Childhood friend + Orel

Ça faisait un petit moment que je n'avais pas mis les pieds à la salle, je m'étais beaucoup consacré à l'équipe de foot de l'université pour la reprise et j'avais peut-être trop délégué les responsabilités ici. Certains papiers trainaient et les deux coachs commençaient à avoir du mal à se relayer pour les séances individuelles réservées. Il était donc temps que je revienne. C'était un peu tôt pour reprendre le sport après mon altercation la semaine précédente à la sortie du stade, mais je ne supportais pas non plus de ne rien faire de mes journées. Et si j'avais pu reprendre les entraînements à l'université, coacher quelqu'un en salle n'allait pas être un problème. Je n'avais qu'une matinée de programmée avec l'équipe de foot, ce qui me laissais le reste de la journée pour me consacrer à la salle. Il n'y avait pas beaucoup de réservations cet après midi, la plupart des adhérents venaient et se débrouillaient seuls -bien que les coach restaient disponible en cas de questions ou soucis-. Et malgré tout, j'avais deux coaching qui s'enchaînaient à la suite, chose que j'avais tendance à éviter au cas où la séance s'éternise ou qu'on ai un quelconque retard. Ça ne manqua pas. N'ayant pas l'oeil en permanence sur l'heure, la séance avec la jeune femme prit plus de temps que prévu et c'est avec dix minutes de retard que j'arrivais vers l'entrée de la salle où mon prochain rendez-vous devait m'attendre. Reconnaître Paco me coupa dans mon élan et, une fois la surprise passée, un large sourire s'afficha sur mes lèvres. Personne d'autres n'attendait là, la salle était calme à cette heure donc tout me faisait croire qu'il était celui qui avait réservé ce créneau.
« J'étais pas loin de présenter des excuses pour le retard mais finalement, peut-être pas. » Je me permis un petit rire avant de m'approcher pour le saluer en lui donnant une accolade. La douleur à ma cote me rappela d'éviter de lever les bras alors je m'écartais en camouflant au mieux ce désagrément. « Aller, suis-moi avant de distraire toute la salle. » Je l'invitais à me suivre jusqu'à un petit box, une pièce qui n'était pas fermée par une porte pour rester dans la salle tout en étant un peu isolé et sans l'être complètement. C'était déjà pour faire un point ce qu'il attendait. « Tu es là pour me parler ou c'est vraiment pour t'entraîner ? Même si on peu faire les deux évidemment. Tu voudrais bosser sur quoi ? » Après tous ces mois où j'ai tenté de le croiser pour lui parler, il avait peut-être été plus malin en venant ici me trouver, mais il était peut-être bien là pour s'entraîner aussi donc autant commencer par lui demander.

 

Je secoue la tête en l'écoutant me dire qu'il restait le client. Il sait très bien que ce n'est pas du tout la même chose si je l'entraîne lui ou quelqu'un que je ne connais pas, mais ça m'amuse qu'il le prenne comme ça parce que ce n'est pas méchant pour un sous. Mon regard suit celui de Paco lorsqu'il sourit à quelqu'un, il joue de ses charmes sur une jeune femme qui est en train de courir sur le tapis et je me met à penser qu'elle pourrai bien nous faire une jolie chute si elle avait le malheur d'être troublée.
« Evite de lui faire faire une syncope la pauvre. » un petit rire m'échappe et on s'isole dans une autre pièce tous les deux afin d'être plus tranquille. « Et en attendant c'est ton gars que tu dois distraire de tes charmes, pas eux. » L'air un peu taquin, je fais comme si c'était une réprimande alors que pas du tout. On s'avance dans la pièce et je fais glisser le banc de musculation au milieu avant d'attraper une barre vide de poids.
« Le réconfort après l'effort, tu sais bien. » Je pose la barre sur le support et commence à mettre des poids sur chaque cotés. « On va commencer en douceur, je met ces poids sur la barre et on ajoutera au fur et à mesure si tu sens que tu as besoin. » Je bloque le tout avec une sécurité et me tourne vers mon ami. « Tien, assis toi, on va commencer par un développé nuque. 4 séries de 15. Ça travaille pas mal de muscles des épaules : les deltoïdes, les trapèzes, les triceps et les dentelés. » C'est un exercice qui permet de bosser le plus de muscles d'un coup au niveau des épaules, donc à mon sens, ça me paraît bien de commencer par ça. Assis sur le banc, il attrape la barre et je reste derrière pour superviser l'exercice et sécuriser au cas où il y ai un soucis. Je le vois courber le dos et j'appui dessus pour qu'il se redresse avant de décrocher la barre et la lui donner. « Garde le dos droit. » Il prend la barre et la met à hauteur de sa nuque puis il soulève la barre en tendant les bras en l'air, il fait une série de quinze de cette manière et on pose la barre sur son support pour souffler quelques secondes avant de reprendre une autre série. « On augmente le poids ou ça va ? » Pour le moment, je ne parle pas trop d'autre chose que des exercices, c'est surtout le temps de bien se caler pour savoir ce qu'on lance comme séries et avec quel équipement. Mais maintenant qu'on a tout régler, on peu commencer à se parler. Il reprends d'ailleurs la barre pour faire une nouvelle série. « Comment ça va depuis le dîner ? » C'était la dernière fois qu'on s'était vu mais quand on est plusieurs comme ça, on n'a pas trop l'occasion de vraiment parler comme maintenant qu'on est que tous les deux. « Tu sais que ça fait des mois que j'essaie de te voir et que je n'arrive pas à te croiser. » Je ris gentiment. « Bon, j'aurai vraiment voulu, je t'aurai appelé ou j'aurai tenté de te contacter autrement. » Je tente de me défendre tout seul.

 

Je souris lorsqu'on évoque Sven. Ces derniers temps j'ai l'impression d'avoir passé plus de temps avec lui qu'avec Paco, c'est bizarre mais j'ai eu la possibilité d'apprendre à le connaître comme ça. Et il faut dire que je l'apprécie beaucoup et que j'approuve de plus en plus leur histoire. A mon sens, ils se sont très bien trouvés, c'est le couple parfaitement imparfait qui fonctionne à sa manière mais qui fonctionne bien.
On entre ensuite dans une pièce à part, principalement dédiée aux exercices personnalisés avec les coach, donc typiquement ce qui devait avoir lieu. Mais je sais aussi qu'on va avoir l'occasion de se parler et que ça fait bien longtemps que ça n'est pas arrivé. On ajuste les équipements, les poids et tout ce qui est nécessaire au bon fonctionnement des exercices. Paco se débrouille très bien alors j'en profite pour lancer la conversation en douceur. Il sous-entend qu'il n'a pas trop pu voyager à cause de ses soucis avec la justice et que c'est pour ça qu'il a beaucoup bougé, donc que je n'ai pas réussi à le croiser. « Tu t'es occupé au moins, c'est quand même une bonne chose. » mon sourire s'élargie avant de doucement disparaître à ce que je m'apprête à lui dire. Je tourne mes phrases dans ma tête sans vraiment savoir comment en parler, alors je me lance juste. « J'avais quelque chose d'assez important à te dire, que je préférais te raconter en face. » Il suit son exercice de façon assidu et ça me fait presque rire de le voir concentré comme ça alors qu'il n'a jamais vraiment été celui qui suivait les règles lorsqu'on traînait ensemble avant. « Ma famille est venue me rendre visite en début d'année... et tu imagines que ça ne s'est pas très bien passé. » Je le vois réagir à ces paroles, j'ai du capter son attention. « J'ai dit à mon père que j'étais amoureux d'un homme. » mon sourire a complètement disparu. « A en croire mes cotes fêlées, je crois qu'il l'a mal prit. » mes épaules se haussent et j'ai tout de même un peu peur que Paco m'en veuille de ne pas lui avoir raconté cette histoire plus tôt. Il s'est passé quelques mois depuis, j'aurai pu l'appeler.

 

Il continu sa série tranquillement, le poids n'est surement pas à son max pour ses capacités mais il commence en douceur et j'apprécie ce bon sens de sa part. Il ne veux pas se blesser ou se surestimer, c'est une bonne chose. D'ailleurs, au bout de quelques séries, il me demande de rajouter du poids, chose que j'accepte. Il vient de reposer la barre sur son support et s'asseoit sur le banc en attendant que je m'exécute. J'enlève donc la sécurité pour rajouter un peu de poids de chaque cotés et lorsque le stop disque est repositionné, je m'éloigne pour le laisser reprendre une nouvelle série. En même temps j'explique ce qu'il m'est arrivé avec mon géniteur en début d'année et sa réaction ne se fait pas attendre. D'abord étonné, je me dis qu'il va se ressaisir mais la barre ne bouge pas de sa poitrine et un petit coup de stress me prend d'un coup. Je file l'aider à relever la barre avant qu'il ne s'étouffe, me rendant alors compte de mes paroles. Mes joues s'enflamment immédiatement, je viens de dire que je suis amoureux, ce n'était pas vraiment les termes que j'aurai du employé mais c'est ce qui est sorti. Maladroitement, je tente de me rectifier. « J'ai dû exagérer pour qu'il comprenne bien la situation. Juste lui dire que j'ai été avec un homme un temps n'aurai pas suffit, là au moins j'ai frappé fort. » On pose la barre sur son support et il en profite pour faire une pause en s'hydratant, c'est un très bon réflexe. Un petit rire m'échappe en écoutant Paco imaginer la tête de mon père à cette annonce. « Franchement, avec du recul, c'était vraiment réjouissant de le voir aussi furieux et désemparé. » Même si je n'avais pas eu le temps de profiter de cette satisfaction bien longtemps. Mais ça avait débloqué quelque chose en moi, un peu comme si on m'avait retiré des chaînes. Alors, évidemment, je ne cris pas non plus ma sexualité sur tous les toits, mais j'ai moins de mal à l'accepter. Mon sourire fini par disparaître lorsque Paco évoque ma mère. Je baisse le regard, silencieux dans un premier temps. « Elle doit certainement être encore dans l'ignorance. Je n'ai eu cette discussion qu'avec mon père et... ce n'est pas le genre de choses qu'il va raconter. » mon regard se repose sur mon ami d'enfance. « Mais elle n'est pas bête, elle doit bien se douter que quelque chose s'est passé. Ils sont partis dans la foulée, sans explications. » Ma mâchoire se crispe. « J'aurai dû en parler devant tout le monde, j'aurai dû me défendre et en profiter pour défendre ma famille. Rappeler à ma mère et ma soeur qu'elles ont aussi le droit d'exister, d'avoir leurs propres idées et avis sans que ce monstre s'en mêle. » la culpabilité me prend tout à coup. « J'ai mal agit... Ça a surement fait qu'empirer les choses pour elles. Merde... » Voilà une raison pour laquelle j'aurai aussi dû parler à Paco bien plus tôt, sa vision des choses me fait réaliser l'opportunité que j'ai laissé filé. J'aurai peut-être pu libérer toute ma famille de cette toxicité et au lieu de ça, j'ai juste été égoïste.

 

Mon subconscient a du parler à ma place, mais la gêne me fait vite revenir sur mes paroles. Ça ne convint pas Paco qui me connait depuis bien trop longtemps pour se douter que je minimise la situation et il me rappelle à qui je suis en train de parler. C'est mon ami d'enfance, je ne peux rien lui cacher, mais je ne veux pas non plus admettre que ce soit vrai. « Je sais, mais ça ne change rien. » Dire que je suis amoureux est peut-être exagéré. Je ne l'ai pas oublié, c'est sûr, mais je ne veux pas trop m'avancer, prendre les choses en douceur et éviter de m'emballer inutilement. Même lorsqu'on était ensemble, il m'ai arrivé qu'une seule fois de lui avouer mon amour et c'était dans la précipitation. Alors c'est un besoin que de minimiser les choses, peut-être même un moyen de me protéger aussi.
Mon sourire disparaît rapidement lorsque Paco me fait réaliser l'opportunité que j'ai loupé. Il remarque ma culpabilité et s'approche de moi pour coller son front au mien, comme avant, comme à chaque fois qu'on voulait se montrer notre soutien et notre compassion. J'apprécie le geste et ferme les paupières un instant avant d'observer vers le bas de manière pensive. Après les hauts et les bas que notre amitié a subit, c'est ressourçant de savoir qu'il est encore là pour moi et je culpabilise un peu de ne pas avoir été plus présent pour lui pendant sa descente en enfer l'année précédente.
« Je pense que c'est quelque chose que je dois faire seul. » Mon regard se lève doucement vers le sien et je m'écarte lentement de lui, un petit sourire désolé. « Mais tu m'as quand même été d'une grande aide, je sais ce qui me reste à faire maintenant. » Je pose ma main sur son épaule comme pour le remercier. « Quant à toi... » mon regard glisse vers la barre. « ...tu es là pour t'entraîner, pas pour m'écouter pleurnicher. » J'essaie de remettre le masque sur mon visage, de reprendre une attitude normale et souriante. « N'essaie pas de me distraire pour éviter les efforts. » un petit rire m'échappe, même si je sais qu'en agissant comme ça, je tente d'éviter les sujets difficiles. « Aller, on arrête avec le banc, tu peux aller sur les poulies » Je m'éloigne pour lui préparer les poids sur chaque poignées.