu'ils ont trouvés mon point faible.
« Je préfère de loin qu'ils me fassent du mal plutôt qu'a mon entourage. » je marmonne cette phrase en pensant aux menaces qu'ils m'ont faites. Il est hors de questions que ce genre de problèmes atteignent mes proches.

S'il y avait bien une chose qu'il avait apprise dès son plus jeune âge, c'est que rien n'était tel qu'elles apparaissaient être. Et que bien souvent, il y avait la revers de la médaille à toute chose. Pour sa sœur comme pour le reste. "C'est pas si simple... Elle ne s'acclimate pas, elle n'a pas d'ami et tout le monde dans sa promo l'ignore royalement. Elle est l'étrangère Erasmus... C'est pour ça que je surveille, voir comment ça se passe..." Ce n'était pas dit mais il savait déjà qu'elle ne resterait pas, qu'elle repartirait vers... "sa famille". Une autre qui l'abandonnerait, c'était décidément son lot commun. Il en haussa les épaules avec une indifférence totalement feinte avant d'en revenir à la scène dont il avait été le témoin. Ça lui semblait pour le moment plus important que de courir après le fantôme de sa sœur qui n'était déjà plus là dans sa tête. Et sans doute bientôt physiquement.

D'autant que le Chevalier Blanc avait raison, il se trouvait piégé. Et il n'y avait pas trente-six solutions pour se sortir d'une telle impasse. "Ils s'en prendront à ton entourage, tôt ou tard et quoi que tu fasses, tu peux en être sûr." Rien que par pur sadisme, juste pour le plaisir de lui faire du mal. Ce genre de types se nourrissaient de ça de toute façon et si Orel pensait pouvoir passer entre les mailles du filet, il se mettait le doigt dans l'œil jusqu'au coude. "J'en reviens pas de ce que je vais te dire mais... Va voir les flics, explique-leurs. T'as pas fait de taule, t'es clean, ils t'écouteront." Les flics étaient là pour cela, protéger les honnêtes citoyens, non ?

Orel n'avait pas le choix de toute façon, l'autre solution étant plus... périlleuse. Et à double tranchant. "Ou alors il faudrait que tu puisses te rapprocher de quelqu'un qui puisse te mettre à l'abri et gérer le problème à ta place. Le genre de types ou d'organisation qui ne rigolent pas mais là, ça sera à eux que tu devras quelque chose..." Et il pensait au Russe en disant cela, même s'il n'était pas sûr que celui-ci accepterait de mettre son nez dans cette affaire. Quoique, s'il y avait quelque chose à gagner... Généralement, c'était comme ça que ça fonctionnait. Restait à savoir ce que demanderait le Russe... "Si tu veux, je connais quelqu'un. Mais pour moi, c'est passer de Charybde à Scylla. Les flics restent ta meilleure option... Et j'en connais peut-être un aussi." C'est que de façon quelque peu involontaire, il faisait dans les deux côtés de l'échiquier !

Et alors qu'il parlait, il faisait dans le même temps l'inventaire des coupures, contusions et autres blessures à prendre en charge, et pas dans un milieu médical même si Orel aurait bien eu besoin d'une ou deux radios. Notamment au niveau de ses côtes. Mais puisque celui-ci ne voulait pas entendre parler d'hôpital, il allait leur falloir un trousse à pharmacie bien remplie. "Tu as de quoi te soigner chez toi ? Compresses, antiseptique, baume pour contusions, strips, antidouleurs ? Parce que j'ai ça chez moi, si tu veux..." Parce qu'il n'était évidemment pas question de le laisser partir dans la nature sans surveillance dans son état. Orel était un ami.