No one's playing no game, let's face it ft Sven

— Son air boudeur m’arrache un soupir amusé mais je le laisse faire. C’est comme une habitude qu’il a prise pour contrer le fait que je porte toujours des vêtements même la nuit, de se glisser dessous. Un doux paradoxe, un frisson qu’il m’arrache avec ses baisers quand il remonte jusqu’à ma poitrine. Il y a tellement de délicatesse à le sentir contre moi que je n’ai même pas honte de mon cœur qui bat à la chamade. Alors que je rate un battement en entendant ses mots, il finit par s’écarter. « Est-ce que je te manque aussi, des fois ? » Une égoïste supplique de vouloir, d’espérer, qu’il souffre autant que moi de la distance ; mais je ne peux pas m’en empêcher.
Et puis, je détourne les yeux – un peu honteux. Il a raison, je ne devrais pas continuer à agir comme ça. Mais même en couple avec des filles, rien ne s’est jamais vraiment bien passé alors je ne sais pas quoi faire ni comment faire. J’ai l’impression d’être un faon à peine né qui tremble encore sur ses jambes à chaque fois que je le vois. « Je… je suis encore en train de m’adapter. » La voix mal assurée, je me sens coupable de continuer à lui infliger ça malgré toutes les avancées, malgré toutes les choses que je me suis décidé à faire et à assumer.
Le ton a beau avoir l’air d’être léger, j’ai quand même la sensation que la conversation est importante. Alors je le laisse parler, jusqu’au bout. Je hoche la tête doucement, rien de ce qu’il me dit n’est surprenant – je m’y attendais. « T’inquiète pas, je sais. » Je lui souris doucement, bien conscient que s’il a présenté Bastien comme son frère et pas comme son meilleur ami, c’est que leur lien est plus puissant que ça. « Je veux juste pas être intrusif ou envahissant, je préfère être sûr que ça va à tout le monde avant de venir, même si c’est pas pour toujours. » Étrangement, je n’ai jamais ressenti de jalousie à son égard. Leur relation est si différente de la notre. Et je me détesterais de les séparer ou de les empêcher d’être ensemble. Je ne compte pas habiter chez eux de manière permanente, j’aime avoir mon endroit à moi. Mais je ne veux pas lui retirer son endroit à lui pour autant.
Le sourire qu’il décroche en finissant son plaidoyer est contagieux, je finis par l’imiter en essayant de camoufler mon nez dans son cou pour qu’il ne me voit pas vaciller. « Le type parfait aurait eu le cœur brisé si t’étais parti. Est-ce que je devrais envoyer une carte de remerciement à Bastien ? » D’humeur un peu plus espiègle qu’il y a quelques instants, je m’imagine m’appliquer à lui écrire quelque chose comme… merci de m’avoir mis un coup de pied au cul pour que j’aille lui parler alors qu’on était tous les deux au fond du trou ou encore merci d’avoir rendu Paco un tout petit peu plus mou pour que je puisse l’avoir à ma portée même s’il a l’air de se faire de drôles d’idées sur ma perfection supposée.
Ricanant à sa solution toute trouvée, je me laisse aller dans ses bras, plus détendu. « Ça va aller alors. » Un problème en moins sur mon chemin, je lève les yeux vers lui comme si c’était la première fois que je le voyais. Je laisse mes doigts tracer les lignes de son visage, l’effleurant à peine. Je m’abandonne dans ma découverte et ma contemplation, le souffle régulier et les yeux à moitié clos. Sans pouvoir lutter contre le terrible magnétisme qui me pousse à approcher mes lèvres des siennes, je réussis quand même à me battre contre moi-même pour ne pas l’embrasser – pas tout de suite. J’ai l’impression que ce serait briser le moment, éteindre la chaleur qu’il provoque dans mon ventre, faire disparaître le silence qui nous berce et nous protège.

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— Passée la surprise qui flotte un peu sur son visage, je peux voir l’ironie se peindre à la place. Je hausse les sourcils, pas certain de savoir comment répondre à une question qui répond à une autre question. On dirait presque qu’il se moque, mais à la seconde où ça m’aurait vraiment fait mal, il s’approche pour que nos nez se frôlent doucement. Je retiens une moue tirée par l’émotion, il y a un nœud qui se forme un peu dans ma gorge. En temps normal, j’aurais peut-être répondu quelque chose de passif agressif, de piquant. Mais l’humeur n’est clairement pas à ça. La voix basse et étranglée, je laisse mes yeux suppliants lui parler avant mes mots. « Pourquoi est-ce que tu restes pas avec moi alors ? » Si je lui manque à chaque fois que je ne suis pas avec lui, il ne devrait pas avoir la force de rester si loin de moi – surtout si longtemps. Je ne comprends pas, encore une fois. On dirait que ça fait des semaines qu’il m’évite ; je n’aurais jamais pu faire la même chose. Est-ce qu’il aime juste la sensation de soulagement quand on se retrouve ou est-ce que c’est autre chose ?
Reconnaissant qu’il essaye de trouver une solution pour que tout le monde soit à l’aise, je secoue quand même la tête de droite à gauche. Non, quitte à habiter dans son immeuble, ce serait bête de ne pas venir chez lui. Je ricane à son sourire, même si l’idée d’un Paco en sous-vêtements dans l’ascenseur pour me rejoindre n’est pas sans éveiller un certain intérêt chez moi. « Non, je préfère dormir dans ta chambre. Enfin, dans la chambre de Taiyo qu’il te prête généreusement. » Haussant un sourcil provocateur, j’ai un petit rictus qui traîne encore sur les lèvres. Sans savoir s’il est sincère ou non pour la carte de remerciement à Bastien, je suis presque sûr qu’au fond, ça ne le dérangerait pas plus que ça. « Peut-être que je le ferais, alors. » Et ça ferait certainement plaisir à son meilleur ami, même si notre dernière conversation est loin d’avoir été agréable.
Il me semble que le temps s’arrête, il ne bouge pas d’un cil quand je caresse délicatement son visage. On dirait qu’il a tout autant peur que moi de briser l’instant ; je n’ose même plus respirer. Si proche, il ferme les yeux et arrache un battement de travers à mon cœur. Tout doucement, je glisse vers son oreille pour lui chuchoter un secret que personne ne saura jamais. « Je sais qui tu es et je t’aime. » Je m’écarte avec les mêmes précautions, déposant un baiser léger sur la ligne de sa mâchoire au passage.

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— Il se passe un instant avant qu’il ne réponde à ma question posée du bout des lèvres comme un doute, l’appréhension flotte facilement. Avec ses yeux fermés et sa main qui caresse mon dos sous mon sweat, je ne sais pas s’il se concentre ou s’il hésite. Et le soupir qu’il lâche en reposant les yeux sur moi n’augure rien de bon. Mon cœur rate un battement et mon visage se voile sûrement d’incompréhension. C’est à des années lumières de ce que j’aurais imaginé, je ne sais même pas quoi dire. D’une petite voix cassée, je prends mon courage à deux mains. « Pourquoi ? Est-ce que je t’ai fait du mal ? » Difficile de ne pas repenser à ce moment où je suis rentré de l’hôpital et où tout est parti en vrille. Est-ce que c’est toujours ça, il m’en veut de lui avoir parlé sur ce ton, d’avoir provoqué ça avec de la jalousie mal placée ? Mais il me semble que c’était il y a si longtemps. Est-ce que c’est toujours le cas, même après ce soir ? J’ai mille pensées à la seconde, et la sensation qu’aucune ne s’approche de la vérité.
Paco avec un chien, ça n’est pas la première chose à laquelle j’aurais pu croire. Mais malgré quelques évidents problèmes d’intimité, ils semblent s’entendre, contre toutes attentes. Je souris, attendri par cette amitié improbable. Je lève un sourcil perplexe à sa proposition. En réalité, ce n’est pas une mauvaise idée ; mais je serais bien trop susceptible de lui offrir par accident un billet pour une exposition d’un artiste qu’il déteste par accident. « Euh… j’y connais vraiment rien en art, il vaut mieux pas. Je me contenterais de la carte. » Je grimace doucement au prénom qui sonne presque comme le mien, conscient que ni lui ni moi ne sommes les premiers fans de Svein.
Quand je m’écarte, je n’ai pas le temps de voir son visage. Ses bras m’enserrent et je m’y blottis volontiers ; sa chaleur naturelle, son odeur enivrante, son toucher plein de force, tout en lui me fait sentir chez moi. A mon tour, je lui rends la pareille et l’entoure. Mes mains retournent s’accrocher à son dos tandis que mon visage se perd contre sa peau. Je ne sais pas si c’est sa réponse ou si c’est sa façon d’esquiver la réponse, mais je m’en contenterais pour le moment. Cette nuit a déjà été éprouvante, pleine de mots et de choses qui auraient du être dites il y a longtemps. Je ne peux pas lui en vouloir de finir sur cette note là alors que la fatigue me rattrape aussi.

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— Le silence est assourdissant. J’aurais du m’en douter, il ne va pas répondre. Je ne suis pas certain de savoir s’il s’abstient parce qu’il ne veut pas me blesser ou si c’est parce qu’il doute lui-même. Soupirant doucement, je me résigne à le laisser gagner ce round là. Il se blottit contre moi, probablement une fuite à sa façon. Quand je pense à la journée qui nous attend demain, je m’en voudrais de tout gâcher avant même que ça commence. Une main caressant ses cheveux, je continue à laisser l’autre se promener contre la peau de son dos. « D’accord, pas maintenant alors. Ça me dérange pas d’attendre que tu veuilles en parler, mais je peux pas savoir si tu me dis rien. » La voix calme en écho à la sienne, le ton à la fois compatissant et suppliant, je commence à redouter ce qu’il aurait à me dire. Ce serait mentir de dire que la culpabilité et l’inquiétude ne vont pas me ronger d’ici là, mais je ne peux de toute façon pas le forcer. Et je ne le veux pas non plus ; quel intérêt ça aurait pour améliorer les choses entre nous ? Tout contre moi, je le sens fermé et m’autorise à laisser tomber pour cette fois. Il y a déjà eu beaucoup de progrès pour une seule nuit, je crois qu’on peut se permettre de dormir ensemble sans se poser de questions.

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