I left my hand and my heart on the dancefloor (Sól)

|	I left my hand and my heart on the dancefloor ; ft. Heidi

— Ce petit moment de philosophie de comptoir sort de nulle part, mais elle n’est pas tout à fait certaine que ça soit faux non plus. Heidi semble réfléchir pour de vrai à ses paroles lancées sans trop de réflexion, mais elle, elle n’est plus que lasse. Encore une fois, l’ancienne amie revient à la charge avec ses idées pacifiques, nobles et vertueuses. Ce sur quoi elle aurait pu cracher, prenant pour excuse une certaine hypocrisie, incapable de laisser sa rancune s’en aller pour de bon. « Mh. » Sans relever les yeux tout de suite, elle marmonne comme simple réponse, incapable de formuler sa pensée. L’alcool l’embrouille, et sa volonté s’effrite un peu plus à chaque fois qu’elle frissonne à cause de la température ambiante. Oh, comme elle aurait aimé être capable de tenir la barre contre vents et marrées, mais il faut croire que la vie en a décidé autrement ce soir. « Ça commence à être fatigant de se battre contre tout le monde, de toute façon. » Après cet aveu à demi-mot, elle ne sent pas son cœur plus léger, ni le poids de sa culpabilité s’envoler. Quand est-ce que c’était, la dernière fois qu’elle a pu être avec quelqu’un, se réconcilier ou seulement accepté de laisser couler les choses pour éviter d’avoir à répondre avec sa hargne habituelle ? Elle ne sait plus. Peut-être que maintenant, il est enfin temps de se taire et de hocher sagement la tête.
Avec moins d’émotions contradictoires, elle s’autorise à tourner la situation en dérision quand Heidi évoque ce que leurs soirées auraient pu être sans tout ça. C’est étrange de rire de concert à nouveau avec elle, presque comme si rien ne s’était passé – elle ne sait pas si le temps guérit toutes les blessures, mais on dirait qu’il a déjà commencé. Le sourire un peu goguenard et le sourcil levé, elle fait mine de ne pas comprendre pourquoi son ancienne amie fait soudain semblant d’être sur la défensive. « Bah quoi ? Ce n’est pas la peine d’être gênée, tu as le droit d’avoir tes envies. Ou d’avoir changé quand je ne te regardais pas. » D’un rire de bon cœur, elle se calme doucement en réalisant ce qu’elle vient de dire. A chaque fois qu’elle a croisé Heidi depuis son arrivée ici, elle a été aussi agacée qu’énervée de voir qu’elle était toujours la même – et peut-être, sans se l’avouer, rassurée également. Mais maintenant, elle se rend compte qu’il est possible qu’elle se soit trompée. « Tu serais surprise de savoir à quel point se poser sur le canapé devant Netflix après une soirée, c’est agréable. » Elle non plus, n’est plus exactement la même qu’avant. Si elle n’est pas du genre à refuser une soirée, elle boit quand même moins, elle s’oublie moins dans ces fêtes qui n’ont ni queue ni tête, elle se laisse moins porter par le monde de la nuit. Toujours les mêmes, mais pas exactement non plus ; elles se ressemblent encore tant.
Et puis, après un nouveau silence où retombe encore la bonne humeur pendant quelques secondes, elle pose encore une fois les yeux sur Heidi. L’air surpris, elle semble réaliser en même temps que les mots qu’elle entend. « Aah… C’est vrai qu’on n’est pas à Fredelig. » Une petite moue sur le visage, elle entreprend de vérifier l’heure sur sa montre. Elle a perdu la notion du temps ce soir, elle ne saurait dire si le lendemain est déjà là ou s’il est encore presque tôt. Avec un peu de retard, elle s’aperçoit soudainement qu’elle n’a rien au poignet avant d’éclater de rire. « Je n’ai pas l’heure. » De manière assez indélicate, elle approche son bras du visage de son ancienne amie comme si elle ne pouvait déjà pas constater ça elle-même de là où elle est. Même pas étonnée par la proposition, elle se laisse docilement embarquer dans cette histoire de taxi. Elle n’allait pas rentrer à pieds, quand même. « D’accord, mais il faut que j’aille récupérer mes affaires au vestiaire avant. » Amorçant un pas vers la porte, elle s’arrête dans son élan, persuadée que Heidi est bien moins bourrée qu’elle, et va par conséquent, se charger de tout ça. « Tu peux lui demander de te déposer en premier, je vais payer. Ce n’est pas comme si j’étais près de mes couronnes. »

|	I left my hand and my heart on the dancefloor ; ft. Heidi

— Hochant la tête doucement, il faut bien qu’elle admette qu’Heidi a un bon point là. « Mmh, c’est vrai. Je ne t’aurais pas imaginée faire ça comme petit boulot. » L’air pensif et une petite moue sur le visage, elle se surprend à imaginer son ancienne amie dans diverses situations pour enfin tomber sur celle qui lui paraît la plus naturelle. « Plutôt… travailler dans une librairie, un truc dans ce genre là. » Elle renifle et fronce le nez, comme une façon de conclure ou de reprendre une contenance. Sans savoir si Heidi est sortie de sa coquille grâce – ou à cause – de ses sages enseignements ou si ce n’est que le déroulement logique des choses, elle est trop bourrée pour prendre des pincettes de toute façon. Laissant échapper un soupir amusé aux détails peu ragoutants, elle s’autorise à approuver cette fois. C’est vrai que selon l’humeur et la compagnie, aller dans un bar peut être une meilleure façon se passer sa soirée. « Ah, ça a ses avantages ! Mais des fois, c’est bien aussi ne rien pouvoir entendre. » Quand on veut arrêter de penser, par exemple.
Il y a un moment de flottement un peu bizarre quand Heidi plaisante à propos du fait qu’elles ont chacune pris les habitudes de l’autre. Quelque part dans le coin de sa tête encore un peu lucide, elle a l’amère impression qu’il faudrait qu’elle soit vexée par cette remarque, mais ce n’est pas exactement ce qu’elle ressent. Un mélange étrange de doute et de difficulté à assumer, mais ce n’est pas tout à fait faux. « Peut-être. » Elle détourne poliment les yeux, incapable d’élaborer sur le sujet ; elle aurait préféré en rire et prétendre avoir oublié le lendemain, ça c’est sûr.
Après sa petite fixette sur sa montre inexistante et un échange de ricanement assez peu gracieux, elle observe Heidi vérifier elle-même l’heure sur son téléphone. Tandis que son visage est éclairé par la lumière bleuté, elle ouvre de grands yeux étonnés en réalisant qu’il est bien plus tard que ce qu’elle pensait. « Ooooh. C’est beaucoup. » Interrompue dans son mouvement, elle se décale sagement sur le côté en comprenant que sa camarade va s’occuper de récupérer leurs affaires. « Oui, il doit être… » Elle s’arrête un instant pour tâter les bords de sa robe, avant de se rendre compte qu’elle n’a pas de poches. Elle fronce les sourcils, concentrée quand elle pense à fouiller sa petite pochette assortie, et ressort triomphante avec son ticket de vestiaire entre les doigts. « Par là ! » Elle le lui donne et se repositionne dos au mur, soulagée de pouvoir rester au frais même si les frissons commencent à se multiplier. « Je t’attends ici alors. »

|	I left my hand and my heart on the dancefloor ; ft. Heidi

— Un peu déphasée, elle regarde Heidi s’éloigner à nouveau vers l’intérieur de la boîte de nuit en clignant des yeux doucement. C’est vrai que l’alcool commence à l’étourdir et la fatigue n’aide pas. Elle attend sagement, presque prête à compter les aspérités dans le goudrons au sol pour faire passer le temps. Heureusement, elle n’a pas à en arriver là puisque son amie revient assez vite. « Merciii. » Récupérant ses affaires d’un geste, elle lui rend aussi son sourire avant d’enfiler son manteau avec toutes les difficultés du monde. Elle hoche simplement la tête quand Heidi lui indique que les taxis ne sont pas loin – trop occupée à se démêler de ses propres manches. Si ça ne tenait qu’à elle, elle aurait appelé un uber pour qu’on vienne la chercher juste ici, mais elle veut bien se résoudre à marcher jusqu’au bout de la rue pour cette fois.
Prise de court, il lui faut un instant pour comprendre que son amie lui tend le bras pour l’aider à marcher. Après un moment de flottement où elle aurait du y réfléchir au lieu de constater à quel point sa tête est vide, elle se décide enfin à accepter silencieusement. Bras dessus, bras dessous, elles se dirigent alors vers la station d’un pas hésitant et un peu bancal. Elle la laisse choisir le taxi, trop intéressée par la douleur qui commence à naître sur le bord de ses orteils pour s’en préoccuper. Alors qu’elle se glisse en premier dans la voiture, sa tête rebondit violemment contre le bord de la portière. « Outch ! » Elle grimace et jette un regard mauvais en l’air tandis qu’elle fait attention à ce que ça ne se reproduise pas. Glissée plus ou moins habilement vers l’autre place pour laisser Heidi rentrer et s’installer à son tour, elle se penche en avant et s’accroche au siège conducteur devant elle pour s’adresser à leur chauffeur. « Bonsoir, j’habite euh… au Palasset. Et elle, elle habite… » Elle fait la moue et plisse les yeux, comme pour sonder sa mémoire traîtresse à la recherche de la précieuse information, avant d’abandonner. « Euh, où est-ce que tu habites déjà ? » Si déjà, elle a eu du mal à sortir son adresse à elle, celle de son amie ça semble plus que compromis.

|	I left my hand and my heart on the dancefloor ; ft. Heidi

— Juste quand Heidi lui annonce avec fierté qu’elles ne s’en sortent pas trop mal, elle se cogne la tête contre la portière. Après un regard mauvais au responsable de son malheur, elle entreprend de se masser le crâne avec insistance. « Aaah, j’espère que je n’aurais pas une énorme bosse demain matin. » Elle grimace, fronce le nez et adresse une petite moue à la blonde à côté d’elle. Dans le pire des cas, elle pourra toujours faire un procès à la marque de la voiture pour cette horrible conception – mais pour ça, il faut qu’elle pense à regarder avant de rentrer chez elle.
Prise sur le fait quand elle indique les directions au chauffeur, elle hoche doucement la tête en faisant mine de s’en souvenir quand Heidi lui répond. « Ah oui, la rive droite. » D’un air évasif, elle répète – pas persuadée qu’elle ait un jour eu cette information en sa possession. Après un instant de réflexion, elle se souvient de sa proposition de payer le taxi pour elles deux. « Ça m’est égal. » Elle pourra toujours avancer les couronnes pour son amie avant de s’éclipser, alors elle se contente de hausser les épaules.
D’un coup d’œil, elle voit Heidi mettre sa ceinture de sécurité et pense alors à faire de même. Tandis que le début du trajet se fait en silence, la fatigue tombe et elle se met à bailler devant le paysage qui défile à toute vitesse à travers la vitre. Soudainement arrachée à son demi sommeil contre la portière, elle met un temps avant d’assimiler la voix qui lui parle. Loin de comprendre tout le poids que cette phrase aurait pu avoir si elle n’avait pas autant bu, elle répond sincèrement. « Mh, c’était une bonne soirée. » Et puis, elle se surprend à glousser encore une fois. « Et ça va être une bonne grasse matinée aussi ! »

|	I left my hand and my heart on the dancefloor ; ft. Heidi

— La mine boudeuse, elle hoche la tête sans conviction comme une enfant à qui on proposerait un compromis peu satisfaisant. « Mouais, je verrais. » De toute façon, après une cuite et une soirée pareille, elle n’aurait probablement pas eu l’énergie pour faire autre chose de ses cheveux qu’une queue de cheval ou un chignon demain matin.
Du coin de l’oeil, elle voit Heidi partir à la recherche de sa monnaie pour le taxi. Il faudra quand même qu’elle pense à lui laisser un billet, ce ne serait pas juste qu’elle paye tout. Après cet instant de silence confortable qui la berce malgré elle, elle répond à son amie avec un gloussement assez peu flatteur. « J’ai presque envie de passer l’étape de la douche et dormir sur mon canapé, j’ai l’impression que je pourrais m’endormir dans ma baignoire. » La main devant sa bouche pour cacher son sourire espiègle, ce ne serait ni la première ni la dernière fois que ça lui arriverait.
Quand son quartier semble se rapprocher, elle hausse un sourcil à la remarque d’Heidi et finit par accepter d’en sourire. « Il faut que j’y aille avant de me transformer en citrouille. » Elle n’est pas vraiment sûre que quatre heures du matin soit une heure décente pour Cendrillon, mais c’est l’intention qui compte. Brusquement, elle se penche à nouveau vers le siège conducteur et pointe du doigt vers l’extérieur. « Là ! C’est mon immeuble. » Visiblement surpris, le chauffeur s’arrête un peu brutalement mais elle est ravie d’être bientôt chez elle. « Merci, bonne soirée. » Elle ouvre la portière, et une fois ses jambes à l’extérieur, elle marque une pause le temps de fouiller dans sa pochette. Déposant le billet sur le siège près d’Heidi, elle lui adresse un clin d’oeil audacieux et s’extirpe tant bien que mal de la voiture. « A la prochaine. » Avec un dernier signe de la main et un sourire sincère aux lèvres, elle fait ses adieux pour ce soir.
Une fois que le taxi repart, elle s’éloigne en titubant vers la porte de son immeuble. Cette ascension jusqu’au dernier étage ne sera pas de tout repos, mais elle a la sensation de se sentir plus légère pour une fois.