{ INTRIGUE } QUELQUES JOURS DE CHOUCHOUTAGE

Intrigue

QUELQUES JOURS DE CHOUCHOUTAGE

Au départ, la proposition de Svein avait été tentante. L’accompagner jusqu’à Oslo, où il était appelé pour des répétitions pendant quelques jours, visiter la ville et en profiter pour souffler. Pourtant, je n’étais pas à l’aise à l’idée d’être à l’autre bout du pays, et donc indisponible pour Paco en cas d’urgence. Je l’ai rarement vu dans de tels états de vulnérabilité, et même s’il veut me faire croire qu’il va bien, que prendre ses distances lui est bénéfique, je ne peux m’empêcher de rester inquiet. Je suis donc resté à Bergen, et la proposition de la maire est tombée à pic. Svein n’a pas été contrariant et m’a assuré qu’il comprenait, mais je sais que ça le dérangeait et qu’il aurait aussi aimé m’avoir à ses côtés. Alors, j’essaie de me rattraper par message ou avec mes appels, en espérant que ce soit suffisant pour nous éviter de nouvelles tensions à son retour.

Arrivé à l’hôtel depuis quelques heures, je ne me suis pas fait prier pour faire un tour par leur piscine et leur SPA. D’ailleurs, en sortant d’un massage, je me sens parfaitement détendu, et c’est soigneusement enveloppé dans un peignoir doux que je me retrouve à déambuler dans les couloirs. Un peu gêné au début, mais cette sensation passe vite quand je croise plusieurs autres personnes dans le même accoutrement et qui surtout, font la même chose que moi : se dirigent vers le bar pour boire ou manger quelque chose. Mes yeux sont attirés par l’immense tableau mural qui recense tous les plats et les boissons bien sûr, mais je regarde aussi autour de moi, pour remarquer les verres colorés et tenter de déterminer ce qui me plairait ou non.

C’est ainsi que mon attention se retrouve vite attirée vers des mains puis une silhouette qui me paraissent familières, et je réalise qu’@Orel A. Cooper  n’est qu’à quelques mètres de moi. « – Hey ! » Je lance d’abord avec un sourire. C’est étonnant de le voir ici, mais c’est loin d’être désagréable. En revanche, une fois passée la surprise, ma conscience me sort un drapeau rouge et insiste sur le verre qui se trouve dans sa main. Bon, il y a bien des cocktails sans alcool, et ce serait étrange de lui faire des reproches dès les premières secondes de ces retrouvailles, mais je ne suis pas certain de pouvoir contrôler mon regard perplexe. Pourtant, j’essaie de garder un peu de légèreté, histoire de ne pas laisser l’inquiétude tout gâcher. « – Toi aussi, la montagne ça ne te disait rien ? »

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Je me sens un peu bête d’être venu l’accoster dans cette tenue, et quand je remarque son regard, je lui adresse un petit sourire gêné. Me faire chouchouter m’a ouvert l’appétit, et je n’ai pas réfléchi à deux fois en remarquant que plusieurs personnes étaient aussi dans mon cas. Je suis quand même content de voir Orel, et je pouffe un peu à son commentaire. « – Désolé pour ça… Mais oui carrément, je ne suis pas fait pour être sous une tente », j’avoue avec une grimace. L’humidité, la promiscuité, les insectes, les bruits étranges la nuit… Non merci. Le goût de l’aventure me viendra peut-être plus tard, mais je suis très bien dans ce peignoir et avec une chambre tout confort.

« – Oh euh non, je suis tout seul. Svein a dû se rendre à Oslo pour quelques jours. » J’aurais pu me stopper à ma première phrase, mais je ne sais pas pourquoi j’ai ressenti le besoin de lui expliquer rapidement la raison. Sans doute pour essayer de chasser rapidement les nuages noirs qui menaçaient de planer au-dessus de nos têtes. Toutefois, même si le premier problème pourrait rapidement être éloigné, il en reste un autre de taille : le verre qu’il tient dans sa main, et j’ignore si je me fais des idées ou si j’ai réellement interrompu quelque chose. Me tournant à nouveau vers le tableau des boissons, je fais la moue parce que je sais que je n’arriverai pas à me décider. « – Je pourrais carrément passer le week-end à trster tous leurs cocktails… T’as pris quoi, toi ? » C’est aussi une manière comme une autre de vérifier si je me fais du souci pour rien, ou non.

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Je doute qu’Orel s’en fasse réellement pour les éventuels problèmes qu’aurait Svein, mais j’apprécie son effort et l’absence de commentaire négatif sur lui. Même si j’imagine bien qu’il n’en pense pas moins. « – Non, c’est simplement pour le travail, tout devrait bien se passer », je me contente d’ajouter avec un léger sourire. S’il se blesse, je pense que j’irai malgré tout pour le soutenir évidemment, et l’aider à rentrer à Bergen, mais tout semble se passer pour le mieux pour le moment. Je pousse un soupir amusé à sa question sur les questions, et même si je ne vais clairement pas me prêter à cette envie de tout goûter, je joue le jeu en haussant les épaules.

« – Si ça ne va pas, j’ai toujours l’ascenseur pour rentrer facilement dans ma chambre, et puis on est juste à côté de l’appartement… Ça se tente », je glisse avec un sourire amusé, assez bas pour ne pas affoler les serveurs. Le petit instant de légèreté semble s’envoler un peu quand je lui demande ce qu’il a dans son verre, mais il ne se braque pas, et en boit même une petite gorgée avant de me répondre. « – Oh… Et hum, est-ce que c’est ok, si tu le bois ? » J’essaye bien d’être aussi prudent et prévenant que possible, mais c’est bien difficile de ne pas mettre les pieds dans le plat. Mon regard s’est teinté d’une lueur inquiète cette fois, et je sursaute un peu lorsqu’une voix m’arrache de ma contemplation pour me demander ce que je veux. « – Euh, je prendrai un mojito, s’il vous plaît.   »

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Je n’ai jamais été un grand fêtard, mais comme la plupart des gens, il m’est déjà arrivé de boire un verre de trop – une chance que j’ai l’alcool plutôt joyeux, et d’ailleurs, le scénario d’Orel est bien probable, même si je n’ai jamais atteint un tel stade. Lors de notre première rencontre d’ailleurs, c’est bien l’alcool qui m’a poussé à être bien plus téméraire que je ne le suis en étant sobre, mais je me contente de rire un peu, sans remettre ça sur le tapis. « – C’est gentil. Pense à prendre de quoi manger pour m’occuper aussi, sinon je vais fatiguer tout le monde en répétant les mêmes blagues nazes… » En général, Paco ne me laisse jamais oublier ce genre de moment quand il est aussi présent, mais si ça doit m’arriver pendant ce week-end, j’ose espérer qu’Orel reste de mon côté.

De toute façon, je ne compte pas boire plus que de raison, et la présence d’Orel y est pour quelque chose. Pas que j’aie envie de le surveiller véritablement, mais je n’ai pas non plus envie d’enchaîner les verres sous son nez. Tant que ça ne reste qu’au stade de plaisanteries, je crois que ça va. Et d’ailleurs, ma théorie se confirme quand il se braque quelques secondes plus tard, lorsque j’ai pris un ton sérieux malgré moi. Ma nervosité m’a d’ailleurs poussé à commander de l’alcool à mon tour, ce qui est loin d’être malin.

« – Non bien sûr, je sais que tu ne feras pas ça », je réponds d’abord maladroitement, espérant que ça suffise à étouffer le feu qui menaçait de se déclarer. Mais à voir son expression, j’ai bien l’impression d’avoir mis les pieds dans le plat comme un imbécile. Je note pourtant sa tentative de faire de l’humour, comme lors de notre dernière rencontre. Pourtant, ni son regard ni ses lèvres ne suivent le mouvement, Je me contente alors de pouffer un peu, et j’attrape mon verre sans oser le regarder avant de pincer mes lèvres. « – Écoute, je ne voulais pas… C’était bête et maladroit. Ce n’était pas un jugement, juste de l’inquiétude. J’aurais probablement dit la même chose à Paco. » Ou à Abby d’ailleurs, mais inutile que je le rajoute.