Was tryna play it smooth + Sven

— Combien de fois ai-je emprunté cet ascenseur le cœur léger ? Aujourd’hui, l’ambiance est cependant toute autre. Hier soir, j’ai eu cette étrange sensation, ce sentiment qu’il se passait quelque chose dans mon dos. Pas que je sois de nature très anxieuse ou jalouse, mais avec tout ce qu’il s’est passé entre Paco et moi… c’est comme si mon sixième sens refusait de me laisser tranquille. Si j’ai lâché l’affaire par messages en supposant qu’il s’était endormi, l’absence de réponse même le lendemain s’est faite plutôt douloureuse. Alors me voilà, en direction de chez lui, avec de la nourriture à emporter dans un sac en plastique sans même savoir pourquoi – ce n’est pas l’heure de manger. On a tous les deux été plutôt occupés ces derniers temps ; il a aussi voyagé. Je ne devrais pas m’en faire. Je ne devrais vraiment pas. Et pourtant, je ne peux pas m’en empêcher. Celui qui fuit, c’est moi. Pas lui.
Tapotant nerveusement mes doigts déjà moites contre le tissu de mon pantalon, je ne sais pas si je préférerais que la cabine aille plus ou moins vite. Au final, les portes s’ouvrent avant même que j’ai pu trouver une réponse à ce dilemme pour me laisser entendre un bruit de fond dans l’appartement – la télévision, peut-être ? En tout cas, j’aurais l’air fin à me pointer ici si c’est Bastien qui est là. Peut-être que j’aurais mieux fait d’aller voir à l’atelier en premier… Non, trop tard pour faire demi-tour. Autant tenter ma chance. Après m’être éclairci la gorge, je lance un appel d’une petite voix incertaine. « Euh… Paco ? T’es là ? C’est moi. » Et maintenant, je tends l’oreille pour guetter un indice concernant l’identité de la personne présente.

design ϟ vocivus // icons ϟ olympia

— La première personne qui me répond, c’est d’abord le chien qui vient m’accueillir comme l’excellent hôte qu’il est. Souriant doucement à l’animal, je m’accroupis une seconde pour caresser sa fourrure et répondre à sa salutation. « Hey, salut toi ! Désolé, je dois sentir le chat. » Brusquement, je relève la tête en direction de l’appartement quand j’entends des bruits d’agitation et de pas pressés. On dirait que j’ai dérangé quelqu’un… ? Et maintenant, l’eau se met à couler dans la salle de bain. Un sourcil perplexe levé, je scrute la pièce sans oser ni bouger ni penser. Qu’est-ce qui se passe, ici ? Quand la voix de Paco retentit à travers la porte, je suis à la fois soulagé et encore plus déconcerté. Haussant le ton pour qu’il m’entende malgré l’eau qui coule, je ne peux masquer les doutes dans ma voix. « Euh… D’accord, je t’attends. » J’avance à pas prudents vers la salle de bain, les méninges tournant à toute allure. Et puis, je m’adosse au mur près de la porte et commence d’un ton hésitant. « Paco… ? Est-ce que tout va bien ? » Non, ce n’est pas la question que je veux poser. La poitrine serrée, je jette un coup d’œil inquiet à Taiyo avant de me lancer, puisant dans le peu de courage que j’ai. « Est-ce que… Est-ce que tu m’évites ? Non parce que si c’est le cas, je préférerais que tu me le dises. Histoire de savoir, quoi. Et euh… Est-ce que j’ai fait quelque chose ? » Ah, mon élocution légendaire ne me fait pas défaut à cet instant où je m’emmêle les pinceaux de façon ridicule, à avoir une conversation à cœur ouvert à travers un mur et une tonne de vapeur. La gorge nouée, j’ai à la fois honte d’être comme ça et peur d’avoir raison.

design ϟ vocivus // icons ϟ olympia

— Un long moment de flottement s’étire entre nous et pendant une seconde, je songe même qu’il n’a pas entendu mais je ne me sens pas la force de répéter. Heureusement ou pas, il finit par me répondre à travers la porte. Pourquoi, pourquoi lui demander si ça va ? Est-ce que je me serais monté la tête pour rien ? Peut-être que tout ça n’est qu’une suite d’événement sans aucun rapport et que je me suis fait des idées depuis le début. Je prends une longue inspiration après avoir entendu son léger rire, à peine plus détendu. « Ah… oui, c’est vrai. Désolé, c’était débile, j’ai juste… Je sais pas. » Un rire nerveux m’échappe et je hausse les épaules – tendu. Mais mon sourire s’efface quand je réalise que la dernière partie de ma tirade reste sans réponse. « T’as pas répondu à ma question. » Est-ce que c’est ma faute, est-ce que je ne m’en serais pas rendu compte ? Je me laisse glisser contre le mur pour m’asseoir par terre et pose le sac à côté de moi – essayant tant bien que mal de tenir à distance le chien curieux. « Ça te gêne que je sois venu sans prévenir ? » Ça n’a jamais été un problème, mais avec la distance de ces dernières semaines et les marques qu’on a eu du mal à reprendre entre nous ça en est peut-être devenu un. Et je m’en voudrais terriblement de tout faire foirer à cause d’une bêtise pareille quand j’ai enfin une vraie chance de construire quelque chose avec lui.

design ϟ vocivus // icons ϟ olympia

— Même si je m’étais préparé à cette réponse, ça ne peut pas empêcher ce pincement qui malmène mon cœur. C’est à la fois une claque et une douche froide, tellement que je lui suis reconnaissant d’être derrière ce mur. Au moins, comme ça, il ne peut pas voir mon visage se décomposer. « … Oh. » Je doute qu’il m’entende tellement ma voix s’est faite faible et incertaine. Et je me crispe, les lèvres pincées, avant de lâcher un soupir déçu. Oui c’est vrai, c’est moi qui ai demandé à ce qu’on y aille doucement, à ce qu’on fasse les choses de façon plus… normale. Donc ce serait injuste de lui en vouloir pour ça.
Sa question tourne et virevolte dans ma tête sans me laisser une seconde de répit. Pourquoi est-ce que je suis là ? Parce qu’il me manquait, parce que j’étais terrifié, parce que je voulais l’embrasser, parce que j’avais un mauvais pressentiment, parce que je l’aime et que je ne veux pas le perdre sans m’en rendre compte – le laisser me filer entre les doigts. Mais comment exprimer ça, comment mettre des mots sur le sentiment qui me dévore la poitrine et me laisse un trou noir en plein milieu du ventre ? Hésitant et maladroit, je me relève lentement avant de me racler la gorge. Il va bien falloir que je me lance, à un moment donné. « Je suis là parce que… je m’inquiétais. J’ai l’impression qu’il se passe quelque chose mais j’arrive pas à savoir quoi et euh… je sais pas, je voulais juste te voir. Parce que tu me manques. » Les mots sortent hachés et désordonnés, mais enfin, ils sortent. Passant une main un peu moite dans mes cheveux pour reprendre une contenance face au regard de jugement que me lance le chien, je m’approche de la porte. « Mais je peux repartir, si tu préfères. » La gorge nouée, je me tiens droit devant la porte avec tous les doutes du monde. « … ou rester. » Presque une supplique plus qu’une proposition, j’attends sa réponse avec la mâchoire serrée.

design ϟ vocivus // icons ϟ olympia

— Je me sens si bête, planté là devant la porte à guetter le moindre mouvement, le moindre son – à sentir mon cœur battre à la chamade quand l’eau s’arrête de couler. Plusieurs secondes s’écoulent lentement, à tel point que je commence à prendre ça pour une réponse silencieuse, une indication que je devrais m’en aller. Mais brusquement, je peine à retenir un petit sursaut quand la porte s’ouvre. Si d’abord, c’est un regard plein d’espoir et un demi-sourire qui se mettent à flotter sur mon visage, je déchante bien vite. De l’anxiété classique à un autre genre d’inquiétude, je laisse mon regard glisser sur toutes ces blessures – je n’en avais aucune idée. Et en fait, ça explique bien des choses ; à tel point que j’en suis presque soulagé malgré moi. Évidemment, j’aurais préféré qu’il me le dise et j’ai un million de questions en plus d’une légère envie de vengeance mais j’essaye de me persuader qu’il ne voulait simplement pas se montrer comme ça. Les sourcils un peu froncés et soucieux, je fixe la marque la plus impressionnante sur son cou. « Est-ce que ça fait mal ? » De ma main libre, j’avance doucement vers la sienne dans un geste d’une tendresse infinie, comme on tenterait de rassurer un chaton blessé. « Sors-moi le désinfectant, je vais t’aider. » Quand je vois l’état de sa lèvre fraîchement rouverte, je me dis que les questions peuvent bien attendre un peu.

design ϟ vocivus // icons ϟ olympia

— Sans savoir si je suis censé faire semblant de le croire quand il me dit qu’il n’a pas mal, je ne relève pourtant pas. Peu importe, ça ne va rien changer qu’il me le dise ou non et j’en ai déjà une petite idée. Tandis que j’amorce un geste vers lui et que je lui propose de jouer les infirmiers, je me renfrogne doucement à son refus. Je le laisse s’échapper une seconde, juste le temps de trouver un stratagème pour qu’il se décide à obtempérer. « Comment ça ? Non, c’est pas bon du tout ! » La mine faussement boudeuse, je fais la moue comme un enfant et lui lance un regard à peine réprobateur en croisant les bras contre ma poitrine. « Je te préviens, si tu te soignes pas et que ça s’infecte, je t’embrasse plus. T’es prêt à assumer les conséquences de ce choix ? » Et je lève un sourcil comme si je venais de gagner le débat le plus stupide au monde avant de me retourner vers l’armoire de la salle de bain sans demander mon reste.
A la recherche de ce qui pourrait ressembler à du désinfectant et du coton ou une trousse à pharmacie, je déglutis doucement en espérant que ça fonctionne – ou qu’au moins, ça le fasse un peu rire. Les doigts hésitants sur le bord  des étagères et l’émotion de retour en travers de la gorge, j’ouvre et referme la bouche plusieurs fois avant de me lancer, profitant d’être dos à lui pour oser dire quelques mots un peu moins légers. « Tu sais, je suis pas stupide. Je me doute bien que vu les efforts que t’as fait pour me le cacher, tu comptais pas m’en parler… ni m’expliquer ce qui s’est passé. Mais je… j’ai quand même besoin de savoir. Est-ce que c’est à cause de moi ? Parce que t’es avec moi et que je suis pas une fille ? » Il pourrait s’être battu ou s’être fait agresser pour un million de raisons différentes, mais l’homophobie serait celle que je supporterais le moins, je pense. J’en viens presque à espérer que ma famille ait engagé des gros bras pour lui faire peur – au moins, je pourrais me déchaîner sans craindre quoi que ce soit qui n’ait pas déjà été fait.

design ϟ vocivus // icons ϟ olympia

— Je ne l’entends ni râler ni soupirer, alors je prends ça comme un bon signe. Au moins, ça aura peut-être eu le mérite de le rassurer sur mes intentions ; même si je meurs d’envie de savoir ce qu’il s’est passé, je le laisserais m’en parler quand il le voudra… si ça arrive un jour. Ma grande quête pour la trousse à pharmacie touche à sa fin en même temps qu’il se décide à me répondre. Je marche sur des œufs et je ne dis rien directement – c’est un sujet encore délicat, pour moi. Je ne devrais pas être soulagé que la raison de ses bleus ne soit pas l’homophobie, après tout, il s’est quand même fait taper dessus. Et pourtant, je me dis qu’autre chose pourrait être plus facile à résoudre ou à éviter. Hochant doucement la tête, je sors de la salle de bain pour le trouver adossé au mur. Les sourcils vaguement froncés et l’air réprobateur sur mon visage ne suffisent pas à outrepasser l’inquiétude et la tendresse dans mes yeux. « J’espère que tu t’attends pas à ce que je t’encourage. » Je sais, je suis fidèle à moi-même dans mon côté rabat-joie, mais je ne peux décemment pas l’inciter à se battre à nouveau avec des félicitations. C’est déjà bien trop douloureux de regarder la marque sur son cou pour que je doive m’y habituer. Levant le bras avec le nécessaire, je lui indique son lit d’un vague mouvement de tête. « Va t’asseoir, je m’occupe de toi. »

design ϟ vocivus // icons ϟ olympia

— Le nez froncé, je fais mine de secouer la tête comme si j’étais déçu mais je suis lucide. Je sais bien que quelqu’un d’autre le poussera à recommencer si ce n’est pas moi mais je veux qu’avec moi, il n’y ait rien de violent. Quelque part, c’est rassurant de me dire qu’on peut rester tous les deux dans notre espace, loin du reste du monde, même si parfois ce n’est que pour que quelques minutes. « Je suis pas contre une bonne vieille vengeance. Juste… sois créatif. » Cette fois, je laisse mes lèvres s’étirer en un sourire complice au sien.
Étouffant un soupir amusé, je le suis près du lit et m’assois à côté de lui. Je sais bien qu’il n’a rien d’un garçon sage mais je préférerais que cette partie là reste dans le passé. Tapotant doucement avec mon coton plein de désinfectant sur sa lèvre fendue, je remarque sans mal qu’il a l’air un peu ailleurs. Soit, il a plus mal qu’il ne veut bien l’avouer et fait semblant de rien, soit il a quelque chose en tête. Un peu désireux de continuer à alléger l’atmosphère, je me surprends à combler le silence avec une question sans intérêt. « Tu penses que tu m’aurais remarqué, si j’avais été là quand t’étais à Paris ? » Une autre question pleine d’hypothèses, c’est : est-ce que moi, je l’aurais remarqué ? Le timing de notre rencontre était particulier, autant pour lui que pour moi. Est-ce qu’on se serait passé à côté sans se voir, si on s’était rencontrés plus tôt ?

design ϟ vocivus // icons ϟ olympia

— Laissant échapper un soupir amusé, je baisse les yeux – presque sage. Pourtant, ce que j’ai en tête est bien loin de l’être. Il sait déjà à quel point je peux me montrer cruel, alors à quoi bon faire semblant ? « Je dis rien du tout. » Alors que je relève le visage pour planter mes yeux dans les siens, un vague sourire se dessine sur mes lèvres. « Juste que rendre les coups de la même façon, c’est pas la seule façon de se venger. Ce serait une coïncidence de dingue s’il se réveillait un matin et que les pneus de sa caisse étaient crevés, qu’il trouvait plus son chien, qu’il se faisait virer de son boulot et que toutes les poignées de portes de sa baraque étaient couvertes de colle. Des fois, la malchance s’acharne et on peut rien y faire. Le pauvre, c’est déjà un sacré genre de mauvaise journée en perspective alors imagine si ça devait continuer tous les jours... » L’air faussement apitoyé, je fais la moue. Et la poisse n’a besoin que d’un petit coup de pouce pour se déverser sur quelqu’un. Il nous serait si facile de lui pourrir la vie de la façon la plus simple, presque insignifiante, possible et de faire de son quotidien un enfer qui le rendrait doucement fou.
Un frisson me remonte le long du dos en entendant ce prénom. Pendant une seconde de trop, j’ai oublié son existence – quelle grave erreur. Évidemment, il n’aurait pas posé les yeux sur moi et j’en aurais fait de même. On est si différents, c’est tellement étrange qu’on soit ensemble. Et pourtant… pourtant ça marche. Je ne sais ni comment ni pourquoi, mais on se complète et on s’encourage autant qu’on s’oppose. Je souris avec douceur et baisse la main, mon ouvrage sur sa lèvre abîmée terminé. « Je suis content qu’on se soit rencontrés plus tard, alors. » Est-ce que tout va bien, entre nous ? Je ne sais pas, j’ai à la fois l’impression que oui et non. Je peux dire qu’il se passe quelque chose de son côté et que l’ambiance est terriblement calme du mien – comme avant une tempête – mais je ne peux pas m’empêcher de savourer les quelques instants de repos entre nous.

design ϟ vocivus // icons ϟ olympia

— Amusé, je prends une expression faussement incrédule et recule un peu. « Tu penses que je t’aurais révélé tous mes secrets juste comme ça ?! Non, je te réserve bien mieux que ça. » Difficile de ne pas craquer et sourire en coin, je n’ai jamais été un très bon acteur. Mais peut-être que c’est mieux comme ça, un peu d’espièglerie et de faux mystère pour enterrer tout le reste. Ça ne suffit pas à guérir tous les maux mais ça allège au moins l’atmosphère quand j’affiche une petite mine à la suite. « Ouais, je m’en serais douté. » Je soupire doucement et détourne le regard, conscient que je n’arriverais pas à le persuader d’abandonner. « Fais ce que t’as à faire mais te fais pas frapper. Et ne le tue pas non plus. Je suis intelligent mais pas assez pour t’aider à couvrir un meurtre et ma sœur est dans la police. » Une moue boudeuse sur les lèvres, je referme la trousse à pharmacie et la laisse à côté de nous.
Pendant une seconde, je me noie dans ses yeux sans réaliser que le temps passe. Alors qu’il brise l’instant, je me laisse tomber sur le lit dans un soupir fatigué. « Qu’est-ce qui va pas ? » J’ai tourné la phrase dans ma tête tant de fois que je ne m’entends pas enfin la dire. Je peux sentir qu’il se passe quelque chose, outre ses blessures, mais sans réussir à deviner quoi – un peu comme quand on enfile un sweat à l’envers ou qu’on oublie de se brosser les dents.

design ϟ vocivus // icons ϟ olympia

— Sans savoir sur quel pied danser, je regarde son visage changer et s’échapper à mesure que la conversation se déroule. Presque malgré moi, je me décide finalement à lui demander ce qui ne va pas dans l’espoir d’avoir une réponse honnête. Probablement aussi surpris que lui à la question que je pose, j’attends avec un peu d’appréhension. Mais c’est une toute autre chose qui me tombe sur le coin du nez. Abasourdi à ce qu’il me renvoie, je me redresse brusquement et cligne plusieurs fois des yeux. Et plus il détaille ses interrogations, plus je sens mon visage virer à l’écarlate. D’abord sans voix, je dois secouer un peu la tête pour me remettre les idées en place. « Euh… Bah, oui. Enfin, je veux dire, tu t’es vu ? Je pouvais à peine te regarder dans les yeux quand on s’est rencontrés. » J’ai beau buter sur chaque mot et me servir de cette brutale honnêteté pour garder un minimum de contenance, ce n’est pas très efficace. J’ai la sensation de me noyer dans ma réponse quand je déblatère et je n’arrive pas à m’arrêter. « Et je te parle même pas de m’accrocher à toi pour faire un tour en moto. J’ai cru que j’allais finir en combustion spontanée. » Difficile de continuer à le regarder en avouant quelque chose de si honteux ; je suis bien content que mes cheveux aient suffisamment poussé pour cacher un peu mes yeux à ce moment là. Comme si ça n’était pas déjà assez embarrassant d’être rouge jusqu’aux oreilles. Je sais que c’est une question sérieuse, et c’est pour ça que j’ai répondu sérieusement, mais il n’y a vraiment que lui pour me mettre dans une position pareille. « Ça a pas changé. » Je pince les lèvres pour retenir une moue incertaine et ravaler ma fierté. Est-ce que c'est ce qu'il voulait entendre ? Aucune idée, j'ai dit ce qui me passait par la tête parce que c'était la vérité. Ce ne serait pas la première fois qu’il est inquiet à ce propos, alors j’imagine que je dois vraiment être terrible pour le lui montrer.

design ϟ vocivus // icons ϟ olympia

— Même sans voir son visage, je peux sentir l’atmosphère changer du tout au tout après ma réponse. Un imperceptible mouvement de sourcil et je tique, incapable cependant de mettre le doigt sur ce que j’ai bien pu dire ou faire de travers. Ce soupir qu’il lâche achève de me persuader que c’est bien plus profond que ça mais je reste interdit un instant en le suivant des yeux alors qu’il se lève. Je secoue brusquement la tête, autant pour me réveiller que pour me donner du courage. « Attends ! » Dans le même geste, je me lève en vitesse et m’élance à sa poursuite. Je sens bien qu’il m’échappe, qu’il me glisse entre les doigts – exactement tout ce dont j’ai peur depuis le début.
A peine essoufflé, je me pose devant lui pour lui barrer le chemin sans intention de bouger à moins d’avoir eu des réponses. « Pourquoi… ? Qu’est-ce qui vient de se passer ? » Les yeux grands ouverts et l’air perdu, je secoue doucement la tête de gauche à droite. « Explique-moi… qu’est-ce que j’ai fait ? Je suis pas stupide, d’accord ? Je sais qu’il y a un truc qui va pas mais j’arrive pas à comprendre ce que j’ai dit de mal. Je suis désolé, peu importe ce que c'est, je suis désolé. » C’est si évident qu’il est blessé par ce que j’ai dit ou par ce que j’ai fait que je ne sais même pas pourquoi il prétend que ça ne le touche pas. J’aurais aimé qu’il ne ressente pas le besoin de faire semblant avec moi, mais il faut croire que j’ai merdé – encore.
Détournant les yeux, je baisse d’un ton et laisse échapper un petit soupir douloureux. « Tu sais que je suis nul à ce genre de trucs, alors, s’il te plaît… un petit coup de main ce serait pas de refus. » Et j’avale ma salive avant de reposer un regard suppliant sur lui. Je ne peux pas laisser couler malgré la boule dans ma gorge et mon cœur qui se met à battre à tout rompre, pas après tout ce qui s’est passé entre nous. J’ai besoin de savoir et il a clairement besoin de vider son sac même s’il ne l’avouera jamais.

design ϟ vocivus // icons ϟ olympia