to eternal bliss (ft. paco)

— Sans pouvoir retenir un petit sourire, je le serre un peu plus. Autant par sa réponse, par le fait que j’ai réussi à le faire rire un peu que par la situation, je suis soulagé. La sensation de ses mains sur moi a remplacé le fantôme des souvenirs ; je n’aurais jamais pu imaginer que ça m’aurait tant manqué. Et quand enfin, j’ose poser cette question qui me brise le cœur et me rassure en même temps, je le sens s’échapper doucement de mon étreinte. Désireux de ne pas influencer sa réponse, je le laisse détourner le regard et peser chacun de ses mots sans intervenir. Une de mes mains encore dans son cou, je caresse du bout du pouce la ligne de sa mâchoire comme pour l’encourager. « Je sais. T’en fais pas, c’était pas une question piège. » D’une voix faible et incertaine, je continue pour lui expliquer la raison de ma question – même si je sais bien que de son côté, il ne sait toujours pas pourquoi j’ai voulu me marier avec lui. Et tant qu’il ne me demandera pas… je ne peux pas lui dire, pas quand il m’a fait savoir si clairement qu’il ne le voulait pas. « C’est juste que… je veux pas que ce soit faux. Pas avec toi. » Je pince les lèvres pour ravaler la boule d’émotion qui menace de s’échapper du bord de mes lèvres. Même si ça me sauve pour le moment, je ne peux plus supporter qu’on soit liés par un mensonge. Je sais que le mariage, ce n’est pas son truc. Et moi, ça m’est égal. Mais si on passe par là un jour, je veux que ce soit pour de vrai.
Pris de court, je reste interdit une seconde avant de laisser échapper un soupir amusé. C’est vrai, cette histoire de lune de miel que je lui avais promise avant de partir. Je secoue la tête avec un sourire, les joues brusquement un peu plus roses. « Oh, bah… ça, il nous reste toujours un peu de temps pour y remédier. » A moitié malicieux, à moitié angoissé d’avoir mal interprété la situation, je m’avance doucement vers son visage ; les yeux fiévreux et les mains moites, comme un adolescent désemparé. Est-ce que je devrais le faire, est-ce que je devrais l’embrasser ? Est-ce que c’est ce qu’il veut ? Moi, je brûle de l’intérieur et j’en meurs d’envie – depuis des semaines. Mais mes lèvres à quelques centimètres des siennes s’arrêtent, pleines de doutes. Je vais trop vite. J’ai supplié pour qu’on prenne notre temps et voilà que je cède à mes pulsions les plus primitives. Presque honteux, je n’ose pas bouger alors que je sais pourtant qu’il doit sentir mon souffle irrégulier contre sa peau.

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— La seule chose à laquelle je pense quand je plonge mes yeux dans les siens alors qu’il m’évite, c’est à quel point je l’ai cherché. J’ai utilisé ces mots-là, j’aurais du m’attendre à cette question en sachant très bien que je lui devrais la vérité. Même si c’est difficile, même si c’est désagréable d’avoir la sensation d’être mis à nu – le cœur à vif et les sentiments à fleur de peau. De tout ce que son corps me hurle en silence, c’est ça qui en ressort. L’ironie fait que sa façon de me mettre au pied du mur s’échappe en premier. Déglutissant difficilement, je prends mon courage à deux mains pour ne pas détourner le regard et suivre le sien. « … Oui. Je veux pas être ton faux mari, je veux être ton vrai mec. » Malgré ma voix faiblarde et incertaine, je crois en chacun des mots que je prononce. Je sais qu’il ne voudrait pas se marier, que les conventions sociales le débectent. Et moi… je serais tout aussi heureux d’être avec lui, marié ou non. Je sais que je le tiens en laisse avec ces faux papiers et il est temps de le libérer. On ne gagne rien à rester comme ça – mis à part ma sécurité, peut-être.
Loin de ces préoccupations-là, je me jette dans l’ouverture qu’il me tend. Mais bien vite rattrapé par mes doutes, je laisse mes gestes en suspens comme une proposition maladroite. Il me semble que le temps s’étire à l’infini alors que je n’ose pas bouger, trop effrayé à l’idée de continuer et trop frustré pour pouvoir fuir. J’attends, j’attends qu’il fasse le reste du chemin. Et il le fait, dans une violence dont je ne peux que trop bien imaginer la raison. Mais contre ses mouvements brutaux, la douceur de ses lèvres est sans égale. Je me laisse fondre contre lui, n’opposant aucune résistance tandis qu’il mène le combat avec tant de hargne. Je peux le sentir, je peux tout sentir ; c’est pareil pour lui. Il ressent exactement la même chose que moi quand un soupir de soulagement m’échappe et qu’un gémissement de sa part meurt dans ma bouche. Mon cœur tambourine contre ma poitrine à tout rompre, je ne serais même pas étonné qu’il déchire ma poitrine pour en sortir. La torsion dans mon ventre, qui se fait à la fois douloureuse et délectable, ne fait que raviver chacune des flammes éteintes depuis la dernière fois que je l’ai embrassé.
Brusquement, à bout de souffle, je dois m’écarter pour prendre une bouffée d’air. Les yeux écarquillés, une tension étrange se dissipe alors que mon corps tout entier semble enfin atteindre un repos dont il a si longtemps été privé. Je souffle, doucement, incapable de détourner le regard alors que mes mains restent accrochées dans son dos. « Je suis pas vraiment doué pour… aller doucement, hein ? » Finalement, c’est un sourire contrit qui se dessine sur mes lèvres. J’ai voulu qu’on fasse les choses bien, qu’on prenne notre temps. Et voilà que c’est moi qui cède le premier ; je dois lui paraître pathétique et pourtant, je n’en ai rien à faire pour le moment. « Je fais de mon mieux, j’essaye de… faire mieux. Mais en fait, je sais pas ce que je fais. Désolé. Peut-être qu’on aurait du continuer à faire les choses à ta façon. » Parce que ça a marché, pour un temps. Et puis, j’ai voulu… je ne sais pas. Plus.

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— Un soupir à la fois amusé et gêné m’échappe, je ne peux pas empêcher mon cœur de s’emballer devant son sourire. Quelque part entre tous les moments les plus difficiles entre nous, il reste encore les papillons dans ma poitrine – comme au premier jour. Je n’aurais jamais cru ça possible, de continuer à aimer quelqu’un à ce point après tant d’épreuves. Je me suis toujours attendu, malgré moi, à ce que la passion s’effrite et s’efface avec le temps mais rien ne s’est passé de cette façon. Hochant doucement la tête, j’encaisse sa réponse – soulagé. On est de nouveau ensemble, pour de vrai. « On divorce, alors. » Une main caressant le bas de sa joue, j’espère cacher suffisamment le léger tremblement que l’angoisse me provoque. Il ne m’a toujours pas demandé ce que je gagnais à être marié avec lui et je n’ai pas le courage de le lui jeter en pleine face après qu’il ait clairement dit qu’il ne voulait pas savoir. C’est compliqué. J’aurais peut-être un peu de répit le temps que l’information remonte jusqu’à ma famille, mais je doute qu’il n’y ait aucune conséquence à ça.
Je ne veux rien oublier, je ne veux pas faire comme si ces deux années n’avaient pas existé. Et faire de notre mieux, c’est la seule chose qu’on puisse faire. Mais aller doucement, ça ne marche pas. Je pensais pouvoir me protéger comme ça et pourtant, c’est moi qui cède – incapable de résister à la tentation. Tant mieux, tant pis. J’écoute sa respiration, je sens son odeur ; sa présence à mes côtés qui reprend délicatement sa place. Bercé par ses caresses, je soutiens son regard un instant, jusqu’à ce qu’il ferme les yeux. Alors, je dépose un doux baiser sur le coin de ses lèvres avant de me lover dans ses bras. Son contact m’a tellement manqué que je ne peux plus m’en passer. J’en redemande constamment, comme s’il allait s’évaporer entre mes doigts. « Est-ce que tu veux le dire à… Bastien ? A tes autres amis ? » La question subsiste encore dans ma tête ; on s’est mariés dans le plus grand secret et on va probablement divorcer de la même façon, reste à savoir si on a besoin de temps pour s’afficher en public ou non.

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— D’abord, je suis pris de court. Un instant de flottement entre nous quand je passe et repasse les mots dans ma tête pour essayer de leur donner un sens. Juste un moment de répit avant de lui avouer – puisque maintenant, il veut savoir. Mais le temps que j’y réfléchisse, il continue. Je cligne des yeux plusieurs fois, comme pour chasser la gêne ou reprendre une contenance, tandis qu’il s’éloigne. Avant que mon silence ne nous déchire à nouveau, je pince les lèvres et anticipe ma propre réponse. « J’en avais besoin. J’étais coincé, il me fallait une porte de sortie et toi aussi. Le mariage, c’était le plus simple et le plus rapide. Et c’est… égoïste et injuste de te piéger là-dedans alors que tu détestes ça. Et je le sais. C’est pour ça que je peux plus continuer, je peux pas te faire ça. » Je soupire et grimace légèrement. « Désolé que ce soit si… pragmatique. » Sans savoir s’il aurait aimé une explication plus romantique ou si même ça lui suffira, je serre les dents en considérant la suite. Pour ça aussi, il mérite de savoir. « Tu sais, je… C’était un mauvais timing, on a pas forcément eu cette conversation au meilleur moment. Je t’ai dit que je voulais pas emménager dans le penthouse et je veux toujours pas. Avant de… fuguer, j’ai jamais eu d’endroit qui était vraiment à moi, où je pouvais prendre les décisions et me sentir chez moi. Je suis pas prêt à laisser mon appartement, je veux pas partir. Mais ça veut pas dire que je veux pas vivre avec toi… » Fermant les yeux, je prends une longue inspiration. Le sujet est épineux, je sais que ça lui tient à cœur et je pèse tous mes mots – mais je ne peux pas lui donner ce qu’il voudrait juste pour lui faire plaisir. Pas quand c’est si important pour moi aussi.
Entraîné dans le mouvement, je ne résiste pas et me laisse tomber avec lui. Le monde pourrait disparaître que je ne le remarquerais même pas, allongé comme ça. Je hoche la tête doucement à sa réponse ; au-delà de la question d’être out pour moi, je n’ai jamais été très démonstratif ou friand des preuves d’amour en public. « Pas vraiment, non. » La voix douce, je sais quand même que cette fois-ci, ce sera moins un problème de s’afficher ensemble. Ma sœur est au courant pour ce mariage, mais je ne lui ai pas encore dit qu’on était de nouveau en couple – je ne sais pas si c’est une question d’oser ou de redouter. Et le reste des gens… Je ne sais pas, je ne suis pas du genre à faire des annonces générales.

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— En temps normal, c’est déjà compliqué de m’exprimer mais là… je marche carrément sur des œufs. Et il s’en rend compte, évidemment qu’il s’en rend compte. Je peux voir dans ses yeux qu’il n’a pas l’intention de me laisser parler aussi vaguement. Lui donner de l’argent directement ? « Et tu aurais accepté ? » Il a refusé toute l’aide que j’ai voulu lui apporter avant ça, évidemment qu’il aurait refusé. Mais ce n’est pas pour ça que le mariage était nécessaire. Presque un chuchotement entre mes dents, je sens mon regard s’adoucir. « Je ne t’ai obligé à rien. J’ai proposé et tu as accepté. » Comme si quelqu’un sur cette planète pouvait obliger Paco Lombardi à faire quoi que ce soit contre sa volonté.
L’ironie dans tout ça, c’est que je n’ai même pas à le dire à haute voix pour qu’il comprenne. Je hoche doucement la tête, l’air à la fois douloureux et grave. Gardant le silence face à son rire nerveux qui me transperce la poitrine, je ne sais même plus à quoi m’attendre. Cette fois, c’est à lui de s’échapper. Et puis, interdit un instant, je lève un sourcil perplexe. « … Quoi ? » Une grimace blasée se dessine sur mon visage. « C’est tout ce que t’as à me dire ? » Je déteste ça. Je déteste qu’il baisse les bras et s’imagine immédiatement que tout est joué sans même me demander ce que moi, j’en pense. Ce n’est pas lui, le pessimiste, entre nous deux. « Paco ?! » Sans plus réussir à me retenir, je lève les yeux au ciel et attrape son visage entre mes mains. « Tu sais, t’es vraiment très frustrant quand tu t’y mets. » Il va m’entendre, il va me regarder – il va comprendre.
Malgré l’agacement et la frustration, je prends une longue inspiration pour garder mon calme. On vient de se retrouver, on est enfin ensemble ; je ne suis pas prêt à le laisser me filer entre les doigts, pas encore. « Personne ne m’a donné de temps, d’accord ? Personne. Je suis là parce que je suis parti. J’ai fugué. Deux fois, même. J’ai du me la jouer James Bond pour revenir à Bergen et tu crois que je vais y retourner ? Pas moyen, non. Je vais jamais l’épouser, cette fille. Et ils peuvent me forcer à rien tant que je suis ici. » Je rapproche mon visage du sien, presque une confession intime et secrète. « Enfin, je crois pas. J’imagine qu’ils peuvent toujours utiliser la force ou… me kidnapper ? Ou kidnapper ma sœur. C’est… improbable mais pas impossible. Et si ça arrive, je compte sur toi pour venir me sauver plutôt que de ruminer des trucs pareils. » L’intensité brûlante dans mes yeux dans je cherche une réponse dans les siens, l’espoir dégoûtant qu’il me dise qu’il ne me laissera pas tomber, la désillusion passagère que je pourrais être avec lui pour le restant de mes jours ; tout se mélange dans ma tête quand j’entrouvre les lèvres, comme pour ajouter quelque chose, mais que rien ne vient.

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— Un soupir m’échappe, la colère avec. « Je sais pas, n’importe quoi mais pas ça… » Je préférerais encore qu’il s’énerve plutôt qu’il se résigne. Cette attitude défaitiste, cette idée qu’il a que la direction que ma famille veut pour moi, c’est forcément celle que je vais prendre, tout ça me dépasse. J’ai fugué deux fois, quelle preuve lui faut-il encore pour qu’il réussisse à croire que c’est avec lui que je veux être ? Je ne peux même pas lui en vouloir tellement j’ai de mal avec tout ça ; on dirait que je ne fais rien comme il faut et que c’est lui qui en paye les conséquences.
Avec pour seule réponse à ma supplication sa prise qui se serre sur mes bras, je comprends sans avoir besoin de mots. Je crois qu’on en a tous les deux déjà suffisamment dit. Son visage dans mon cou, je sens sa respiration quand il vient se blottir contre moi. Et je caresse doucement son dos, la voix comme un murmure. « Je suis là, je vais nulle part. » Une promesse à lui autant qu’à moi, cette fois je ne vais pas me laisser faire. Même si on doit divorcer, même si je dois me débrouiller, même s’il doit venir me sauver un jour.

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