twenty four karat magic in the air (ft. heidi)

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— Après avoir passé en revue les activités proposées, mon attention s’est particulièrement arrêtée sur l’une d’entre elles. Malgré les étoiles que j'ai du avoir dans les yeux, je n’ai jusqu’à maintenant pas osé proposer ça à Heidi – de peur qu’elle dise non, que ça ne lui plaise pas ou juste qu’elle trouve ça puéril. En réalité, vu la limite d’âge imposée, je doute que ça soit vraiment à destination des enfants ; je ne sais pas trop comment ça se passe, ma dernière escapade avec ma famille et mes souvenirs commencent à remonter à loin. Mais maintenant qu’on se balade dehors en début d’après-midi, je vois quelques personnes se diriger vers là où est censée être la piste et je brûle d’envie de les suivre. Avec les petits flocons qui tombent doucement du ciel partiellement dégagé, le temps est idéal en plus. Une moue incertaine sur le visage, je réajuste mon bonnet pour qu’il vienne couvrir mes oreilles en guettant ses réactions du coin de l’oeil. « Tu voudrais pas qu’on… aille faire de la luge ? » J’ai la voix hésitante et il y a un petit moment d’appréhension quand j’attends sa réponse, mais au moins j’ai réussi à me lancer. Dans le pire des cas, elle peut toujours refuser de toute façon. Mais je ne doute pas que l’espoir doit se lire sur mon visage sans trop d’effort, presque autant que l’envie soudaine de faire quelque chose de bête et pas prise de tête.

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— C’est les étoiles dans les yeux que je la supplie presque de bien vouloir faire de la luge avec moi. On dirait que j’ai cinq ans et demi, mais peu importe tant qu’on s’amuse, non ? Personne n'est là pour nous juger, de toute façon. Pour une fois, je décide de me laisser aller et sa réponse me comble plus que de raison. On ne peut pas dire que les choses aient été faciles, mais je fais de mon mieux pour essayer de lui montrer que je tiens à elle et à nos moments ensemble malgré la légère retenue qui subsiste encore entre nous. « Je pense pas que ça soit très grave, au pire on finira le nez dans la poudreuse. » Il y a un sourire persistant qui flotte sur le coin de mes lèvres, la possibilité qu’on puisse se casser la figure en pleine descente me paraît bizarrement très agréable. Et puis, je doute qu’on puisse se faire vraiment mal – ce n’est pas une piste noire ou un challenge en particulier quand même. Impossible de cacher combien je suis content qu’elle ait accepté, je garde cet air de bienheureux qui se fait pourtant si rare sur mon visage habituellement. « Aucune idée, on verra en haut j’imagine. » Je hausse les épaules, bien trop enjoué pour y réfléchir plus que ça, et l’entraîne directement vers la piste de luge. On ne peut pas dire que j’ai pris le temps de me renseigner avant, j’ai juste vu l’activité sur la liste et mon sang n’a fait qu’un tour à cette idée. Le trajet n’est pas très long, et je nous présente aux responsables pour commencer les hostilités avec une impatience qui ne me ressemble pas. Heureusement, on a pas à remonter la piste à pieds puisque le téléphérique est mis à disposition de tous. « Alors, tu me fais l’honneur de conduire pour le premier tour ou tu préfères pas ? » La luge en plastique rouge entre les mains, je lève un sourcil tandis qu’on se dirige vers le début de la piste.

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— Un sourire en coin comme seule réponse à celui qu’elle affiche, j’espère bien que ça ne va pas être triste. J’ai une envie urgente de faire n’importe quoi, de me laisser aller pour une fois dans ma vie. Et heureusement, c’est tombé sur la luge plutôt que sur autre chose d’un peu plus dangereux. Heidi a l’air d’appréhender un peu, mais ce serait mentir de dire que je suis totalement serein. D’habitude, ce n’est pas moi qui embarque les autres dans des aventures comme ça, plutôt l’inverse en fait. Du genre à refréner toutes les pulsions et à tuer l’amusement en une phrase ; les temps changent, j’imagine.
Quand on a enfin l’arme du crime enfin entre les mains, elle semble jauger ma question avec précaution. Elle se décide à être la pilote et je sens le sourire sur mes lèvres s’étirer encore plus. On dirait que je ne suis pas le seul à me laisser porter par l’engouement général. « Est-ce que c’est un challenge ? » Je lève un sourcil, près à relever le défi de me rouler dans la poudreuse s’il le faut. Un peu plus loin, il y a des gens déjà élancés sur la piste et leur enthousiasme est contagieux. Elle s’installe en riant, je la suis sans tarder. J’ai l’impression d’être un peu recroquevillé derrière elle mais je suppose qu'au moins si on s’écroule dans la neige, j’amortirais sa chute. Tiré de mes réflexions par ses questionnements sur la façon dont on va se lancer, je relève la tête pour regarder par dessus son épaule. « Mh, quelque chose comme ça oui. » Je marmonne, pas certain qu’il faille vraiment avoir le code ou le permis pour faire de la luge, même si je ne suis pas beaucoup plus avancé qu'elle. Hochant doucement la tête, j’ai soudain une idée qui précède un soupir amusé. « Mais bon, sinon on peut juste… » Les mains accrochées au plastique de part et d’autre de son corps emmitouflé, j’ai un sourire mutin sur le visage quand je donne une impulsion dans la neige avec mon talon. « Faire ça ! » Grisé par l’adrénaline, je nous pousse sur la piste et replace rapidement ma jambe pour éviter une chute dans les premières secondes.

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— Ce n’est pas difficile de voir qu’elle appréhende un peu, ou qu’elle hésite. Alors pour une fois, je prends le rôle de l’inconscient et nous pousse sans réfléchir sur la piste. J’entends vaguement mon prénom entre les cris et j’éclate de rire en même temps qu’elle pendant que la neige défile à vitesse folle sous nos yeux. Finalement, Heidi a l’air de vite apprendre le truc pour nous diriger et je la laisse faire ce qu’elle peut alors je ne bronche pas, bien trop occupé à apprécier l’adrénaline et l’air froid qui pique mon visage.
Mais soudain, le virage est rapide et la conduite lui échappe. Les yeux écarquillés soudainement, je vois les choses arriver comme au ralenti quand je pousse une exclamation silencieuse avant de la prévenir par réflexe – comme si ça allait changer quelque chose. « Heidi ! Dans l’autre... » Le nez dans la poudreuse la seconde d’après, littéralement. Allongé sur le bord de la piste, je reprends mes esprits et ma respiration. Le rire d’Heidi résonne à côté de moi, et il est contagieux. D’abord un sourire timide, jusqu’à moi aussi rire à gorge déployée. Un instant plus tard, je laisse l’euphorie retomber alors que la neige commence à s’infiltrer dans mon bonnet. « Encore mieux que ce à quoi je m’attendais. » Je me redresse difficilement, appuyé sur mes coudes, pour jeter en un regard en direction d’Heidi. « Rien de cassé ? » Bougeant un peu pour me retrouver en tailleur, j’entreprends d’épousseter mon bonnet et de passer une main dans mes cheveux en même temps. Un regard vers le ciel à moitié clair, l’endroit est silencieux si on ignore les luges de passage et les bruits ambiants de la nature. Je ferme les yeux doucement, toujours le nez en l’air. « Tu veux pas qu’on reste ici deux minutes ? »

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— On reprend tous les deux nos esprits après la chute, les fesses dans la neige et le sourire aux lèvres. Je ne regrette pas la pulsion puérile qui m’a poussé à la supplier de faire de la luge. Visiblement elle va bien aussi, je lui accorde un air satisfait avant de regarder autour de moi à la recherche du bout de plastique rouge en parfait état. « Mh, je suis entier et la luge aussi. » Du coin de l’œil, je l’observe se remettre elle aussi en ordre après ces émotions.
Comme un moment suspendu dans le temps, on s’accorde tous les deux à rester ici quelques instants. Malgré le passage des luges, les cris et les rires, il y a un genre de calme qu’on ne trouve pas souvent – même dans une petite ville comme Fredelig. Les yeux fermés et le nez en l’air pour profiter des timides rayons du soleil qui réchauffent mon visage rougi par le froid et l’effort, je reste assis immobile dans la neige. Mais mon accalmie semble être de courte durée quand quelque chose de glacial vient heurter ma tête jusqu’à s’infiltrer dans le col de mon manteau. Je pousse brusquement un cri un peu aigu avant de réaliser ce qu’il vient de se passer. « Qu’est-ce que... » Il ne me faut pas longtemps pour deviner qu’Heidi vient de me lancer une boule de neige à la figure. L’air faussement indigné et désabusé à son excuse toute trouvée, je ne peux pas m’empêcher de trouver son air innocent un peu mignon. Je m'exclame alors soudainement. « Fais gaffe, il revient ! » Rapidement, je pointe du doigt le vide derrière elle comme si le garçon imaginaire était revenu. Je profite de la seconde de surprise et de distraction pour faire une boule de neige de fortune et la lui lancer – ce n’est que justice après tout, c’est elle qui a lancé le défi. Un grand sourire victorieux sur les lèvres, j'attends la riposte.

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— Visiblement, Heidi a décidé de lancer une bataille de boules de neige dans mon dos. Une expression faussement indignée sur le visage, je lui rends la pareille en essayant de détourner son attention d’abord. Je souris de toutes mes dents quand elle éclate de rire et annonce sa vengeance dans la foulée. Autant que ça me fait du bien de faire des choses aussi légères, je ne compte pas la laisser l’emporter sans me battre. Emporté par l’enthousiasme ambiant, je pousse un cri en levant le bras pour parer une énième attaque de glace. « N’y pense même pas ! » Je fais semblant de l’attaquer, mais en réalité, je dois surtout me défendre de toute la neige qui me tombe dessus. Difficilement, j’arrive à me glisser près d’elle en me déplaçant sur les genoux. Elle est accroupie, alors ce n’est pas bien compliqué de la faire basculer au sol dans la poudreuse. Haussant un sourcil provocateur, je ne prends même pas la peine de former de jolies sphères dans mes mains et je fais glisser des poignées de neige dans son manteau. Je crois qu'on risque de rentrer trempés à l'hôtel, mais peu importe pour le moment – on s'amuse bien trop pour y penser. Quelques instants plus tard, je cesse de ricaner pour reprendre mon souffle et me recule pour la laisser respirer aussi. « Décidément, il lâche pas l’affaire ce petit garçon. » Un air satisfait sur le visage, je la regarde avec un sourire insolent.

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— Entre les rires et la bataille de boules de neige, j’arrive quand même à la prendre de court pour retourner la tendance. Après quelques minutes de combat acharné à base de cris joyeux et de poudreuse dans les vêtements, je me calme doucement pour nous laisser respirer tous les deux. Elle soupire et se rassoit avec un geste indiquant une trêve temporaire, pendant que je m’écarte pour me mettre à côté d’elle. Il y a un moment de flottement où l’euphorie redescend, mais je ne m’inquiète pas trop pour la suite. Si après tout ce qu’il s’est passé on arrive encore à rire comme ça ensemble, ça me rassure.
Alors qu’elle entreprend de faire glisser la neige hors de son manteau, je me laisse tomber sur le dos – les mains derrière la tête. Un soupir amusé m’échappe quand elle annonce une future vengeance et j’affiche un air aussi provocateur que serein. « Je t’attends. » Rien ne me dit que je gagnerai le prochain round, mais que ne ferait-on pas sans un petit peu de compétition.
Je soupire un peu, l’air est froid mais l’endroit est décidément agréable ; je ne regrette pas d’avoir forcé pour qu’elle m’accompagne dans cette aventure là. « Faire de la luge tout seul ça aurait été nul. » Avec le ton plus bas, j’avoue sur le bout des lèvres que j’apprécie sa compagnie. « C’est cool que t’aies accepté de venir. » Pour le week-end, pour la luge, pour tout. Elle me laisse une chance de reconstruire ce que j’ai brisé par égoïsme, je ne lui serais jamais assez reconnaissant. Surtout quand on sait qu’elle aurait pu profiter de ce séjour avec n’importe qui d’autre. « Ça te dérange pas d’être ici avec moi ? » J’attends sa réponse sans la regarder, soudainement plus sérieux. Je sais qu’il faut que je lui parle, je ne sais juste pas par où commencer.

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— Elle promet des représailles et je ne peux pas m’empêcher de lâcher un soupir amusé encore une fois. Au moment où je m’y attendrais le moins ? Je peux affirmer sans trop d’incertitudes qu’elle est bien trop gentille pour tenter quoique ce soit qui soit mauvais pour moi, alors je me contente de sourire et d’attendre la sentence. Peu importe ce qu’elle prévoit, j’imagine que ça risque d’être plus drôle que douloureux alors à quoi bon la redouter.
Allongé dans la neige, je me félicite d’avoir un peu insisté pour faire de la luge, c’est assez marrant et visiblement ça a été une meilleure expérience pour elle de tenter avec moi plutôt que seule. Dans un instant de légèreté ambiante, je me confie brièvement sur le fait que j’apprécie qu’elle ait accepté de venir. Mais quand j’entends ma réponse, je me redresse rapidement. « Ça aurait été dommage, c’est sympa et gratuit. » Une moue boudeuse sur le visage, je fais mine de me débarrasser de la neige sur mon manteau mais en réalité je le pense vraiment – malgré les accrochages avec nos colocataires par ma faute. « Une de mes amies est venue toute seule, elle a l’air de bien s’amuser. » L’ambiance a l’air festive dans leur suite, alors je me dis que même sans être en couple, les célibataires doivent bien s’occuper aussi. Je hausse les épaules avant de continuer. « Et puis, même si je t’avais pas invitée, quelqu’un l’aurait sûrement fait à ma place. » Sans lui jeter un regard, je sous-entends de manière très peu subtile qu’elle doit avoir quelques prétendants. Ça m’étonnerait un peu qu’elle n’en ait pas – elle est jolie, gentille, timide mais facile à vivre.
Sa voix me donne l’impression qu’elle est un peu nerveuse, je relève la tête pour laisser mes yeux s’en assurer. Il y a un moment de flottement où je ne sais pas vraiment quoi dire, elle me semble avoir besoin d’être rassurée mais ma tête reste vide. Comme une marque de précipitation, je fais un vague geste de la main pour rattraper le coup. « Ah non, bien sûr que non, je m’ennuie pas avec toi. » Je n’aurais pas fait tant d’effort pour rattraper les choses, et je ne lui aurais pas non plus demandé de m’accompagner ici si elle m’ennuyait. Ça me paraît évident, mais je suis bien placé pour savoir ce que ça fait d’avoir l’impression de ne jamais faire assez, de ne jamais suffire. Un peu gêné, je lui accorde un sourire qui se veut rassurant. « Je te promets que j’irais rien faire d’intéressant sans toi. » Sans pouvoir lui affirmer que je ne la laisserais pas seule du week-end, je fais quand même de mon mieux pour ne pas l’abandonner face à elle-même alors que je l’ai invitée pour qu’on fasse des choses ensemble – ce serait moche de ma part. Mais quelque part, je ne pense pas être capable de mettre de côté ma solitude pour me consacrer uniquement à elle, et je ne crois pas que ça soit ce qu'elle veuille non plus.

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— Elle admet être convaincue par la luge, alors je lui rends son sourire doucement. Dire que j’ai eu peur qu’elle me prenne pour un gosse, finalement j’aurais carrément pu lui en parler au dîner d’hier et ça se serait tout aussi bien passé. Parfois, je maudis un peu cette retenue. Je lui parle d’April qui a l’air d’être tombée dans une suite du tonnerre et qui s’amuse même en tant que célibataire et elle me répond de manière plutôt logique que même en couple ou avec quelqu'un, personne ne s’ennuierait ici. « C’est clair ! J’ai l’impression que c’est déjà passé super vite. » Et pourtant, le week-end est loin d’être terminé. L’air un peu songeur, j’envisage silencieusement de me lancer pour la suivre dans son aventure au ski. J'esquisse une moue faussement boudeuse avant de continuer. « On a même pas encore eu le temps de rien faire devant Netflix. » Je fais remarquer avec un petit sourire en coin ; c’est vrai que j’apprécie tout ce qui est proposé, mais la perspective de buller avec une coupe de champagne en étant affalé sur le lit ou de s’endormir au sauna me séduit tout autant.
Il me semble qu’elle profite de l’endroit tout autant que moi, alors je m’en veux un peu de la mettre dans cette position compliquée. Je n’ai pas de mal à deviner cette légère gêne dans sa voix à mon sous-entendu, et c’est clairement osé de ma part après l’avoir tant repoussée parce qu’elle a voulu me parler de choses personnelles. « Mh, je comprends. » Bien plus que ce qu’elle ne doit sûrement s’imaginer, vu l’état émotionnel dans lequel je suis actuellement. J’espère faire de mon mieux pour cacher ma lente chute vers le fond du fond, mais je ne sais pas si je fais un si bon travail que ça. « Heureusement que j’étais là pour t’emmener faire de la luge alors. » Je force un ton un peu arrogant, faisant semblant d'être fier de moi, avec un sourire provocateur au coin des lèvres. Je préfère ça comme manière de changer de sujet plutôt que de rester dans cette conversation là en sachant pertinemment que ça va se retourner contre moi à un moment où à un autre.
Hochant la tête doucement, je lui souris encore une fois – soulagé qu’elle soit si compréhensive. Mais après tout, j’imagine qu’elle aussi, voudrait pouvoir respirer sans être à côté de moi à chaque minute. Son épaule contre la mienne, c’est comme si pendant un court instant, la complicité qui avait pu exister avant était revenue. Je ne sais pas quoi faire pour la retenir, alors je me contente de rester là. Quand plusieurs personnes nous dépassent en luge, elle me propose de repartir en conduisant cette fois. « Allez, en route alors. » D’un air entendu, je me relève avec un peu de difficultés puisque mes jambes ont été un peu engourdies par le froid et lui tends la main pour l’aider à faire de même. Je me débarrasse de la neige sur mon pantalon en quelques gestes et me réinstalle sur la luge, recroquevillé à l’avant pour être sûr de lui laisser suffisamment de place pour s’asseoir derrière moi. « T’es prête ? » Je tourne légèrement la tête pour la regarder par dessus mon épaule, incertain.

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— Visiblement, mon idée de ne rien faire devant Netflix la séduit tellement qu’elle a des étoiles dans les yeux. Je lâche un soupir amusé en voyant ça, elle en rigole alors je me laisse aller. « Ah, c’est un sacré programme. Peut-être que je te rejoindrais si tu veux bien. » Je hoche un peu la tête en gardant mon sourire bienveillant, c’est vrai qu’avec toutes les activités – même celles qu’on a faites ensemble – on a pas vraiment eu le temps de juste se reposer. Le projet de s’enfouir sous une tonne de couvertures devant la télévision me semble réconfortant, juste ce dont j’ai besoin en ce moment. « J’irais sûrement au sauna ce soir, aussi. J’essayerais de profiter quand tout le monde sera au restaurant. » Ça me semble être le meilleur plan, je n’ai pas franchement envie d’y aller quand il sera bondé et de toute façon je ne mange pas énormément alors je peux bien me passer du plat de résistance.
Elle fait mine d’être agacée et je me mords la langue pour m’empêcher de rire. Je reçois sa légère poignée de neige avec un petit cri et me protège avec ma main au cas où elle décide de remettre d’actualité la bataille de boules de neige. Heureusement, elle préfère garder sa revanche pour plus tard et je lui en suis reconnaissant. Elle joue le jeu, comme toujours. Je sens que la complicité passée qui a pu s’effacer ces dernières semaines revient doucement, c’est agréable de savoir qu’en fin de compte, je n’ai peut-être pas tout merdé. « Essaye de t’en souvenir quand tu planifieras ta vengeance. » Un dernier sourire mutin et je laisse le silence s’installer doucement.
Et puis, on se remet tous les deux sur pieds pour repartir. Je ne suis pas certain que ça soit très utile de nous débarrasser de la neige sur nos vêtements puisqu’on va probablement subir d’autres accidents de luge, mais qu’importe. Une fois qu’elle me confirme être prête, je la sens attraper le plastique et j’esquisse un rictus amusé. « C’est parti, accroche-toi ! » D’un geste plus sage que tout à l’heure, je nous relance sur la piste et laisse le paysage défiler à une vitesse plus tranquille.

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— Elle hausse les épaules en m’assurant que je serais le bienvenue pour sa soirée Netflix et sa remarque me fait un peu sourire. Il y aurait tellement de façons pour qu’on se dispute à cause de ça que ça en serait ridicule ; entre le choix du programme, le volume du son, la place sur le lit et la quantité de couverture allouée à l’un ou l’autre. « J’espère pas. » Mais je préfère enfouir ça dans un coin de ma tête, hochant doucement le menton pour lui donner raison. Après tout, ni elle ni moi ne sommes très agités d’ordinaire, alors même si je serais capable de me battre à cause Netflix avec quelqu’un d’autre, ça n’arrivera probablement pas avec elle.
Je lui fais part de mes projets pour ce soir en espérant qu’elle soit vraiment à l’aise avec le fait que je l’abandonne pour quelques heures. A son tour, elle semble avoir pensé la question aussi alors ça me rassure un peu de voir qu’elle a aussi des plans de son côté. Je lui rends son sourire chaleureux. « D’accord, tu me diras comment c’était. » Plus par politesse que par réelle envie d’avoir les détails de sa soirée, je ne doute pas un seul instant qu’elle va bien s’amuser. Moi, j’ai surtout besoin de solitude pour me vider la tête ; les choses s’enchaînent à une vitesse folle ici, il y a des visages que j’ai du mal à éviter.
Les épaules à peine crispées quand elle me lance de la neige à nouveau, je me mords l’intérieur des joues pour ne pas éclater de rire. Ses grandes menaces me font d’abord sourire de toutes mes dents et puis je lève un sourcil provocateur, hochant un peu la tête pour donner du poids à mon mensonge éhonté. « Oh, je suis déjà terrifié. » Elle a l’air décidée à me faire payer, ça me fait plus plaisir qu’autre chose ; j’ai hâte de voir ce qu’elle a prévu. Et puis, si ça peut aider à conserver l’ambiance bon enfant entre nous comme elle est maintenant, ça ne peut pas être mauvais.
On repart, plus tranquillement cette fois. Je sens bien qu’elle s’accroche derrière moi, alors je m’applique à ne pas faire de mouvements brusques – même si c’est plus facile de garder le contrôle quand on ne va pas à toute vitesse. Je tourne un peu la tête vers elle pour l’écouter, profitant d’un endroit en ligne droite pour ne pas trop regarder devant et me concentrer sur ce qu’elle me dit. Je lui souris un peu, mes souvenirs de mes autres aventures en luge commencent à dater mais c’est vrai qu’ils existent encore. Je hausse un peu le ton pour être sûr qu'elle m'entende, mais je sens bien que ma voix vacille à la fin de ma phrase. « Seulement deux ou trois fois, avec ma sœur quand on était plus jeunes. » Et quand notre famille n’était pas encore brisée en mille morceaux par ma faute, mais ça je me garde bien de le lui dire. Mon sourire s’efface doucement et l’euphorie retombe si vite, je repose les yeux sagement sur la piste histoire d’éviter un second crash. Comme pour assurer une fausse bonne humeur en continue, je relance la conversation sur le même sujet. « J'ai du mal à croire que t'en avais jamais fait avant avec toute la neige qui tombe en Norvège ! »

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— Si elle note le changement dans mon attitude quand je lui réponds vaguement, elle décide de ne pas poser de questions et je lui en suis reconnaissant. Ça aurait été bizarre à balancer comme ça et maintenant, alors je garde les lèvres pincées et la bouche fermée pour m’éviter une autre situation désagréable. Mais dans un coin de ma tête, je sais qu’il va falloir que je lui parle un jour ; peut-être pas de tout, mais au moins de l’essentiel. De Paco, de la raison de ma venue à Fredelig, de ma sœur aussi. Elle s’est ouverte avec un tel naturel quand je l’ai rejetée, c’est à la fois fascinant et terrifiant ce gouffre entre nous malgré nos caractères similaires. Alors, je préfère redonner un vent de bonne humeur à notre conversation qui dérive dangereusement. Je repense rapidement à ses menaces de tout à l’heure, ça me fait sourire mais j’essaye quand même de ne pas lui donner de raison de les mettre en pratique plus tôt que prévu. Suivant sagement la piste, je nous évite la poudreuse tandis que je lui demande comment ça se fait qu’elle n’ait jamais essayé la luge avant en vivant dans un tel pays. Je hoche doucement la tête à son explication, je ne sais pas vraiment si je comprends ou pas – on ne peut pas dire que je puisse comparer ma situation parentale à beaucoup d’autres. Mais j’imagine que ça se tient, comme excuse. Je pense que moi non plus, je n’aurais pas cherché à essayer quelque chose que je n’aurais pas eu d’occasions de faire, peut-être que c’est pour ça que j’en suis là sur tant de points dans ma vie. « Ah, je vois. Qu’est-ce que tu faisais alors ? » Le ton plus enjoué, je l’encourage à continuer sans jeter un regard en arrière.

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— Quand elle révèle son activité principale à la place de la luge, je ne peux pas retenir un rire franc. Assez ironique de la laisser faire du cheval si ses parents avaient peur qu’elle se blesse, les animaux sont quand même plus imprévisible qu’une piste enneigée. Je souris en gardant les yeux rivés sur le chemin, amusé par cet étrange paradoxe. « Sérieux ? C’est encore pire que la luge ! » Je m’exclame vivement sans essayer de me retenir, et hoche doucement la tête de gauche à droite comme pour montrer une fausse désapprobation. Je retiens sa remarque sur l’Arizona, j’imagine que ça serait le paradis pour elle – moi je ne sais pas trop où je voudrais aller. « Peut-être que c’est déjà dans sa liste pour les prochains voyages tous frais payés. » Même si j’ai plutôt l’impression que ce genre de week-end sera de l’ordre de l’exceptionnel, rien n’empêche de rêver un peu. Hochant doucement la tête, je lui donne quand même raison. « Ça pourrait être cool, même si je suis pas sûr de moi pour l’équitation. » Je pouffe un peu entre mes lèvres, difficile de m’imaginer à dos de cheval ; j’imagine que ça ne doit pas être si compliqué que ça, mais c’est vrai qu’elle va littéralement partir avec une longueur d’avance pour gagner la course. Elle continue en me parlant de balançoire et de ski, et cette fois, je manque de m’étouffer en pensant à tout ce qui pourrait mal se passer avec ce genre d’activités. « Décidément, la luge c’est vraiment le sport le moins dangereux que t’as essayé en fait. » Toujours le sourire aux lèvres après cette conclusion, j’entends qu’elle me retourne la question. Redevenu un peu plus sérieux, je tâche de répondre sans trop en faire. « Ah, surtout du hockey et du patinage, la luge c’était ponctuel. » Je me tourne un peu pour qu’elle puisse voir mon sourire en coin – il ne faudrait pas qu’elle pense que je suis un pro quand ce n’est pas le cas. « Et sinon… le karaoké et les jeux vidéos, principalement. Si ça compte ? » La tête légèrement penchée sur le côté, je reste incertain quelques instants. Entre les entraînements intensifs à la patinoire, le travail acharné à la maison et les nombreux voyages entre Séoul et Oslo, je réalise que je n’ai pas fait grand-chose d’autre. Même les jeux vidéos, je ne m’y suis vraiment mis que lors de ma blessure – assez tard donc. « J’ai toujours beaucoup travaillé pour les cours, alors j’ai jamais vraiment eu trop de temps libre. » L’enthousiasme effacé, j’essaye de m’en tirer avec une phrase banale du genre.