What's going on ? (Paco)

What's going on ?

Une fois les cours terminés, je me dépêche de rentrer à la maison. Il fait un peu moins froid (ou alors, peut-être que je m’y habitue), mais la tombée de la nuit me donne envie de rentrer vite pour me mettre de nouveau au chaud. Et d’ailleurs, je le suis quelques minutes plus tard. Je lâche un petit soupir d’aise quand les portes de l’ascenseur s’ouvrent, et je m’avance dans l penthouse.  Je souris doucement en voyant Paco assis au piano, et Junshi allongé à ses pieds. « – Salut vous deux ! » Je m’avance dans le salon, et je dépose mon sac sur le canapé avant de m’approcher. Je dépose un baiser sur la tempe de Paco, et je me baisse pour câliner notre chien pendant quelques secondes. Je me redresse ensuite, et je me dirige vers la cuisine ouverte. J’ai soif. Me dirigeant vers le frigo, j’hésite quelques instants avant de prendre une bière, et je tends celle-ci vers Paco. « – Est-ce que t’en veux une aussi ?   ».

Je suis content de le voir à la maison. J’ai l’impression qu’il se passe pas mal de choses de son côté. Son comportement a changé, je le vois fréquenter des gens que je ne connais pas, et il m’a demandé d’arrêter de lui parler de Sven. Étrange. J’ai une impression de déjà-vu qui ne me plaît pas trop, et je me fais quand même du souci pour lui. De mon côté, ça bouge aussi .Je passe de plus en plus de temps avec Svein, et même si je me doute bien que Paco est content pour moi (depuis le temps qu’il se désespérait de me voir enfin me lancer),  je culpabilise aussi un peu. Je ne veux pas qu’il pense que je le mets de côté, parce que c’est loin d’être le cas.

Ça fait longtemps qu’on n’a plus eu l’une de ces conversations qui nous tient éveillés jusqu’à pas d’heure. La dernière fois qu’on s’est vraiment parlé, ça s’est plutôt mal passé. On s’est crié dessus au bal de fin d’année, et même si je sais que c’est déjà oublié pour lui comme pour moi, je préfère embrayer sur quelque chose de positif. Depuis, on ne fait que se croiser de temps en temps, et ça ne nous ressemble pas. Oui, il faut parler. C’est notre marque de fabrique, mais il faut qu’il soit d’accord pour ça. La bière, c’est déjà un bon début.

What's going on ?

Je me confronte à un mur dès que je mets un pied dans le salon, et cette vision me fait de la peine. J’ai l’impression que mon meilleur ami n’est plus que l’ombre de lui-même ces derniers temps, et je ne peux pas rester insensible face à ça.  On dirait le Paco que j’ai connu après sa rupture avec Caly, et je ne tiens pas à le voir repasser par les mêmes étapes. Vraiment pas. Il était là pour me ramasser à la petite cuillère quand ça s’est terminé avec Orel, et ce n’était pas beau à voir. Si aujourd’hui, c’est mon tour de faire de même, alors j’entends bien l’aider à se sortir de cette mauvaise passe. En douceur. J’attrape alors une seconde canette, et je lui tends en revenant vers lui, avant de décapsuler la mienne pour en boire quelques gorgées.

Un sourire attendri prend place sur mes lèvres alors que je suis aussi notre chien des yeux. J’ai craqué. J’avais un peu peur de la réaction de Paco quand je l’ai ramené ici, c’est vrai, mais je le soupçonne de s’y attacher aussi, malgré tout ce qu’il peut dire. Quand il reprend la parole, je me tourne à nouveau vers mon meilleur ami. « – Un autre prénom que celui que le refuge lui a donné ?   ».Je regarde Junshi en réfléchissant. Après tout, il n'a que deux mois, je crois que si on commence à l'appeler autrement, il va vite s'y faire. Je me mets alors à réfléchir à une idée, et j'attrape mon portable dans la poche arrière de mon jean quand l'inspiration vient frapper à ma porte. « – Taiyō ? Ça veut dire soleil, en japonais. Et il est doré, plein de vie, et... japonais.   » Je pouffe un peu, et je hausse les épaules avant d'offrir un petit sourire à Paco. « – Mais si t'as une autre idée, je suis partant aussi.   »

Je reste silencieux un petit moment, et je mordille ma lèvre avant de reprendre la parole. « – Je peux faire à manger ce soir, si tu veux. T'as envie de quoi ? » Une manière implicite de lui demander s'il va rester ici ce soir. Et j'en ai envie, ça fait un long moment qu'on n'a plus eu de moments à nous. De plus, le voir disparaître dans la nuit sans savoir où il va ni avec qui il est, ça ne m'inspire pas trop confiance, je dois bien l'avouer. Je n'ose pas lui en parler à voix haute, parce que je sais qu'il va se braquer ou me dire qu'il sait se débrouiller tout seul. Mais j'ai conscience que sa réussite peut attirer de mauvaises personnes, et j'espère qu'il ne va pas se retrouver pris au piège d'un truc qui le dépasse.

What's going on ?

Je souris doucement à sa remarque sur notre chien, et je hoche la tête pour approuver ses propos. Il a raison, si on lui donne un petit nom, ça officialise le tout. « – C'est d'accord, papa n°2 », j'ajoute pour le taquiner. Je l'appelle comme ça depuis que nous partageons le penthouse avec cet adorable quatre pattes, et lui rappeler ce surnom, ça me permet aussi de couper un peu la tension présente dans la pièce. Du moins, j'espère. Je sais bien qu'elle n'est pas directement tournée contre moi, sinon, il aurait quitté la pièce dès que j'y serais entré, mais ça me fait quand même de la peine. Je suis prêt à supporter 100 blagues lourdes s'il le faut, plutôt que le voir être si sombre. Et tandis que mes yeux balaient l'écran de mon téléphone, à la recherche d'un prénom un tant soit peu original pour notre chiot, un sourire niais prend place sur mes lèvres, sans que je ne puisse le contrôler.

Je ne sais pas si c'est une sorte d'approbation de sa part, peut-être, mais c'est vrai que je me sens mieux ces dernières semaines. Bien mieux que lors de notre arrivée ici. « – Merci. Svein me traite vraiment bien », je précise avec un nouveau sourire, histoire de le rassurer, même si son regard est happé vers la vitre. Je ne doute pas qu'une rencontre va prochainement arriver entre eux, mais je n'essaie pas de forcer les choses. J'ai l'impression que Paco a bien d'autres problèmes à gérer en ce moment. C'est quand même grâce à lui si les choses ont évolué avec Svein. Il a insisté pendant plusieurs semaines pour que je me laisse aller avec ce garçon, et c'est bien grâce à lui que ma déclaration a eu lieu, puisqu'elle s'est faite au Blood Night.

Après quelques secondes, je propose un prénom pour notre Shiba, un peu incertain, mais soulagé quand Paco accepte. je me tourne alors vers le chien avec un air attendri, et je me baisse aussi pour revenir caresser sa petite tête. « – Alors rebienvenue officiellement à la maison, Taiyō. » Je me redresse pour reprendre une gorgée de bière, et après un coup d'œil à la cuisine, je me demande ce qu'on pourrait manger ce soir. C'est qu'il commence à se faire tard. Et puis, est-ce qu'il sera là, ce soir ? Je me risque à lui poser la question, de manière détournée, et la réponse ne me surprend pas trop. C'est comme ça depuis quelques temps, déjà. je fronce les sourcils quand je le vois retourner à son travail, comme si la discussion s'arrêtait là, mais je ne suis pas d'accord. « – Tu ne veux pas qu'on se fasse une soirée rien que tous les deux ? Ça fait longtemps… On pourrait se commander des pizzas.   » Avaler de la malbouffe tout en refaisant le monde, c'est un de nos trucs, et ça me manque.

What's going on ?

Je me mords la lèvre pour éviter de rire quand Paco n'a pas l'air décidé à devenir papa de si tôt, pas même pour Taiyō, mais je sens que c'est une taquinerie qui va revenir de temps en temps. Je suis heureux qu'il l'ait accepté sous notre toit, et ça ne me dérange pas de m'occuper de toutes les tâches qui vous tombent dessus quand on décide d'avoir un chien. Certes, le vétérinaire et le reste, c'est loin d'être gratuit, mais c'est ma décision et c'est à moi de l'assumer jusqu'au bout, et puis, Paco est loin d'être le dernier pour le câliner ou jouer avec lui, alors ça me va. Ça  m'aurait fait de la peine s'il s'était contenté de vivre comme si le chien n'était pas là, mais Paco n'est pas de ce genre-là. Quand j'entends sa mini menace, cette fois, le rire que je retiens se fait entendre, et je secoue la tête avec un air amusé. Le côté grand frère protecteur est de retour.

Ma légèreté s’estompe pourtant un peu quand il me parle d’Orel « – Je comptais en parler à Orel... Mais disons qu'il l'a appris de lui-même. Il a fait une apparition surprise à mon anniversaire. » Je regarde en direction de l’entrée du salon, comme si je me revoyais la scène, et j’affiche une petite grimace. Je reprends une gorgée de ma bière, avant d'anticiper sa prochaine question. « – Je te cache pas que c'était super tendu, mais y'a pas eu d'accident majeur, heureusement. » J'ai bien eu l'impression à plusieurs moments que tout pouvait partir en cacahuète, mais heureusement, ce n'est pas arrivé. Et d'ailleurs, la présence de Taiyō a été salvatrice. Disons que j'ai répondu avec plaisir aux quelques questions à son sujet, comme une bulle d'oxygène alors que mon petit ami et mon ex s'affrontaient du regard.

D'ailleurs, je rigole un peu quand il est à nouveau question de Taiyō, qui se mettait maintenant sur le dos suite aux caresses de Paco. « – C'est un petit prince, oui. Que tous les chiens soient aussi malheureux que lui tiens, c'est tout ce que je leur souhaite. » Je m'appuie ensuite un peu sur le piano pour continuer de boire ma bière, et je propose à Paco de rester avec moi ce soir. Je sens qu'il veut encore sortir, mais j'ai joué ma dernière carte, et je souris doucement en l'entendant accepter. Ça me rassure, mais je ne préfère rien ajouter à ce sujet, de peur de le voir changer d'avis à tout moment. « – À quoi tu veux la tienne ? » Je lui demande, reprenant mon téléphone pour retrouver le numéro de la pizzeria.

What's going on ?

Reparler de mon anniversaire me fait grimacer quand je revois la scène de cette rencontre forcée. Si Paco avait été là, je ne sais pas ce que ça aurait pu donner. Est-ce qu'Orel et lui auraient pu se réconcilier ? Ou est-ce que ces deux situations se seraient envenimées ? La deuxième option me semble être la plus probable, en fait. La situation que je décris semble amuser Paco, et je roule des yeux en secouant la tête. « – Je voulais que le sol s'ouvre en deux et m'avale sur place. » Je reprends une gorgée de ma bière, restant appuyé contre le piano, et je le regarde d'abord avec surprise à sa question. Non. Quelque chose a changé. Même quand j'ai revu Orel la dernière fois, à l'université. Je n'ai pas ressenti les mêmes choses que lorsque je me suis rendu compte qu'il était aussi installé en Norvège. « – Non. C'est différent. C'est Orel, et je crois qu'il aura toujours une place importante, mais pas amoureusement parlant. Une partie de moi a envie de l'aider, parce que personne ne devrait avoir à subir ce que son père lui impose. » Je commence, les sourcils froncés, avant de hausser les épaules. « – Mes sentiments se sont estompés au fil du temps, quand je me suis autorisé à laisser toujours plus de place à Svein. Mais je ne me sers pas de lui, loin de là. Je suis en train d'en tomber amoureux... »

Je me sens rougir après ma confession, même si je pense que Paco s'en doutait, et je me cache un peu derrière ma bière pendant que j'en reprends quelques gorgées. Je me concentre alors à nouveau sur notre chien, et je me mets à rire devant la scène qui se joue sous mes yeux. Je hausse ensuite un sourcil avec un sourire en coin. « – Une mauvaise habitude ? Tu veux dire quoi par là, te prendre pour son deuxième doudou géant ? » Je hoche ensuite la tête sur son choix de pizza, et je me décide aussi pour une pizza 4 fromages avant de reprendre mon téléphone pour passer notre commande. Une fois que c'est fait, je me laisse glisser contre le mur du petit bar de la cuisine, et j'attrape un jouet de Taiyō qui traînait par là pour lui lancer, le laissant ainsi jouer entre Paco et moi. Ça marche bien entre nous trois, preuve que prendre un chien était une bonne idée. Le caractère du shiba va sans doute évoluer quand il grandira, mais je ne pense pas qu'il sera trop turbulent. Là, il est jeune alors il aime se dépenser, mais j'ai l'impression qu'il sera calme avant tout.

What's going on ?

Je manque de m'étouffer à la remarque de Paco, et il est inutile de dire que mes joues ont changé d'un coup. « – Paco ! » Il s'y est déjà préparé, mais je lui lance quand même un coussin qui traîne par là, avant de secouer la tête avec un petit sourire en coin, amusé malgré moi en le voyant rire à gorge déployée. « – T'es pas croyable. » Me taquiner à ce sujet-là, c'est pourtant quelque chose qui lui ressemble bien, et c'est pour ça que je ne lui tiens pas rigueur. Ça me fait même plaisir de le voir se moquer, au moins, ça me prouve que la noirceur dont il fait preuve ces dernières semaines n'est qu'une passade, mais que derrière cela, il y a toujours le Paco qui tourne les choses en dérision et n'hésite pas à sortir ce qui lui passe par la tête. « – De toute façon, on n'a encore rien fait pour le moment. » Je rajoute avec une petite voix, encore un peu gêné. Et bien vite, un sourire idiot naît sur mes lèvres à sa nouvelle moquerie, et je lui fais une petite grimace sans un mot. Je sais que c'est sa manière à lui d'approuver ça, et on sait tous les deux que l'une de mes raisons de quitter la France, c'était au moins pour tourner la page avec Orel et essayer de reconstruire quelque chose avec quelqu'un. Je ne sais pas si ms études en Norvège vont me mener quelque part, mais au moins, ce premier objectif est atteint, et j'espère bien que ça sera toujours le cas pendant encore longtemps.

Une fois installé par terre, je joue avec Taiyō et Paco, regardant le chien faire des allers-retours entre nous, et je fais la moue en écoutant Paco me faire part de son avis sur le comportement de notre petit protégé. « – J'espère pas... Tu te sens seul, mon bébé ? » Je prends la petite tête de Taiyō en coupe, le regardant avec une moue, et ce qui devait arriver arriva  je finis par le lâcher en riant quand il se met à faire des léchouilles sur toutes mes mains. « – Ehhh. » Je dépose un baiser sur le haut de son crâne, et je me redresse ensuite, prenant soin de mettre ma bière en hauteur, histoire de ne pas pousser Taiyō à y mettre sa truffe. « – Je reviens, je vais aller voir ! » Je me dirige alors vers ma chambre, puis ma salle de bains, direction mon panier à linge sale. Je fronce les sourcils quand je me rends compte qu'il manque clairement des tee-shirts mis là-dedans la veille, alors je vais voir son panier, avant de grimacer en découvrant mon vieux tee-shirt des Rolling Stones. Je pensais l'avoir perdu ou laissé chez Svein, et bien non, il est là, en boule. « – En effet... » Je dis en le montrant à Paco. « – Tu sais quoi ? On devrait prendre chacun un de nos vieux tee-shirts et les emmêler ensemble, ça lui ferait son deuxième doudou comme ça. »

What's going on ?

Je roule des yeux avec un nouveau sourire en coin. Sa réaction ne m’étonne pas, parce que c’est du Paco tout craché. Je lui avoue pourtant à mi-mot qu’on n’a encore rien fait pour le moment, et alors que je pense qu’il va me faire une énième blague avant de passer à autre chose, il me surprend en s’arrêtant sur ce détail. Je sens mes joues chauffer encore un peu, et je me racle la gorge alors que je me repasse quelques scènes en mémoire, et je me retiens de sourire, parce que ça serait carrément déplacé devant Paco - ou alors, il va essayer de me tirer les vers du nez, et ça deviendra plus malaisant encore pour moi. « – On l'a. Il y a une petite tension entre nous, mais on veut prendre notre temps. Je pense qu'il ne veut pas me laisser croire qu'il est seulement intéressé par l'idée de me mettre dans son lit. On ne sait jamais, il va peut-être se passer quelque chose pendant le week-end au ski. »

Je reprends une gorgée de ma bière, comme pour me redonner contenance, parce que je ne parle pas de ça si facilement d'habitude, et j'ai réussi mon petit monologue sans bafouiller. Bravo, Bastien. Et pourtant, je manque de m'étouffer encore au sous-entendu de Paco, et après avoir tapoté le haut de mon torse, je retrousse mon nez avec un faux air réprobateur. « – Il a pas franchement l'air d'être nul à ça. Et, euh... Je le ferai pas. J'ai jamais comparé Orel à ma première fois, alors ça serait naze de ma part. » Et puis, je me convaincs depuis des mois qu'il est temps que je passe à autre chose, pour mon propre bien. Si un garçon gentil s'intéresse à moi et veut se faire une place dans ma vie, ça serait bête de ma part de passer à côté ou de tout gâcher.

Le problème immédiat, dans l'instant, c'est le sentiment de solitude qui semble tracasser notre chien. Je suis allé vérifier les propos de Paco, et je ne crois pas qu'il se trompe. Une fois de retour dans le salon, je repose mon tee-shirt dans le panier de Taiyō, parce qu'il n'a plus qu'à le garder maintenant, et je grimace un peu. « – On devrait peut-être essayer de le prendre avec nous dès qu'on peut... Mais je ne suis pas sûr qu'un chien se sente bien ou soit accepté à l'université, dans des musées... Ou même dans une boîte de nuit. » Non, la dernière option est carrément débile, il serait paniqué et surtout, le bruit ferait bien trop mal à ses petites oreilles.

« – Si on est obligés, je te laisserai choisir, cette fois. » Je déclare avec un petit sourire presque vaincu, même si deux chiens, c'est tout de suite plus galère, et plus onéreux. Autant ne pas se lancer dans ça tout de suite, et attendons de voir si le caractère de Taiyō évolue en grandissant. Je caresse la tête de Taiyō au passage, et je vais reprendre ma place initiale. Les pizzas ne devraient plus trop tarder, maintenant. Et tandis que je me fais cette réflexion, je sens que l'atmosphère se charge à nouveau de quelque chose de lourd. Et pour cause. Je laisse s'écouler quelques secondes après la confession de Paco, d'abord pour m'assurer que ce n'est pas une blague, et ensuite pour trouver quoi dire. J'ai l'impression de prendre au moins vingt ans d'un coup et de me retrouver face à mon fils qui m'annonce son envie de quitter la fac. « – Euh... T'es sûr ? Mais il ne reste que quelques petits mois, et t'as déjà bossé dur sur ton semestre... » Je me doute bien qu'il doit avoir une idée derrière la tête, une décision comme ça, on ne la prend pas à la légère.

What's going on ?

Je roule des yeux avec un soupir amusé tandis que Paco continue ses questions concernant ma vie amoureuse et sexuelle. Cela ne m'étonne pas vraiment venant de lui, mais je ne peux rien faire contre la gêne qui m'envahit, ou le rose qui me monte aux joues. « – On a vraiment rien fait... Mais en même temps, on est ensemble que depuis un mois Paco, pas depuis un an. » Si c'était le cas, je me serais probablement posé des questions, c'est vrai. Et je préfère ce scénario-là à un autre, où on l'aurait fait tout de suite, et où je n'aurais plus vraiment eu de nouvelles de sa part. Je ne pense pas que Svein soit de ce genre-là, du moins, ce n'est pas ce qu'il m'a montré durant ces derniers mois, alors ça me rassure aussi. J'espère juste qu'il ne va pas se lasser avant que je ne me sente totalement prêt. On devrait sans doute avoir une conversation à ce sujet. Le week-end de Saint-Valentin me semble quand même être l'occasion parfaite pour sauter le pas. Je stoppe là dans mes pensées quand j'entends la mise en garde de Paco, et j'acquiesce avec un petit air solennel.  « – Toujours. » Même si ça fait longtemps que je n'ai plus été aussi proche d'un garçon, je ne compte pas faire n'importe quoi.

Je fais une grimace à sa taquinerie, et je me retiens de lui lancer un nouveau coussin, parce que je sais qu'à force, Taiyo risque de prendre ça pour une invitation et ne va pas se gêner pour aller déchiqueter le pauvre tissu. L'atmosphère devient un peu moins légère quand il me parle de sa décision d'arrêter ses études. Je sais que c'est pourtant un sujet qui lui tenait à cœur, et qu'il a bossé du mieux qu'il a pu, jonglant entre les cours et ses différents business. C'est pour ça que je ne lui fais pas de leçon de morale. Je ne l'ai pas vu se vautrer dans son lit en se plaignant que le programme était trop difficile. Il s'est sûrement rendu compte que ce n'était plutôt quelque chose qui lui convenait, ça arrive. C'est pourquoi je me contente de hocher la tête, lui offrant un léger sourire, comme pour un accord silencieux. « – Et dans le pire des cas, si tu t'ennuies trop quand tu seras à la retraite, tu pourras toujours reprendre tes études. » J'affiche un petit sourire pour casser un peu la tension. Il sait déjà que je suis fier de ce qu'il a accompli depuis qu'on est arrivés ici, et je suis évidemment reconnaissant qu'il nous ait offert un toit come celui-ci au-dessus de la tête.

« – Je retiens donc que tu n'exclues pas le fait d'avoir un deuxième chien. » Je fais jouer mes sourcils en reprenant cette information, qui n'est vraiment pas tombée dans l'oreille d'un sourd. J'entends ensuite mon téléphone sonner, et je décroche, le livreur m'informant à l'autre bout du fil qu'il est arrivé dans le hall de notre immeuble. Je ne lui donne pas le code de l'appartement, parce qu'avec notre système, ça reviendrait à donner le double des clés à un inconnu, alors non merci. Je lui dis que j'arrive et je raccroche, avant de regarder Paco. « – Je reviens, les pizzas sont arrivées. » Je me dirige vers le canapé pour attraper assez de couronnes dans mon sac, et je vais jusqu'à l'ascenseur. Je remonte à l'appartement peu de temps après, un sourire idiot en humant la bonne odeur de nos pizzas. « –À table ! »

What's going on ?

J'affiche un  sourire rassuré en le voyant hocher la tête, même si je sais qu'il n'en pense pas moins. Je pousse un petit soupir de soulagement avant d'avaler ma dernière gorgée de bière. J'espère évidemment que mon meilleur ami et mon petit ami vont bien s'entendre. Tout serait beaucoup trop compliqué sinon, stressant ; j'ai vécu une situation difficile en France, et j'espère que je ne vais pas en vivre une seconde ici. Tous les deux ont déjà une passion commune, la moto, alors ils peuvent bien trouver un terrain d’entente avec le temps, non ? Ils sont tous les deux importants pour moi, et je donnerais tout pour que la cohabitation se passe bien. Je compte bien inviter Svein de temps en temps, et je croise les doigts pour que ça ne se transforme pas en champ de bataille à la moindre occasion. Quand le sujet dévie sur la décision de Paco d'arrêter ses études, ça me surprend, mais je le soutiens dans son choix.

Ce n'est pas comme s'il n'avait rien à côté, ni des ambitions. Je sais qu'il va essayer de se faire une petite place à Fredelig, il a même déjà commencé, et qui dit que ça ne va pas grandir d'ici quelques années ? C'est tout ce que je lui souhaite, en tout cas. J'affiche un sourire amusé quand il me parle plutôt de voyages, et je hoche la tête en m'imaginant un Paco globe-trotter à soixante ans. « – Je pense que t'auras vu pas mal de parties du monde d'ici là. » France, Norvège, Corée du Sud, et peut-être l'Amérique, si on réussit à partir cet été comme prévu, ça commence déjà à être pas mal. Mes yeux se portent ensuite sur Taiyo, qui semble se calmer maintenant qu'il est le centre de l'attention, et je souris doucement. « – On verra ça plus tard, l'appartement est grand mais avec deux chiens, je crois qu'ils se grogneraient dessus à longueur de temps. »

Je n'ai pas envie de les voir s'en prendre à l'un ou à l'autre parce qu'ils sont frustrés. Autant faire plus de câlins à Taiyo si c'est ce qu'il demande, ce n'est pas comme si c'était une tâche désagréable à faire. Une fois que je remonte avec les pizzas, je rejoins alors Paco sur le canapé, et je dépose les deux cartons sur la table basse. Je me penche aussi pour attraper une part de pizza, et je râle gentiment quand Taiyo se penche aussi pour essayer d'en avoir un bout. « – Non bébé, si t'as faim, ta gamelle est pleine. » J'approuve les propos de Paco avec un soupir appréciateur quand je commence à manger, et je lève les yeux vers la télé. « – On regarde quoi ? »