twenty four karat magic in the air (ft. heidi)

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— Visiblement, elle est plutôt de mon avis quant au niveau de dangerosité de la luge par rapport à l’équitation, mais elle en rit alors je fais de même. J’imagine que ce serait super pour elle s’il y avait vraiment un autre voyage organisé par la ville, même si c’est un peu moins intime que partir avec sa famille, son copain ou ses amis. « Si par m’apprendre quelque chose tu veux dire absolument tout, alors oui c’est possible. » Je ricane un peu, pas vraiment honteux d’admettre que je n’y connais absolument rien en ce qui concerne les chevaux – j’apprends déjà sur le tas avec mes chats. C’est moins problématique que le ski, même si je vais sûrement y passer aussi ; je ne lui refuserais pas le plaisir de se moquer de moi qui ne tiendrait pas deux secondes debout avec les jambes fragiles comme un petit daim. Je conclus en appuyant son idée, le sourire aux lèvres. « Je ferais une demande officielle à la maire pour l’Arizona alors. On sait jamais. » Je ne plaisante qu'à moitié, il parait que qui ne tente rien n'a rien.

Elle me surprend un peu avec sa question sur le match d’il y a quelques mois, c’est vrai que je lui en avais parlé avant que tout ne parte en vrille à cause de moi. Je fais mine de réfléchir, mais vu mon état d’esprit après ça, je n’ai pas du être très performant. « Non, on a perdu. Mais je dirais presque qu’on s’est bien battus. » Et ce serait trop gentil de ma part, c’était un désastre. A quoi bon leur demander de donner plus quand on n’est que l’équipe amateur, et que la plupart des joueurs ne sont là qu’une fois par semaine. Ce serait contre-productif de les engueuler ; je n’ai même plus la place de capitaine que j’avais à Oslo, alors je n’en aurais même pas l’autorité finalement. Tant pis, je laisse couler et j’essaye de m’entraîner dans mon coin pour garder la forme et l'envie. Je lui parle de mes autres et peu nombreuses activités, sans savoir si elles rentrent vraiment dans les critères. Elle m’assure que oui et j’ai un sourire ironique quand elle me dit que je ne risque pas de me blesser avec les jeux vidéos ou le karaoké. C’est vrai, mais les jeux vidéos, je m’y suis mis justement parce que j’étais blessé. « Ah ça, le hockey s’en est chargé. » Je hausse les épaules doucement, la voix un peu amer de cet échec personnel que je lui avoue. Reniflant un peu, à cause du froid ou pour reprendre une contenance, je décide d’élaborer pour une fois, même si l'explication succincte ne sort pas facilement de ma bouche. « J’allais passer les sélections pour être pro il y a quelques années, je me suis blessé. »

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— Quand elle approuve mon idée de demande officielle, elle me conseille de souligner plusieurs fois la destination. Je souris doucement, je continue à jouer le jeu. « En jaune fluo, c’est promis. » J’étouffe un soupir amusé à l’idée de l’emmener avec moi dans le bureau de la maire pour plaider notre cause et quémander un autre voyage, c’est sûr que ça serait une sacré aventure. « Je crois qu’on a un super plan là. » Même si je ne compte pas réellement faire ça, si on nous demande notre avis pour le prochain événement organisé et tout frais payés par la ville, je mettrais probablement l’Arizona tout en haut de ma liste.
La discussion dérive vers le hockey sur glace, et elle semble un peu dépitée quand je lui annonce le résultat du match dont elle parlait. Ça m’est égal qu’on gagne ou pas, plus personne n’est là pour mettre la pression là-dessus de toute façon. Je hausse doucement les épaules avec un sourire résigné. « Peut-être, faut voir. C’est pas bien grave si on perd de toute façon. » Je ne suis pas très optimiste, mais on en a gagné d’autres et il n’y a pas réellement d’enjeux pour cette équipe.
Il y a un moment de flottement lorsque je lui parle de ma blessure, je ne m’attendrais pas à devoir m’étendre plus que ça sur le sujet. Je suis brusquement un peu mal à l’aise, ma désinvolture et mon sourire ont disparu si vite. Mais je n’ai pas le droit de lui refuser ça, pas quand j’ai promis de faire de mon mieux. Et si ce n’est pas maintenant, alors quand ? « Non, je pense pas. J’ai pas réussi à retrouver mon niveau tout en continuant les études, ça m’étonnerait que ça revienne un jour et je crois pas que j’ai envie de faire que ça de ma vie pour une chance infime de pouvoir en faire quelque chose. » Sans m’en rendre compte tout de suite, je sens bien que mon ton s’est fait plus sec, plus distant. Parler d’un des plus grands échecs de ma vie, ça n’est pas facile à assumer. Je sens que les mots sont sortis, monotones et presque automatiques, comme s’ils avaient été là sur le bout de ma langue depuis toujours. Je n’ai pas bégayé, je n’ai pas hésité ; il y a bien sûr de l’appréhension et de l’amertume dans ma voix, mais bizarrement rien qui se rapproche de la difficulté. « Être dans l’équipe amateur, ça me va. Au début, c’était dur à avaler mais finalement l’ambiance est cool et j’ai pas besoin d’en faire des tonnes pour être à la hauteur. Et puis, c’est pas vraiment mon truc le coaching. » C’est vrai, c’est un avantage non négligeable. Je n’ai pas à forcer pour être bon, il n’y a pas d’attentes étouffantes ni de possibilité d’humiliation. Comme si je me l’admettais à moi autant qu’à elle, je me sens un peu désemparé par ce que je viens de dire. C’est étrange de s’en rendre compte comme ça, et le virage que je prends un peu brutalement me ramène à la réalité. « Désolé, ça va ? » Je détourne un peu les yeux de la piste pour lui poser la question avec mon timbre un peu cassé, sans savoir si je m’excuse pour le ton détaché et dur de mes propos ou pour les secousses soudaines.

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— C’est loin d’être une partie de plaisir, de tout dire sur mon meilleur échec à quelqu’un, à elle surtout. De me dire que peut-être, ça va changer la façon dont elle me voit – mais est-ce que ce serait vraiment pire que l’envoyer chier quand elle avait besoin de moi ou démarrer une bagarre dans un restaurant de luxe ? Je ne suis pas sûr, et pourtant c’est bien ça qui m’inquiète à ce moment là. Qu’elle me considère comme un perdant, comme un mec qui a abandonné. C’est déjà comme ça que lui, il me voyait. Je soupire doucement, c’est trop tard de toute façon. Elle garde le silence, je ne sais pas si c’est par politesse ou par pitié. Il me semble qu’elle s’apprêtait à me dire quelque chose quand je rate mon virage de peu, mais je ne saurais jamais quoi. Elle répond avec un poil d’humour à ma question à double sens, j’esquisse un sourire et étouffe un soupir vaguement amusé. « J’imagine que tu l’es. » Que ce soit pour les chutes dans la poudreuse ou mes réactions abruptes, je crois qu’elle est vraiment immunisée maintenant. Je n’arrive pas à savoir si ça me rassure ou si ça me peine pour elle, mais je n’ai pas le temps de me torturer l’esprit plus longtemps. J’apprécie qu’elle essaye de changer de sujet, ou au moins qu’elle ne fasse pas de commentaires. J'ai encore en tête son cri de tout à l'heure quand je nous ai jeté sur la piste sans précaution quand elle me demande si j'essaye de voir si elle a peur. « Mais non, j’ai déjà vérifié tout à l’heure. » La tête légèrement tournée vers elle, autant pour pouvoir voir sa tête que pour lui montrer la mienne, je lui souris sans détour. « Je sais que t’es carrément flippée. » Je fais mine de me mordre la langue pour m’empêcher de rire et repose les yeux droit devant moi comme pour éviter son faux courroux à nouveau.

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— Il y a un sourire amusé qui flotte sur mes lèvres quand elle se défend, j’étouffe un petit rire pour ne pas trop la pousser dans ses retranchements – ce n’est pas le but. Ça fait un moment qu’on glisse, l’arrivée se rapproche rapidement. Je la regarde encore un peu, et me résigne avec un petit mouvement de sourcil. « Ouais, bien sûr. » Beaucoup d’ironie dans ma voix, mais je ne doute pas qu’elle saura en comprendre la tentative d’humour. Je secoue la tête de droite à gauche légèrement et fais mine de rouler des yeux en lui répondant sur le même ton quand elle me somme de regarder droit devant moi. « Mais oui Solberg, je fais attention. » Pendant un instant, je suis tenté d’essayer d’orienter la luge pour qu’on passe le plus proche possible des sapins. Mais je me ravise en me disant que ce n’est probablement pas le meilleur moment pour tester sa patience face aux taquineries, aussi innocentes soient-elles.
La fin de la piste se déroule sans encombres majeures, la discussion avec elle aussi. Je lui jette régulièrement des regards concernés, pas certain de ce que je suis en train de faire ; mais à vrai dire, tout semble se passer correctement. Une fois la luge rendue, je marche un peu pour me dégourdir les jambes, Heidi toujours à mes côtés. Le ton toujours hésitant, je décide de conclure cette expérience. « C’était cool, merci d’avoir accepté. » J’imagine qu’elle a probablement du stresser plus que moi, mais j’espère quand même sincèrement qu’elle a apprécié le détour.