Was tryna play it smooth + Sven

— Ça me prend déjà tout mon courage pour pouvoir ouvrir la bouche, mais je suis bien loin de m’imaginer la quantité qu’il va m’en falloir pour supporter la suite. S’il évite mon regard, je ne compte pas abandonner pour autant. Presque soulagé quand j’entends son soupir qui annonce la fin du silence, j’attends la suite avec plus d’appréhension que je ne l’aurais anticipé. Je peux voir que cette conversation lui coûte autant que moi mais je reste persuadé que c’est mieux que de ne rien dire. Moi qui suis resté muet pendant tant d’années, j’arrive à peine à ouvrir la bouche. Et sa question me prend de court ; à la fois sur le cul et pas vraiment surpris, je hoche doucement la tête. « Euh… » Pinçant les lèvres, je le laisse finir avec un mouvement bref du menton à chaque nouvelle phrase qui me tombe sur le coin du nez. « Oh. » Les yeux qui papillonnent et ma voix qui se brise en même temps que la sienne, je me force à garder les yeux et les oreilles grands ouverts. « Oh… » C’est moi qui ai demandé à savoir, alors je n’ai pas le droit de me plaindre maintenant.
Brusqué par la façon si crue qu’il a de parler de nous, j’avale ma salive et encaisse en réfléchissant à toute vitesse. Les pensées défilent dans ma tête tandis que je fais le lien avec la discussion d’il y a quelques instants et toutes celles qu’on a déjà eues. « Okay, euh… Ça a du sens. » Vaguement inquiet, je continue de hocher la tête. Comme un réflexe, je réponds du tac au tac malgré tous les efforts que je fais pour discipliner mon cerveau. « Si. Si, bien sûr que j’aime ça. Toi. Et euh… C’était vraiment la pipe du siècle ? » Les sourcils un peu froncés et l’air incertain, je penche la tête sur le côté avant de fermer les yeux. Secouant la tête de droite à gauche avec une rougeur de gêne sur les joues, je balaye ça d’un geste de la main. « Désolé, c’est pas important. Je suis concentré, je te jure que je suis concentré. » Après un moment de flottement, je me racle un peu la gorge. « Pardon. » Je prends une longue inspiration et essaye de me détendre un peu – inutile qu’on soit deux au bord de la crise de nerfs. « J’aurais du m’en apercevoir, je suis désolé. » C’est vrai ; on est ensemble depuis si longtemps, avec des hauts et des bas, mais en ce moment on est tous les deux si occupés que je ne lui accorde pas l’attention qu’il mérite. Et je le sais, il ne peut pas vivre avec simplement la certitude que je l’aime sans marques d’amour. Et je suis la pire personne pour ça.
Je me force à respirer calmement, même si les mots ont un peu du mal à s’échapper du bout de ma langue. Gêné et dépassé, je sais bien que ça ne suffit pas alors je rassemble toutes mes forces pour ne pas le planter là. « Ça me vient pas naturellement, je… je peux pas désapprendre une vie à tout réprimer juste comme ça. » D’abord hésitant, je détourne un peu les yeux – autant par honte d’en être arrivé là que d’avouer ça comme ça. Il a tout chamboulé en débarquant dans ma vie, à tel point que je ne pouvais même plus me contenir. Mais maintenant, c’est différent et je suis de retour sur de vieilles habitudes tenaces. « Et je crois que je… j’ai un peu peur, aussi. De… De t’embêter, de faire quelque chose qui te plaît pas, de… d’être ridicule. Je sais pas. De faire un truc de travers et de tout foutre en l’air. » Un bras en travers de la poitrine comme pour me protéger, je frotte l’autre bras pour soulager mon malaise. Et les souvenirs de la façon dont il a repoussé toutes mes avances pendant une longue période remontent malgré le fait qu'on en ait déjà parlé. Pour quelqu’un qui a peur d’être ridicule, me voilà servi.

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— Sa frustration est légitime, mais je fais de mon mieux pour rester lucide et le comprendre. Avec un sourire triste, je lui réponds avec autant d’hésitation que de gêne. « Je sais mais… on a passé du temps séparés et tu m’as aussi… repoussé pendant un moment, à chaque fois que j’essayais de… C’est pas que je suis pas à l’aise avec toi, c’est pas toi le problème. » Je ne sais juste pas ce que je dois faire. Me laisser porter par ce que je ressens, par ce dont j’ai envie ? Probablement, mais c’est bien plus facile à dire qu’à faire.
Soutenant son regard avec toutes les difficultés du monde, il y a quelque chose dans ma poitrine qui se déchire quand j’entends ses mots. Je ne suis pas assez bien pour lui, je ne l’ai même jamais été. J’avale ma salive pour encaisser autant que pour me donner le temps de formuler quelque chose dans ma tête. « Oui, ça en fait partie, pour l’instant. Ça veut pas dire que je veux rester comme ça ni que je vais rester comme ça. Je veux pas être chiant et coincé pour le restant de mes jours. » Il mérite que je sois honnête avec lui ; je l’aime bien trop pour devenir quelqu’un avec qui il ne veut plus rien avoir à faire. Alors je m’accroche, autant que je peux. « Surtout avec toi. » Après avoir humidifié mes lèvres dans un réflexe pour ne pas parler trop vite, j’essaye d’oublier la douleur dans mon cœur et de trouver les mots justes. « Je sais que c’est pas facile pour toi, d’être avec moi. » Je suis du genre distant et il a besoin d’attention, je le savais et je n’en ai pas assez fait pour qu’il se sente bien avec moi. « Et je veux pas rendre ça encore plus difficile. » C’est ma faute s’il se sent mal – blessé. C’est à moi de réparer ça. « Je vais faire mieux. Je vais faire attention à toi, je te le promets. » Un chuchotement léger s’échappe d’entre mes lèvres alors que je me rapproche de lui et je dépose une main pleine de douceur sur sa joue comme pour l’apaiser. « Alors… garde pas ce que t’as sur le cœur pour toi. Dis-le moi, d’accord ? » C’est inutile de le supplier de rester fidèle, il ne marche pas comme ça. J’aimerais que les choses soient agréables et simples entre nous, j’aimerais qu’il puisse se confier sans avoir peur de quoi que ce soit. J’aimerais suffire pour l’avoir à moi tout seul, mais je sais aussi que ça ne dépend plus que de moi.

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— Il y a une vague terriblement douloureuse qui me submerge à ce moment là. Pas le meilleur mec que j’aurais pu avoir ? Je n’ai pas de mots pour lui prouver à quel point il a tort. Je ne m’imaginais même pas être en couple avec un homme, et pourtant, voilà où on en est. Après avoir eu le cœur brisé par une réalisation en filigrane de ses mots, je papillonne des yeux comme si j’allais me casser en mille morceaux rien qu’à l’entendre. Tout doucement, fragile et presque timide, je lui souris avec les yeux pétillants. « T’es la meilleure chose qui me soit arrivée. » Embarrassé par mon propre aveu, je ne détourne pourtant pas les yeux cette fois. Il y a des choses qu’on se doit de dire en face aux gens qu’on aime et je crois que ça, ça en fait partie.
Retenant un soupir amusé, je pince les lèvres pour m’éviter un sourire coupable. C'est plus facile que de me noyer dans son regard plein de cette souffrance que je lui cause. « C’est vrai. C’est ironique que ce soit moi qui dise ça alors que je suis incapable d’aligner deux mots. Fais ce que je dis, pas ce que je fais ? » Et je prends une longue inspiration, chassant du même coup la boule d’angoisse en travers de ma gorge. « On est pas obligés de tout se dire mais je veux plus te cacher des choses. Si tu veux… savoir quoi que ce soit, je te répondrais. » La mine incertaine, je hausse les épaules comme si ça allait me redonner une contenance. « Même si c’est… à propos de ma famille, ou de… Henning, ou… de ce que je ressens ? Oh, celui-là va être dur. » Désespéré de détourner l’attention de ma gêne grandissante, je tente une petite pointe d’humour malgré moi. Bon, ça n’est toujours pas mon fort – on ne se refait pas.

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— Ma tentative tombe à plat, laissant place à un silence de plomb. A la recherche d’infimes indices, de détails qui pourraient me mettre sur la voie quant à ce qu’il pense ou ressent à ce moment là, je l’observe. C’est évident qu’il voudrait savoir sans poser la question, mais c’est si difficile de savoir par où commencer. Mes yeux se baladent partout sur lui jusqu’à tomber sur ses poings serrés. J’avale ma salive et prends une longue inspiration. Je sais, rien n’est réglé. Il y a encore tant de choses qui pourraient nous tomber dessus à chaque instant. « C’est pas grave, pas besoin que ce soit maintenant. » Toujours la voix si faible qu’elle n’est plus qu’un chuchotement, je continue à m’approcher de lui pour le prendre dans mes bras. Comme si j’espérais absorber ses angoisses pour l’en soulager ne serait-ce qu’un peu, je le serre contre moi en prenant soin de ne pas toucher à ses blessures – respirant son odeur et laissant traîner mes doigts dans ses cheveux. « T’as des plans, pour ce soir ? » Je suis venu avec l’intention de manger avec lui, mais l’abandon de mon repas a probablement déjà rencontré l'attention de Taiyo. Et après tout ça, peut-être que je peux rester un peu plus – la soirée ou la nuit.

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— Au lieu de la réponse que j’attendais, je le sens fondre dans mes bras. Comme si soudain, toute la pression accumulée retombait parce qu’il ne peut plus la porter. D’abord désemparé, je ne le lâche pas pour autant. L’humidité de ses sanglots s’infiltre partout dans mon cou, me laissant un goût amer dans la bouche et une boule dans la gorge. Je déteste ça, je déteste être responsable de son malheur. J’aurais aimé qu’il ne fasse que sourire, tout le temps, avec son satané rictus au coin des lèvres et son attitude qu’il porte si bien. Déglutissant difficilement, je continue à le serrer dans mes bras. Mes doigts s’emmêlent dans ses mèches et ma main caresse son dos dans un ultime espoir de le réconforter, mais je suis bien la pire personne pour ça. Je me sens tellement impuissant alors que tout est ma faute. « Je suis désolé, ça va aller. Je suis là, je vais pas te laisser. Je reste avec toi. » La sensation de le sentir s’accrocher à moi est si douloureuse qu’elle en est presque insupportable. « Je te promets que je vais m’occuper de toi… que je vais te protéger. » Et je ravale mes propres larmes – je n’ai pas le droit de craquer, pas maintenant, même si chaque seconde à imaginer son regard m'en rapproche un peu plus.
Après un long moment sans oser bouger d’un pouce, je prends une inspiration et m’écarte doucement de lui pour essuyer ses joues. La voix un peu cassée, je me penche légèrement vers lui et entrelace mes doigts avec les siens. « Viens avec moi. » Tirant un peu sur lui pour l’encourager à bouger, j’ouvre la voie vers sa chambre et l’entraîne avec moi. Plus tendre qu’autoritaire, je ne le quitte pas des yeux et marche à reculons jusqu’à son lit, comme si au fond de moi, j’avais peur qu’il n’y arrive pas. Le cœur battant et la poitrine serrée, je m’installe sans lâcher sa main. Adossé aux coussins, je lui fais de la place entre mes jambes et lui indique de me rejoindre d’un mouvement de tête.

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— C’est assez facile de deviner ce qui peut bien lui arriver à cet instant. Ce n’était pas exactement pareil, pas le même contexte – pas les mêmes raisons – mais la situation est terriblement familière. Je sais que j’aurais pu être à sa place ; je ne craque que rarement, mais ça aurait pu être moi. Malgré sa résistance et sa prise sur moi, je tente tant bien que mal de me laisser une marge de manœuvre sans lui donner la sensation de l’abandonner. Les fissures douloureuses dans ma poitrine se ravivent avec chaque geste de ma part qu’il essaye d’esquiver mais je ne me laisse pas abattre. Je le sais, dans mon fort intérieur j’en suis certain, qu’il ne veut pas vraiment que je le laisse là comme ça. Un mélange d’inquiétude et d’incompréhension dans ses yeux, tout ce que je voudrais effacer avec des choses si simples. Il se passe un moment avant qu’il ne se décide, m’arrachant un soupir de soulagement au passage. Je l’accueille tout contre moi, le serrant dans mes bras pour lui prouver que je peux le faire – que je peux le protéger.
Après un long moment de silence, j’écoute sa respiration et reprends mon souffle par la même occasion. « Je sais pas si c’est… que à cause de moi ou s’il y a autre chose. Et je peux pas non plus te dire que je vais empêcher tous les problèmes d’arriver jusqu’à toi ou que je vais pas te laisser être blessé par quoi que ce soit. » Ce serait trop m’en demander et je ne suis malheureusement pas omniscient. Sans savoir si c’est la bonne décision, je préfère ne pas lui mentir. Mais si je ne peux pas servir de bouclier tout le temps, je peux quand même l’aider à se remettre. « Mais je suis quand même là pour toi. Tu peux t’appuyer sur moi quand tu veux. » Mon visage niché au creux de son cou, je garde la voix basse comme si je lui avouais les plus grands secrets de l’univers. « Même si ma vie est un bordel monstrueux. C’est pas important, ça. J’aurais toujours du temps pour toi. » Difficile d’évaluer si j’ai eu les bons mots ou non. Tout contre moi, je sens sa poitrine se soulever et j’espère que ses sanglots s’évaporeront bientôt.

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