Timothée Martin - Foutue loi de Murphy !

Il n'y avait pas toujours eu qu'Illyana dans sa vie. Un temps, il y avait eu sa mère qui avait réellement tenté de le protéger. D'abord lui puis le bébé. Jusqu'au jour où elle ne rentra pas et qu'il se rendit compte que ses affaires avaient été vidées de son armoire. Pourtant, il avait toujours fait ce qu'on lui disait de faire. Ne rien dire de ce qu'il se passait à la maison et cacher les bleus ou dire que c'était en jouant au foot. Il ne sortait jamais en dehors de l'école et il n'avait même pas de ballon de foot ! L'argent partait pour l'alcool, pas pour les "conneries". Alors les "conneries", il les faisait à l'école. Là, il pouvait être le plus fort, le meilleur et ne laisser personne prendre le dessus sur lui. Et puis, il pouvait s'amuser parce qu'à la maison, il fallait s'occuper d'Illyana. Et c'était tellement facile de rejeter toute la hargne qu'il accumulait avec des phrases assassines. Tout ce qu'il ne pouvait pas dire à ce qui lui servait de père, là il le disait. Et le plus drôle, c'est qu'il était apprécié pour ça ! Jusqu'à même ce gamin qu'il avait fait entrer dans le groupe malgré son âge. Mais il était mignon et il lui faisait penser à Illyana avec ce même regard qui lui disait qu'il était tout au monde pour eux. Et ça, c'était... Plutôt cool. D'être aimé. Même si ce n'était qu'une façade et qu'en réalité, il aurait bien voulu pouvoir lui aussi lever un tel regard vers quelqu'un qui aurait été là pour lui...

Enfin, ça c'était avant l'arrivée de cet abruti d'homo qui devait forcément marquer sa différence en le snobant, lui et sa cour. Alors ouais, il n'avait pas supporté. Et encore moins lorsque Paco avait pris sa défense ! Tout lui échappait, et tout ça à cause d'un type qui débarquait de nulle part... Et il avait suffit que celui-ci tortille des fesses pour qu'il perde son aura sur Paco alors qu'il l'avait fait entrer dans leur groupe ! Et puis, il y avait cette foutue loi de Murphy qui lui avait fait perdre Illyana de la plus irrévocable des manières. Il en savait même plus pourquoi, ni comment c'était arrivé. Il y avait juste eu ce couteau et tout ce sang avec Illyana accrochée à son cou. Avant que des policiers ne l'arrachent à lui.

Il lui avait fallu des années pour se rappeler. Les cris d'Illyana et son père ivre au-dessus d'elle sur le lit à lui écarter les jambes et à vouloir lui retirer sa petite culotte. Et ce n'était pas les cris d'Illyana qui avait résonnés dans la cellule cette nuit-là mais les siens. Le Viking avait eu du mal à le calmer ce soir-là et sans doute lui avait-il donné du travail pour lui éviter davantage de problèmes encore. Mais c'était le deal. Ses fesses contre sa protection. Et au vu des nombreux problèmes qu'il avait bien failli avoir -notamment dans les douches- il pouvait affirmer que le Viking avait fait son boulot. Et lui avait appris à apprécier ce regard concerné et inquiet posé sur lui et qu'il attrapait parfois au vol. A la façon dont il y avait eu ceux de Paco. Et pourtant, celui-ci viendrait des années après pour tenter de le voir au parloir, chose qu'il refusa systématiquement à chacune de ses visites. Par honte, par peur de lire du dégoût dans son regard, ou simplement par bêtise. Il n'était plus à une près ! Jusqu'à ce que finalement les demandes de parloir s'espacent et disparaissent complètement... Mais pour le Viking, les choses étaient claires. Une fois sorti, tout ça serait terminé. Sauf qu'il y avait eu le vol de l'argent des inscriptions à la soirée du Beaujolais nouveau et l'accusation. Et même si on retrouva l'argent dans le sac à main de la stagiaire en communication, il avait pris peur. Il ne voulait pas que ça recommence, pas encore. Et il avait finalement appelé.

Et il s'était retrouvé là, à pêcher du poisson sur un bateau de pêche et à le vendre sur le marché à poissons directement sur le port. C'était... à mille lieues de lui se pavanant à l'école en faisant le malin devant une horde d'autres gamins tout aussi paumés que lui. Mais au moins, le Viking avait retrouvé des femmes et ne le touchait plus ! Même si par mesure de précaution, il allait libérer la chambre qu'il lui avait gracieusement prêtée pour se trouver autre chose.