La réouverture du Blood Night

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La réouverture du Blood Night

C’est le grand soir, la réouverture du Blood Night. J’ai bien sûr envoyé plusieurs messages à Paco pour avoir son accord sur ce qui composerait la soirée. D’accord, j’ai accepté d’être son associé, mais son avis compte énormément. Le Blood Night reste avant tout son bébé, même si après les ragots de l’Œil de Lynx et ses soucis avec la justice, il s’en est un peu éloigné pour aller mieux. Puisqu’on aime tous les deux l’art, je lui ai proposé une soirée body painting – les gens qui ont cru un peu trop vite aux rumeurs ont aussi besoin d’une bonne raison pour remettre les pieds dans la boîte. Il y a aussi le risque que l’Œil de Lynx soit là pour venir admirer son œuvre et tenter de dénicher d’autres secrets, mais si on s’arrête de vivre à cause de cette personne, elle aura forcément gagné, et il n’en est pas question. C’est ridicule, j’ai l’impression d’être dans un remix bizarre de Gossip Girl.

J’ai passé une bonne partie de la journée avec les équipes du BN, à préparer la salle et m’assurer qu’on ne manquerait de rien pour ce soir. Évidemment, les heures défilent à une vitesse folle et je dois aller me préparer en catastrophe pour être prêt au moment où les premiers fêtards arriveront. Dire que je suis stressé est un euphémisme, mais j’essaie de faire comme si je ne l’étais pas, en vain, évidemment. À vrai dire, il n’y a pas que la soirée en elle-même qui m’angoisse un peu, mais aussi les éventuels dramas qui pourraient s’y produire. Certes, le Blood Night est suffisamment grand pour que deux personnes puissent passer du bon temps sans se croiser si elles ne le souhaitent pas, mais je redoute une confrontation Svein/Orel, évidemment.

Rien à déplorer depuis que mon petit ami est de retour à Bergen pour quelques jours, mais la fin de soirée passée avec Orel comporte plusieurs zones de flou, et j’ose pas me replonger dedans pour essayer de savoir ce qui s’est passé ou non. Me faire des idées dans mon coin, ce n’est certainement pas intelligent, mais m’occuper de la réouverture du Blood Night m’a au moins permis de me concentrer sur quelque chose. D’ailleurs, je me sens rassuré quand les premiers venus passent la porte quelques minutes après l’ouverture.

Après quelques formalités, je vais aussi prendre place près des artistes qui ont accepté de participer à cette soirée. Je compte bien m’y mettre un peu ici, histoire d’essayer de me faire connaître au passage. La première cliente qui s’approche de moi me demande de peindre un ciel bleu et quelques nuages sur son visage – j’ai presque envie de répondre tout de suite que ça s’apparente plus à du maquillage qu’à de la simple peinture, mais je me retiens, pensant que cette soirée est avant tout pour préserver la réputation du Blood Night. Alors, je prépare ma peinture, mes pinceaux et je commence, tâchant malgré tout de créer quelque chose de joli.  

— Sans trop que je m’en rende compte, aller au Blood Night était presque devenu une habitude. Et sa fermeture a créé comme un petit vide dans mes vendredis et samedis soirs – même quand Paco et moi étions encore en très mauvais termes. Alors c’est presque un événement d’y retourner, même si j’y vais avec plaisir. Le thème de la soirée m’a un peu surpris ; je n’ai pas osé demander qui avait eu cette idée. Il faut dire que la dernière fois que j’ai participé à du body painting, ça s’est terminé… bizarrement ? Je n’ai pas d’autres mots en tête pour décrire cette soirée. Alors je déambule dans la foule, à la fois rassuré de ne reconnaître personne et inquiet de passer la soirée seul. Personne n’est au courant pour Paco et moi, ce qu’on fait en ce moment, et n’importe qui pourrait trouver ça étrange voire louche de me voir ici. Je me vois mal expliquer tout ça sans rougir de la tête aux pieds, bégayer et m’enfoncer encore plus.
Mes yeux balayent la foule pour tenter d’apercevoir son visage, mais je ne tombe pour l’instant que sur Bastien affairé à être un des artistes de la soirée. Pour l’instant, il ne peint que sur le visage d’une femme et je me demande si ça ne risque pas d’être un peu gênant si tout le monde se met à poil. Perdu dans mes pensées, je bute brusquement contre quelqu’un d’un peu plus petit que moi. « A… ouch. Pardon. » La main sur mon épaule, je fronce le nez même si je n’ai pas vraiment mal. Et en relevant les yeux, je tombe sur nul autre qu’Orel. Bon, c’est raté pour la discrétion. « Oh, euh… Salut. Tu vas bien ? » Un peu assommé par la surprise, je dois avoir l’air d’être tombé de mon lit. C’est normal qu’il soit là, après tout, c’est un ami de Paco et… de Bastien ? Je crois. Ça a l’air compliqué.

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Je ne dis jamais non pour faire la fête, alors l’ouverture annoncée du Blood Night tombe vraiment à pic. Ça m’a surprisse, même si au fond, je me doutais bien que Paco n’était pas du genre à abandonner si facilement. Certes, on ne s’est pas croisés depuis un moment, mais je me souviens assez bien de parties de bras de fer avec les autres ou de discussions pour savoir qu’il est tenace. Cependant, nous ne sommes pas en été, alors une fois que je me suis vêtue d’une robe plutôt chaude et d’une longue veste qui l’est tout autant, je monte dans ma voiture, direction la boîte de nuit.

Y entrer ma donne une sensation de déjà-vu, et des souvenirs que j’aurais préféré oublier menacent de remonter à tout moment, mais je me force à repousser tout ça dans un coin de ma tête. La boîte commence à se remplir, et je vois que c’est bon signe si j’en crois toutes les tâches de couleurs qui se dessinent déjà parmi la foule. On verra si je me prête au jeu un peu plus tard moi aussi. Un coup d’œil au bar m’indique qu’il y a un peu trop de monde à mon, goût, alors je préfère passer directement par la piste de danse pour le moment, histoire de jauger l’ambiance de ce début de soirée.

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Il y a un côté réconfortant à voir la salle se remplir peu à peu, et même si je me concentre plutôt sur le visage de la jeune fille face à moi, on peut clairement sentir que l’ambiance commence à se faire ressentir, et je ne peux m’empêcher de ressentir un peu de fierté. Je n’ai pas encore croisé Paco, mais j’espère que ça lui plaira autant qu’à moi et à l’équipe ; je sais bien que je n’avais pas besoin de lui prouver quoi que ce soit après les mensonges de l’Œil de Lynx, mais ça n’en reste pas moins réconfortant. Lorsqu’une première cliente s’assoit devant moi, je commence alors à me mettre au travail, mélangeant des couleurs pendant quelques secondes avant de m’appliquer dans les formes dessinées.

Distrait pendant quelques secondes, je sens un regard sur moi alors je relève les yeux vers la foule, et mon regard tombe bien vite dans celui d’Orel. Automatiquement, je réponds à son sourire. On ne s’est plus vus depuis le séjour à l’hôtel, et c’est étrange de se dire que notre relation a pris un nouveau tournant. Je me sens quand même un peu bizarre, parce que la fin de notre soirée est floue – et la réalité me revient bien vite en pleine tête, quand je me rappelle que Svein est aussi présent parmi la foule.

La voix familière de Paco me tire de toute cette avalanche d’émotions, et je relève les yeux vers lui avec un petit rire. « - Je devrais probablement filer pour m’assurer que lui et Orel ne se croisent pas, en effet. » Une petite boutade mais qui cache une grande vérité. Paco est aussi loin de se douter de ce rapprochement avec Orel, et garder cet événement secret le rend encore plus suspect – pourtant, concrètement, il ne s’est rien passé. Enfin, je crois. Je me redresse alors quand il se propose de prendre la relève, sachant pertinemment qu’il saura très bien se débrouiller avec la peinture. « - J’avais un peu peur que le concept ne plaise pas parce qu’on est en hiver, mais on dirait bien que ça fonctionne ! »

— Face à face avec Orel qui rattrape son verre dans un fantastique et impressionnant numéro d’équilibriste, je finis par me sortir de ma torpeur passagère pour lui rendre son sourire. « Ça va aussi, merci. » Quoiqu’un peu plus timide ou gêné que lui qui a l’air d’avoir déjà quelques verres dans le nez, je suis quand même content de voir un visage familier ici. Mais brusquement, je me fige et le début de bonne humeur sur mon visage s’efface. Sa question me gèle sur place, je ne peux rien faire d’autre qu’avoir terriblement conscience que mes joues sont en train de s’enflammer et espérer que la luminosité ambiante cache bien tout ça. Presque comme un réflexe, je me mets à déblatérer tout ce qui me passe par la tête, soudain sur la défensive. « Euh… quoi ? Non, non pas du tout, pourquoi est-ce que tu me demandes ça ? Je le surveille pas, je suis là parce que… Est-ce que tu l’as vu, il t’a dit quelque chose ? » Un léger vent de panique souffle dans ma tête. Est-ce que ce serait possible que Paco lui ait parlé de… nous ? Et puis, pourquoi est-ce que ça m’inquiète à ce point, de toute façon ? Je prends une inspiration profonde, pour me calmer et reprendre une contenance. « … C’était une blague et je suis un idiot, c’est ça ? » Les lèvres pincées, je fais un peu la moue en réalisant que ma réaction était au mieux bête et au pire, que je me suis juste vendu tout seul. Souriant doucement à nouveau, les bras ballants, je n’ai pas d’excuse. « Désolé, je suis juste… stressé. » Je ne devrais pas l’être et pourtant, me voilà bien.

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Je lâche un petit rire amusé au commentaire de Paco sur l’éventuel combat de coq entre Svein et Orel, mais je secoue la tête avec un sourire au coin des lèvres. « - Non, c’est pas bien. » Mieux vaut en rire qu’en pleurer, de toute façon. Je suis surpris par l’arrivée de Shun-Tao et sa familiarité avec moi aussi, mais ça me fait sourire, porté par la bonne humeur de la soirée. Et puis, je dois dire que son compliment me fait plaisir. Je sais aussi que ça a l’air d’être quelqu’un de bien dans l’entourage de Paco, j’espère seulement qu’il ne lui causera pas de tort. Mais je peux bien mettre ma réserve de côté pour une soirée. « - Merci ! Et tu tombes à pic, Paco se proposait justement de prendre le relais. » Avec un petit geste de la main, je les salue tous les deux même si je ne doute pas de les croiser plus tard, après tout, la fête ne fait que commencer.

Une fois descendu de la petite estrade, je scanne la foule pendant plusieurs secondes, et je m’avance pour essayer de repérer mon petit ami. L’avantage, c’est qu’il est assez grand et donc plutôt facile à retrouver. Je m’avance alors, et puisqu’on s’est déjà croisés avant l’ouverture, je me permets de l’enlacer par derrière sans prendre le risque de me prendre une tarte s’il pense qu’un inconnu devient un peu trop familier. Je suis tout sourire, mais il disparaît peu à peu quand je vois que ses traits à lui sont plus tendus. « - Qu’est-ce qu’il y a ? » « - Bah je sais pas, ton ex qui te fait coucou, un mec sorti de je ne sais où qui est tactile avec toi… Je vois qu'il se passe des trucs quand j'suis à Oslo. » Il y a un moment de flottement, le temps d’assimiler qu’il me fait une crise de jalousie là maintenant, pile le soir où je voudrais que tout se passe bien pour une fois.

« - Ce sont mes amis », je réponds aussi calmement que je peux, ne comptant pas non plus me donner en spectacle. Sans compter que l’Œil de Lynx et ses sbires sont sans doute dans les parages, et on peut bien s’en passer. Il y a aussi la culpabilité de ma soirée qui remonte, mais ce n’est évidemment absolument pas le moment d’en parler. « - J’aime pas quand t’es comme ça. Et en fait, j’ai encore du travail », je rajoute précipitamment avant de fendre la foule vers l’entrée, un peu lâchement c’est vrai, mais au moins me concentrer sur ce qui se passe autour de moi m’évite de réfléchir à l’épée de Damoclès au-dessus de ma tête.

— Un sourire contrit plus tard, je lâche un petit soupir. Difficile de ne pas être constamment sur mes gardes, d’autant plus avec l’entourage de Paco, mais il ne méritait ni ma méfiance, ni ma panique. Détournant le regard à sa question, je suppose qu’il ne lui a rien dit et je ne saurais dire si ça m’arrange ou non. « Euh, juste… d’être là… des choses et d’autres. Ce serait plus simple et moins long de me demander ce qui m’inquiète pas, pour être honnête. » Je ris un peu, nerveusement. Même sans avoir jamais été quelqu’un de très angoissé qui cède facilement à la panique, à chaque fois qu’il est question de Paco, je perds mes moyens. Et je ne peux même pas dire en face à Orel ce qui me tracasse à ce point sans risquer de le trahir par la même occasion.
Trop heureux de saisir l’occasion qu’il m’offre de m’échapper de cet instant embarrassant, je hoche doucement la tête et me tourne à mon tour vers le serveur. « Bonsoir, excusez-moi. Un blue lagoon, s’il vous plaît. » Rien de tel qu’un alcool fort pour se débarrasser de toutes ses peurs, n’est-ce pas ? Une fois le verre au contenu bleu translucide entre mes mains, je remercie l’employé avant de reposer des yeux amusés sur Orel. « Finalement, tu vas pouvoir être témoin de mes cuites à la première gorgée plus vite que prévu ! » Levant mon verre comme pour trinquer à sa santé, j’accueille avec un plaisir non dissimulé la gorgée qui me brûle la gorge. « Alors, euh… t’es venu tout seul ? » Un peu caché derrière mon gobelet, j’essaye d’engager la conversation du mieux que je peux pour me débarrasser de cette gêne qui me colle à la peau.

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— Que ce soit grâce à la première gorgée d’alcool ou à sa présence rassurante à mes côtés, je lâche un petit rire sincère. C’est toujours une expérience d’être avec moi quand j’ai bu, Paco peut en être témoin. « A peu près toutes ! » Et puis, j’ai tendance à picoler dès que je suis en soirée, aussi – je me sais bien plus sympa avec quelques verres dans le nez. Et quand il fait référence au thème de la soirée, un petit rictus se dessine sur mes lèvres. « J’ai même pas eu à boire pour me faire tatouer, alors peindre… C’est du tout cuit. » Bon, il faut aussi dire que j’avais une autre motivation pour contrer mon éternelle prudence. Et il va me falloir une autre gorgée avant de rejoindre les artistes de ce soir – je soupçonne d’ailleurs que Paco en fasse partie, même si je ne l’ai pas encore vu.
Un peu interdit une seconde, je cligne des yeux doucement. « Vraiment ? Il a vraiment l’air d’aller mieux ? » Un souffle d’inquiétude sur le bord des lèvres, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il va peut-être mieux depuis que lui et moi, on se revoit. Sans mettre de mots sur notre situation actuelle qui est déjà bien compliquée, ça me réchauffe la poitrine de savoir que ça n’a pas eu un impact négatif sur lui. Perdu dans mes pensées, je ne remarque pas tout de suite le changement dans l’humeur d’Orel. Et je suis presque surpris quand il parle à voix haute. « Ah bon ? Quoi ? » Je tourne la tête pour suivre son regard, un peu tardif à comprendre. « Oh. » Bastien, contrarié ? C’est rare, ça.
Je suis Orel dans la foule presque automatiquement, et réussis même à voir le petit ami du meilleur ami de Paco s’éloigner en même temps. Ma relation avec lui n’a jamais été au beau fixe et maintenant, on dirait que sa relation avec Bastien est dans le même état. « Salut. » Presque innocent, libéré de tout tact, maturité ou subtilité par mon verre d’alcool, je désigne l’ombre du grand brun au loin d’un vague geste du menton ? « Est-ce que c’était… Svein ? Vous avez rompu ? » Sans animosité ni réalisation de ce que je viens de dire, je l’observe avec des grands yeux comme si tout était normal – de ma question extrêmement déplacée à ma présence ici en passant par le verre bleu entre mes mains.

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T’es bien tactile avec tout un tas de monde quand tu danses, et pourtant je ne dis rien parce que je sais que c’est ton métier. La réplique me vient pendant que me fraie un chemin jusqu’à l’entrée, où je ne sais pas trop ce que je vais faire. Peut-être en profiter pour bien vérifier que des mineurs ne tentent pas de ruser pour entrer. Quoi que ce soit qui puisse me permettre de me concentrer sur autre chose que sur les dernières secondes. Je me suis engouffré vers la première brèche que j’ai vu parce qu’il est hors de question de me donner en spectacle ou encore de donner du grain à moudre pour l’Œil de Lynx. Mais tandis que je m’apprête à sortir de la foule, j’entends mon prénom alors je me retourne pour me retrouver bientôt face à Orel, puis Sven.

Un peu surpris de les voir tous les deux ensemble, je marque une pause de quelques secondes, et puis je me dis que le fait qu’ils puissent veiller l’un sur l’autre est sans doute une bonne chose. « - Hey ! » Je leur offre un sourire, en espérant qu’il ne ressemble pas à une grimace étrange à cause de mon état d’esprit. Mais apparemment, la scène a retenu leur attention et je reste surpris par la question de Sven, qui m’arrache un rire nerveux. « - Oh euh non, c’était juste… un début de crise de jalousie, rien que je ne puisse pas gérer. » J’essaie de faire passer ça sur le ton de l’humour, mais je sais que les choses risquent pourtant de s’envenimer en haut, ou encore si Svein les repère et décide de rejeter sa frustration sur eux. Et je n’ai pas envie de provoquer encore une dispute. « - Mais ne vous en faites pas pour moi et amusez-vous ! Profitez de la soirée. »

— Un rictus au coin des lèvres, je reprends une gorgée de mon verre d’alcool comme si je n’étais pas déjà bourré. « Ouaip. » C’est déjà surprenant pour la plupart des gens de constater que mes oreilles sont percées, mais quand ils apprennent que je suis aussi tatoué c’est un sacré choc. Alors imaginer ce que je peux faire quand j’ai un verre dans le nez… Je ricane doucement. « C’est promis ! Mais seulement si tu t’y colles aussi. » Pas de pitié, il aura le droit à son quart d’heure de gloire aussi. L’air soudain vague et le regard vide, je laisse mon regard flotter sur la foule en hochant la tête doucement. Paco va mieux, ou du moins, on dirait. Quelque chose en moi s’en retrouve profondément soulagé.
Une fois près d’un Bastien un peu surpris de nous voir, je laisse l’alcool parler sans filtre pour moi. Face à ce rire nerveux, je cligne des yeux plusieurs fois sans comprendre. Orel a l’air étonné à côté de moi et le meilleur ami de Paco s’empresse de rectifier sans que ce soit particulièrement convaincant. Mais je ne suis pas vraiment du genre à chercher plus loin que ça, alors je hausse les épaules après la démonstration d’agressivité d’Orel. « Il a raison, tu sais. » Une moue sur les lèvres, je dodeline de la tête. « On va s’amuser et profiter, mais tu devrais aussi ! T’auras qu’à… gérer plus tard. » Et brusquement mon visage s’illumine et je me mets à glousser. « Hey, est-ce que tu veux me peindre ?! J’ai fait un pari, il faut que je le tienne. » Absolument pas conscient que cette proposition risque d’envenimer la situation entre Svein et lui, je passe d’Orel à Bastien dans l’attente d’une autre idée de génie.

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Évidemment que je suis touché par leur intervention, et Orel marque un point, même si j’imagine qu’il n’est pas difficile pour lui de critiquer l’attitude de Svein. Dire que je ne suis pas déçu et un peu énervé aussi serait mentir, mais hors de question de remonter en haut, même si une petite voix me souffle que c’est ce que voudrait mon petit ami. Comme une manière pour lui de s’épargner cette soirée, entouré de personnes qui ne l’apprécient pas forcément, et l’occasion de me faire encore de nouveaux reproches. Certes, je ne suis pas blanc comme neige, mais il ne me semble pas avoir mérité une telle scène ce soir.

« - Je crois que le mieux pour l’instant c’est de le laisser ruminer dans son coin », je confie avec un petit soupir, et quand j’ose relever les yeux vers Svein, j’ai bien l’impression que ses yeux sont prêts à lancer des missiles dans le dos de Sven et Orel. Le contraire ne m’aurait pas étonné, mais je commence à être vraiment dérangé par son envie de m’isoler des autres. Au début, je pensais que c’était simplement une manière de se protéger. Là, ça commence à tomber dans de l’abus. La proposition de Sven m’arrache un petit rire, parce que je me doute que l’alcool y est pour beaucoup, mais je secoue la tête avec un petit sourire.

« - Je doute que ce soit une bonne idée… » J’ai cherché la fuite pour éviter de faire une scène, mais c’est vrai que rester seul dans mon coin n’arrangera rien. Et je n’ai pas envie de les vexer ou de les pousser à gâcher leur propre soirée en se questionnant ou en allant directement le confronter. Alors, une idée me vient en tête. Si j’y participe tandis qu’une bonne partie du public peut avoir ses yeux sur nous, ça m’étonnerait qu’il s’impose pour provoquer une nouvelle dispute ou chercher la bagarre. « - Mais je peux jouer le superviseur si Orel est d’accord pour le faire ! »

— Complètement largué et surtout très perplexe de toute cette situation avec Svein, je lève un sourcil perplexe à la conclusion de Bastien avant de hausser les épaules. Même bourré, je sais que c’est ce genre de choses dont je ne devrais pas me mêler. Trop tard ? Peut-être. Soudain, la surprise se dessiner sur mon visage, rendu bien plus expressif et juvénile par l’alcool. « Toi aussi, tu sais peindre ?! Ouah… » Mon regard abasourdi se tourne vers un Orel qui s’empresse de nier. Toutes les formes d’arts sont tellement mystérieuses et obscures pour moi, même regarder Paco peindre me fait l’effet d’entrer dans un monde parallèle auquel je ne comprends rien. « Bah, peu importe, allons-y ! » Bien plus enjoué que je ne devrais l’être, je m’arrête brusquement en voyant Orel et Bastien se tenir la main. Tiens ? Une seconde plus tard, c’est comme s’il ne s’était rien passé. Est-ce que ce cocktail bleuté me ferait imaginer des choses ? Je fusille mon gobelet du regard, plein de doutes.
Et quand je relève la tête, près du stand à peinture, c’est un autre air magnétique qui capte mon attention immédiatement. Perdu dans mes pensées et ma contemplation, je ne réalise pas que je parle à voix haute. « Oh, Paco est là…  » J’ai un million de mensonge à tisser à propos de nous deux, et aucun d’entre eux ne se fraye de chemin dans ma tête à ce moment-là. Évidemment qu’il est là, c’est la réouverture de sa boite de nuit. A quoi est-ce que je pensais en commandant ce verre ?! Malheureusement, la panique commence déjà à s’enfouir sous l’euphorie ambiante.

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La réouverture du Blood Night

Je pensais passer une soirée sans histoire, mais on dirait bien que je suis condamné à avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête dès que plusieurs personnes sont impliquées. Pourtant, personne n’a rien fait de mal – seules quelques étincelles commencent à frétiller, et me voilà dans une situation inconfortable pour ne pas provoquer un véritable brasier. Je crois trouver la bonne parade en acceptant de suivre Sven et Orel, et je pouffe un peu à sa remarque. « - Je vais faire de mon mieux pour être un bon assistant. » Ça me fera sûrement du bien de me changer les idées à leurs côtés au lieu de ruminer seul dans mon coin, c’est vrai.

Mes yeux s’écarquillent quand je sens Orel attraper ma main, peut-être par habitude ou par réflexe. Je n’ai pas le temps de réagir qu’il la retire déjà et s’avance vers le coin de la pièce où je me tenais tout à l’heure. Je ne sais même pas si Sven a eu le temps de remarquer quelque chose ou non, et je n’ose pas relever les yeux vers Svein pour vérifier si c’est aussi son cas. Je m’estime presque chanceux quand nous traversons la foule sans incident, et au dernier moment, j’attrape la coupe de champagne sur le plateau d’un serveur qui passait par là, histoire de me redonner un peu de courage.

On dirait bien que je ne suis pas le seul à en avoir besoin, puisque Sven s’est stoppé net dans sa lancée en apercevant Paco. J’ignore où ils en sont tous les deux, mais c’est vrai que je me demande si ça aussi, c’est une bonne idée. Alors, pour couper ce moment de flottement, c’est moi qui m’efforce de prendre un ton joyeux pour demander : « - Alors, t’as déjà une idée de ce que tu veux ? »