[INTRIGUE] Et si on changeait les rôles ?

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— La tête lourde, j’ai l’impression de sortir d’un coma ou d’une longue nuit à décuver. Sans arriver à me souvenir de ce que j’ai bu hier soir pour avoir une telle gueule de bois, je grogne de manière inélégante en peinant à ouvrir les yeux. La première chose qui me frappe, c’est que je ne sais pas où je suis. Bien vite réveillé par cette constatation, mon cœur s’accélère alors que je regarde tout autour de moi pour reconnaître la fameuse salle des fêtes de Fredelig. Comment est-ce que j’ai atterri là ? Dans la très grande pièce, il y a de nombreux visages inconnus mais pourtant si familiers ; j’ai beaucoup de mal à émerger, je crois.
Rapidement rattrapé par la réalité, je fronce les sourcils en prenant mon téléphone gisant à côté de moi. Mais le reflet que me renvoie l’écran noir encore éteint achève de m’inquiéter. Pourquoi est-ce que j’ai du maquillage ? A y regarder de plus près, pourquoi est-ce que mon visage ressemble autant à celui de ma sœur jumelle ? Assis par terre, les jambes étendues devant moi, je me rends brusquement compte que je porte une jupe taille haute en tissu écossais vert foncé, et une paire de collants noirs. Il se passe de longues secondes de flottement où je ne sais pas comment j’en ai pu arriver à là, où je reste les fesses au sol sans savoir comment réagir. C’était une sacré cuite, en tout cas. Je baisse la tête vers mon torse, pour remarquer les formes qui ne sont définitivement pas les miennes. Le regard empli d’une terreur certaine, je déboutonne lentement le chemisier noir pour découvrir des seins plus vrais que nature et un soutien-gorge parfaitement adapté à ma taille. Donc, je suis une fille là ? Un vent de panique souffle dans ma tête quand je pense à mes bijoux de famille qui, selon la logique de cette gueule de bois, devraient avoir disparus aussi. Résigné plus qu’effrayé, je prends la peine de reboutonner mon haut avant de soupirer. Une petite pensée triste et nostalgique pour mes attributs masculins s’impose, mais à vrai dire je ne m’en tire pas trop mal si je ressemble à Selver.
Décidé à ne pas m’apitoyer sur mon sort, je hausse les épaules et range mon téléphone dans la poche de ma jupe. Mais là, mes doigts rencontrent un bout de papier qui pique ma curiosité. En le dépliant, je regrette presque de boire autant. On dirait une mauvaise blague, mais en même temps, tout est là pour prouver la véracité de ce qui y est expliqué. Je soupire, encore. De toute façon, quel autre choix ai-je mis à part jouer le jeu ?
En passant une main dans mes cheveux beaucoup plus longs, je constate que les mèches bleutées y sont toujours. C’est déjà ça. Difficilement relevé et presque stable sur mes chaussures à talons, je m’appuie sur le mur avant de me crisper brutalement. Une douleur sourde dans le bas du ventre, une sorte de crampe étrange comme je n’en ai jamais ressenti avant me paralyse. Le regard perdu dans le vernis noir que j’ai aux pieds, je comprends alors amèrement de quoi il s’agit. « Oh non. »

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— Réveillée par l’agitation tout autour, elle ouvre les yeux et s’étire lascivement comme si elle avait encore quelque chose à prouver à quelqu’un. Elle ne sait pas où elle est, ni comment elle est arrivée là – mais ça ne l’inquiète pas outre mesure, elle s’est déjà retrouvée dans ce genre de situation un paquet de fois. Peu certaine de comprendre d’où cette vague de panique vient, elle observe les gens présents avec un air à moitié dédaigneux, à moitié perplexe. Est-ce que c’est encore une super idée de la maire, ou de la sororité ? Elle est totalement pour l’organisation d’activités diverses et variées pour les habitants de la ville, mais là, elle trouve que ça dépasse un peu les bornes. Elle n’a même pas donné son accord pour ça ! Maintenant agacée, elle fait la moue sans s’en cacher. « C’est quoi encore ce bordel... » Les yeux écarquillés, elle porte une main à sa gorge en réalisant le son de sa propre voix. Après un moment d’hésitation, elle plisse les yeux et penche la tête sur le côté avec un air rempli de doutes. Une personne sort une note de sa poche et d’autres font la même chose, et elle lit rapidement en diagonale ce dont il est question par dessus son épaule. « Oh, c’est bizarre. » Une fois certaine qu’il ne s’agissait pas d’un genre d’hallucination auditive ou de réveil brutal de cordes vocales, elle sort promptement son téléphone pour s’observer sous toutes les coutures et vérifier la situation. « Très, très bizarre. » Ses doigts palpent son visage dans tous les sens, elle tire sur ses joues et sur ses cheveux devenus courts, elle fait des grimaces à son reflet. Mais rien à faire, c’est bien elle – en homme, comme stipulé par l’explication. Elle hausse un sourcil en remarquant enfin son absence de poitrine ; elle n’a jamais complexé dessus, mais elle se sent littéralement libérée de deux poids maintenant. Avec un sourire un peu malsain, elle laisse son regard descendre jusqu’à la braguette de son jean en se retenant de pouffer. Amusée, elle commence à prendre la pose pour son Instagram. « Bon bah, au moins je ne suis pas moche. » Pas comme certains. Mais bon, avec son visage et son corps parfait, fille ou garçon, elle aurait été belle de toute façon. Alors elle n’est pas surprise, les petites secondes où elle a été déroutée sont passées, maintenant elle va pouvoir essayer de comprendre la raison de tout ceci. Deux ou trois selfies plus tard, elle range son téléphone dans la poche de son pantalon et réajuste la chemise rose ouverte qu’elle porte par dessus un simple tee-shirt blanc. Quand elle observe les têtes et les tenues des autres, elle se dit qu’elle n’est pas trop malchanceuse, elle pourrait même vivre toute sa vie comme ça.

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— Il y a beaucoup d’exclamations de surprise, de grognements et de plaintes tout autour d’elle. Visiblement, ce n’est pas définitif ; il suffit juste de relever le défi pour retrouver son corps habituel. Et puis, qui n’a pas rêvé au moins une fois de vivre une journée dans une autre enveloppe ? Vraiment, elle ne comprend pas toute cette agitation, c’est plutôt marrant. Alors quand elle voit enfin quelqu’un qui a l’air un peu enthousiaste, elle s’en approche d’un pas léger. « Je n’aurais pas dit mieux. » Un petit sourire en coin, elle hoche la tête et caresse sa pomme d'Adam du bout des doigts comme pour s'habituer à sa nouvelle voix. « La déesse ou je ne sais pas trop quoi a beau m’avoir particulièrement réussie, je me préfère quand même en fille. » Elle passe une main dans ses cheveux devenus plus courts ; son maquillage lui manque et ses vêtements aussi, mais cette expérience s’annonce haute en couleur. Elle n’a lu le mot qu’en diagonale, déjà parce qu’elle a un peu de mal à y croire et ensuite parce que la lecture au réveil ça n’est pas franchement son fort. Elle ne sait pas à qui elle parle, mais à vrai dire ça rend la chose plus intéressante. Selon la logique de cette hallucination collective, il s’agit d’une fille transformée en garçon, mais ses traits ne lui disent pour l’instant pas grand-chose. Elle se dit avec beaucoup trop de désinvolture pour la situation qu’elle le verra bien quand les charmes – ou les effets de la drogue – prendront fin. « Alors, beau gosse ou belle gosse, je ne sais plus trop. Comment on procède ? » Une main sous son menton, elle ne prend même pas la peine de corriger ses attitudes et mimiques souvent considérées comme délicates ou féminines.

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— Debout appuyé contre le mur, je suis un peu recroquevillé sur moi-même en essayant de faire passer cette horrible douleur aussi sourde qu’envahissante. J’entends vaguement des voix autour de moi, sans vraiment réussir à comprendre ce qu’elles veulent bien dire. Le mot dans ma poche semble irréel autant que mon reflet dans l’écran de mon téléphone. Être une fille c’est une chose, mais pourquoi a-t-il fallu que ça tombe sur la mauvaise semaine. Je soupire doucement, j’essaye vainement de me rappeler ce que Selver faisait quand elle avait mal au ventre comme ça – mais évidemment rien ne vient.
Une voix à côté de moi me sort de ma torpeur, je relève vivement la tête pour lui faire face. Le visage encadré de boucles brunes m’est vaguement familier, je plisse un peu les yeux comme pour essayer de forcer ma mémoire à s'en souvenir. Toujours crispé, il y a un moment de flottement où j’observe la salle quand elle me demande ce qu’il se passe. Sans savoir si elle parle de ce qui semble être arrivé à tout le monde ici ou de ce qui m’arrive à moi, je réalise soudainement que tout le monde a du changer de corps. Alors, en laissant revenir mes yeux sur elle après un silence, je lui réponds avec beaucoup d’hésitation dans la voix. « Euh… bah en fait, je crois que j’ai mes règles. » Comme si c’était encore tabou alors que j’ai une sœur jumelle qui les a tous les mois, ça me fait bizarre de me dire que c’est mon tour. Dire que j’ai si souvent cru qu’elle exagérait ou en faisait des tonnes pour pas grand-chose, c’est ironique que ça soit maintenant à mon tour de subir ça. Plus jamais je n’émettrais le moindre commentaire sur le sujet, ça c’est sûr. Brusquement mal à l’aise, je tire un peu sur ma jupe comme si ça allait la rallonger. Il n’y avait rien dans mes poches, pas de tampon ni de serviette, ni rien d'autre que mon téléphone et ce fichu papier. Sans quitter mon interlocutrice du regard, je cligne des yeux plusieurs fois comme pour effacer la terrible réalisation qui vient de me frapper et dissiper la frustration qui me dévore. Submergé par une vague de panique autant que par une triste résignation à mon sort, je me rends subitement compte de qui se trouve en face de moi. « Attends… Bastien ? » J’ai sûrement la mine toujours un peu déconfite parce que la douleur ne s’arrête pas, mais savoir que j’ai un allié potentiel dans tout ce merdier est quand même plutôt réconfortant.

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— Les compliments ont beau être tout naturel, ils lui font toujours autant d’effet. Flattée comme d’habitude, elle aurait voulu repousser ses cheveux derrière son épaule pour montrer un semblant de gratitude, mais malheureusement elle ne peut plus. Alors à la place, elle esquisse un petit sourire et garde ses joues entre ses mains. Les présentations sont de mises, et quand elle entend le nom de son interlocutrice, elle est presque soulagée de ne pas la connaître. C’est plus drôle comme ça, au moins elles n’auront pas d’à priori l’une sur l’autre alors qu’elles sont dans un corps différent. « Moi c’est Sól, enchantée ! » Elle fait la moue une seconde, incertaine. « Peut-être qu’on devrait se trouver des noms plus masculins, ça fait un peu bizarre là. » Un doigt sur le menton, elle fait mine de réfléchir. C’est à la fois une bonne et une mauvaise idée ; elle prend son rôle et son nouveau physique un peu trop à cœur.
Finalement, elle ricane légèrement à la remarque d’Ana sur la possibilité de lancer un mouvement de panique. « Oh tu sais, moi je ne suis jamais contre un peu de distraction, que ça dure cinq minutes ou cinq heures. » Mais en suivant son regard, elle constate qu’effectivement ce ne serait pas forcément marrant pour tout le monde. Après tout, autour d’elles, c’est surtout la confusion et l’angoisse qui domine. Résignée, elle se renfrogne un peu.
En lisant un peu plus attentivement le papier par dessus l’épaule de son acolyte, elle affiche un air perplexe. « Je ne sais pas trop quel est le rapport entre aider quelqu’un et retrouver son corps d’origine, mais bon... » Laissant sa phrase en suspens, elle s’écarte légèrement sans savoir si Ana a déjà choisi ce qu’elle voulait faire. Est-elle vraiment là pour faire la même chose que ce qu’elle fait toutes les semaines au parti Likestilling ? En lâchant un soupir exaspéré, elle est vite accompagnée par la détentrice du petit mot. Elles échangent un regard complice et elle lui rend son sourire en coin, amusée d’avance par ce qu’elle sent venir. « Toujouuurs. » Elle fait rouler le mot très exagérément sur sa langue, la curiosité bien trop piquée par cette soudaine proposition. Qui a dit qu’on ne pouvait pas faire son devoir et s’amuser en même temps, après tout. « Dis-moi tout, qu’est-ce que tu as en tête ? »

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— Bizarrement, je n’ai pas tant de mal que ça à m’habituer à tout ces changements, mise à part la douleur dans mon ventre. On dirait presque que vivre avec un double féminin de moi-même toutes ces années m’a préparé pour ce moment ; j’ai une voix que j’ai déjà entendue, un corps que j’ai déjà vu et une taille similaire. Il y a beaucoup d’autres choses préoccupantes dans cette situation et la note dans ma poche est en première ligne. Ça ressemble à une blague, jusqu’à ce que je reconnaisse celui qui se cache sous les traits familiers de la jeune fille à côté de moi. En jetant un vague regard à travers la salle, j’en déduis vite que tout le monde est dans le même panier. Ça aurait été catastrophiquement gênant si ça n’était tombé que sur moi. « Oh, heureusement t’es une fille aussi. » Je réalise soudainement que ce n’est pas forcément approprié de se réjouir de ça, qu’il ne le vit peut-être pas très bien de son côté. « Euh non, attends c’est pas ce que je voulais dire. » Pendant que je me perds dans mes pensées pour essayer de trouver une excuse valable, je me maudis silencieusement d’avoir si peu de tact. « Je veux dire… je pensais plus… » Je lâche un soupir résigné, je suppose qu’il a déjà compris et que ça ne sert à rien de s’acharner à essayer de trouver les bons mots, maintenant. « Peu importe, je suis juste rassuré que tu sois là aussi. » Le visage toujours un peu crispé par la douleur, je reste appuyé dos au mur et lui adresse un pâle sourire. Quand il me propose d’aller aux toilettes, je jette un œil dans la direction où elles sont et fronce les sourcils. Une autre fille vient d’y entrer – donc si ma logique est bonne, un garçon – et je n’ai pas franchement envie d’avoir à expérimenter mes premières règles avec un public derrière la porte ou dans la cabine d’à côté. En plus, ni Bastien ni moi n’avons de protections sur nous, alors ça ne servirait à rien à part peut-être bourrer ma culotte de mouchoirs ou de papier toilette ; et c’est une solution dont Selver parlait avec beaucoup de dégoût quand on était plus jeunes, alors je n’ai pas franchement envie de m’y essayer. « Je préfère pas, en fait. Ça va aller. » Une petite grimace sur le visage, je repose les yeux sur lui. Après une pause, je pense à la personne évidente à aller voir si jamais je me retrouvais perdu – que ce soit un rêve, un bad trip ou la réalité. Cette fois plus soucieux des politesses, je lui demande quand même brièvement comment il le vit avant de poser l’autre question qui me brûle la langue. « Ça va toi ? Est-ce que… est-ce que t’as vu Paco ? »

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— Heureusement, il ne me tient pas rigueur de mon manque de tact. C’est déjà ça. Je soupire un peu à sa remarque et lui rends sa grimace, résigné. « Bah… fallait bien que ça arrive à quelqu’un. » C’était moi, ou quelqu’un d’autre alors… au moins moi, je ne débarque pas complètement ; même si avoir une sœur jumelle ne m’y a pas préparé pour autant. Je me dis qu’il vaut mieux que ça soit moi plutôt qu’un adolescent qui n’y comprendrait rien et paniquerait.
Alors que Bastien scrute aussi les visages dans la salle, il m’avoue qu’il n’a pas trouvé Paco non plus. Je me doute qu’il serait plus à l’aise en sa présence lui aussi. « J’espère. Je me vois mal vérifier les mains de toutes les filles de la salle une par une. » J’esquisse un sourire gêné, c’est la seule chose qui m’est venue à l’esprit pour l’identifier au milieu de tout ce bazar – chercher ses tatouages.
Je reste planté là, mais lui n’a visiblement pas baissé les bras et a repris ce papier comme pour établir un plan. « Ouais… » Je ne peux pas lui donner tort, c’est en retrouvant mon corps le plus vite possible que je me débarrasserais de cette douleur et de cet embarras. Je soupire, encore, et récupère ma propre note dans ma poche. Je passe en revue les propositions, mais je ne trouve rien qui me paraisse facile. Le plus accessible, ce serait sans doute la partie où il faudrait que j’exprime mon ressenti et mes émotions mais pour quelqu’un comme moi… ce serait comme sauter dans l’océan sans savoir nager – et je ne sais vraiment pas nager. Les yeux relevés vers lui, je l’observe d’un air inquiet. « Est-ce que tu sais ce que tu vas faire ? »

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— Malgré sa proposition, elle n’a pas franchement d’idées pour un changement de nom temporaire. Elle étouffe un soupir amusé à la réflexion d’Ana, mais ne commente pas plus que ça. « Mh, moi je refuse d’avoir un prénom moche. Il faut que j’y réfléchisse. » Coup de chance ou du destin, elle est tombée directement sur quelqu’un avec le même point de vue qu’elle sur la situation ; elle se félicite d’avoir foncé vers cette personne. « Absolument. » Un peu de malice au milieu de ce chaos, ça ne va tuer personne pas vrai ? Surtout si c’est un genre de bad trip collectif. Elle ne croit pas une seule seconde qu’elle va rester coincer dans ce corps, même si elle ne fait rien de ce qui est écrit sur ce petit bout de papier. Elles échangent un rire, visiblement sur la même longueur d’ondes. « C’est clair, ça fait longtemps que je n’avais pas été défoncée comme ça. » Hochant doucement la tête, elle continue son explication. « Le plus dingue, c’est que je ne me souviens même pas avoir pris quoi que ce soit. Ça devrait être un mélange bizarre. » Elle fronce un peu le nez avant de s’en retourner au plus important : cette vaste blague.
Quand le visage d’Ana s’illumine, elle se rapproche histoire de poser les yeux sur la même chose qu’elle – puisque ça a l’air de lui avoir donné des idées. Son petit air hautain lui tire un sourire mesquin, et elle suit son jeu sans trop de problème. « Pff… S’il suffisait d’un peu de potion magique pour changer le monde, ça se saurait. » Faussement agacée, elle lève les yeux au ciel sans pouvoir effacer ce rictus qui lui colle à la peau. Ravie par la proposition de son duo de choc, elle relève un peu le menton avec un air de défi sur le visage. « Je mettrais ma main à couper qu’ils sont tous en train de se tripoter les seins. » L’idée d’aller secouer des machos, ça ne lui a jamais fait peur – pire que ça, c’est presque un sport maintenant.

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— Un rêve ? Je fais mine d’y réfléchir un instant, je n’avais pas vraiment vu la situation comme ça. « Ah… ça expliquerait bien des choses. » Hochant doucement la tête, l’air un peu ailleurs, je lui donne raison sans trop me poser plus de questions que ça. « Ça m’étonne un peu, j’ai pas franchement assez d’imagination pour rêver de tout ça. » Je grimace et hausse les épaules, tant pis après tout. Puisqu’on est là, autant jouer le jeu et tant mieux si tout ça a disparu au réveil – on n’y peut rien de toute façon.
Chacun les yeux rivés sur nos papiers respectifs, je constate avec une sensation étrange qu’on a visiblement tous les deux eu les mêmes choix pour tenter de retrouver nos corps. Je me disais qu’il était possible que les actions à effectuer soient personnalisées pour embêter au maximum la personne mais… il faut croire que mon rêve n’est pas si cruel. Bastien a l’air aussi incertain que moi, mais l’hésitation quand je lui réponds déborde à chacun de mes mots. « Ouais… je vais juste… faire ça aussi, je pense. Je me sens pas vraiment d’aller mettre mon nez dans les affaires des autres. Et le reste, ça me paraît vraiment… pas facile. » Encore une grimace confuse, j’observe les gens dans la salle et je n’ai vraiment aucune envie de les rejoindre, de débattre avec eux ni même de leur parler ou de m’en approcher. Résigné, je prends une longue inspiration et repose les yeux sur lui. « Donc euh… tu commences, ou je commence ? » Au moins, aussi difficile soit-il de m'ouvrir, ça sera avec le meilleur ami de Paco et pas n'importe quel péon qui pourrait se moquer de moi.