[INTRIGUE] Et si on changeait les rôles ?

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— La main sous le menton, elle n’est pas sûre de la proposition de son acolyte. Même son idée de se trouver un nouveau prénom a l’air bien moins intéressante maintenant qu’elles ont trouvé quelque chose de marrant à faire. D’un vague geste, elle balaye ses doutes et décide de ne plus s’inquiéter de tout ça. « Mh, je ne sais pas trop… Tant pis, ça viendra plus tard ! » Elle rend simplement son haussement d’épaules à Ana. La mine boudeuse, elle écoute la suite d’une oreille distraite – elle non plus, ne se souvient pas avoir fait la fête. C’est à la fois inquiétant et profondément inutile, comme information. Parce que peu importe ce qu’il se passe ici et pourquoi, elles ont les deux pieds dedans alors autant essayer de s’amuser ; elles auront le temps de s’en préoccuper plus tard. Surtout si ce n’est qu’un bad trip, alors tout redeviendra normal bien assez tôt. Elle finit par lâcher un petit ricanement à la réponse de la brune, heureuse d’avoir trouvé quelqu’un qui partage son point de vue.
Enfin, elle suit Ana jusqu’à un groupe de filles – enfin, de gars – dont les rires gras s’arrêtent brutalement quand elles s’approchent. Après avoir échangé un regard entendu, elle esquisse un sourire à sa salutation dénuée de toute politesse. D’humeur plus chaotique que jamais, elle s’approche à pas de loups et passe son bras autour des épaules de la plus petite avec un sourire charmeur. « Alors, ça vous fait quoi d’être… De l’autre côté du miroir... » Elle lève un sourcil, s’applique dans son rôle de gros lourd. Son regard passe plusieurs fois des yeux voilés d’incompréhension de son interlocuteur à sa poitrine proéminente sans qu’elle n’éprouve aucune gêne. « C’est chiant, hein ? Peut-être que maintenant que vous êtes à notre place, vous pourriez au moins avoir la décence de réaliser ce que vous nous faites subir tout le temps au lieu de vous tripoter. » La bouche en cœur, elle penche un peu la tête sur le côté et fait mine de montrer le monde avec sa main libre, tout en resserrant sa prise sur la personne à ses côtés. « Un monde entier de sensations nouvelles, une perspective fraîche sur la situation, une façon de se débarrasser pour de bon des stéréotypes et de comprendre les autres... » La voix laissée en suspens comme si elle venait de terminer une déclaration philosophique, elle perd son sérieux éphémère pour retrouver son rictus mauvais ; oh non, elle ne va pas les laisser tranquilles. « Tu devrais sourire, ça te rendrait plus jolie. » Elle lâche un soupir amusé. Ah, si elle avait su qu’un jour elle aurait enfin l’occasion de se venger de la sorte… Pour toutes les fois où on le lui a dit, elle met tout son mépris dans ses mots. Une longue inspiration plus tard, comme revigorée par l’air ambiant, elle affiche un sourire plus franc et un air rêveur. « En tout cas moi, je compte bien profiter de ce corps le plus longtemps possible ! Ah, tout ce que je pourrais faire si facilement, si j’étais vraiment un homme... »

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— Toujours un bras passé autour du coup d’une de ses victimes, elle sourit avec un certain dédain en lançant ses attaques répétées. Elle jette un regard suggestif à Ana au passage, à peu près sûre qu’elle aussi, apprécie le spectacle et la situation. Et soudain, avant même qu’elle n’ait le temps de soupirer ou ricaner, une légère fumée pailletée – à moins que ça ne soit de la poussière – vole un peu autour d’elle tandis qu’elle se sent respirer à nouveau. Transformation digne d’un dessin animé, elle a retrouvé son corps d’origine comme ça, en un claquement de doigts. Même ses vêtements, bien que similaires à ceux qu'elle portait jusqu'alors, sont de nouveau taillés pour une femme. D’abord incrédule, elle s’écarte légèrement de la personne à ses côtés pour vérifier que tout est en ordre. Mais rapidement, c’est la désillusion qui frappe, et elle affiche une moue boudeuse. « Ah bah… moi qui voulait rester un garçon encore un peu, il faut croire que j’ai vite décuvé. » Même Ana n’a pas l’air d’en croire ses yeux et vient lui toucher le bras comme pour s’assurer qu’elle n’est pas un mirage. Un peu déçue de voir les effets se dissiper aussi facilement, elle ne remarque pas tout de suite les victimes du jour essayer de lire et relire le papier. « Eh ! On n’en a pas fini avec vous. » Quand même heureuse d’être de nouveau elle-même et d'entendre le son de sa propre voix malgré l’interruption qu’elle a subi, elle ne demande plus qu’à voir comment ils vont répondre maintenant qu’ils savent que ça marche vraiment et qu’ils n’arrivent plus qu’à grommeler dans leur barbe disparue. Les bras croisés sur la poitrine, elle relève le menton et adresse un grand sourire à Ana en attendant de voir comment elle va s’y prendre pour leur en faire voir de toutes les couleurs.

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— Rassuré que Bastien veuille bien s’y coller en premier, je prends une longue inspiration. Il n’a pas l’air de savoir quoi faire, et pour être honnête, je n’ai absolument aucune idée de comment l’aider. Je hoche doucement la tête, comme pour l’encourager, mais je suis moi-même tellement crispé que je ne risque pas de lui apporter beaucoup de soutien. Quand il commence avec un peu d’hésitation, je retiens presque mon souffle tant j’ai peur de le couper dans son élan. Après quelques généralités, il ferme les yeux sans doute pour se concentrer ou réfléchir à quelque chose de plus profond à dire. Je reste silencieux, je me contente de grimacer quand il évoque les problèmes de mère nature dont je suis victime en ce moment. Quand il ouvre les yeux après avoir terminé, je le regarde avec beaucoup d’attentes, comme s’il allait soudainement exploser devant moi ou quelque chose du genre. Je ne sais pas trop quoi penser de son discours, j’imagine qu’il a parlé avec son cœur et que c’est ça qui compte. L’air incrédule quand il commence à briller d’une lueur étrange, j’ai les yeux écarquillés quand il se transforme soudainement pour reprendre son apparence habituelle – même ses vêtements ont l’air d’être retour.
Clignant des yeux plusieurs fois pour être bien certain de ce que je viens de voir, j’attends qu’il dise quelque chose. « Euh… c’était assez… impressionnant ? » Et je n’ai définitivement pas assez d’imagination pour avoir inventé un truc pareil, même en rêve. « Félicitations, ça a l’air d’avoir marché en tout cas. » La tête penchée sur le côté, je doute de plus en plus mais l’appréhension d’y passer moi aussi se fait aussi plus forte. Il va falloir que j’y arrive aussi.
Après avoir pris une longue inspiration, je passe une main moite dans mes cheveux longs. « Bon bah… quand faut y aller... » Je regarde un peu ailleurs, ça va être compliqué de faire ça en sachant son regard sur moi – surtout maintenant qu’il ressemble à lui-même et pas à une version féminine éphémère. « Je crois que… mis à part le fait que j’ai super mal au ventre, en fait ça va. Plus j’y pense… plus je me dis que je devrais peut-être rester comme ça. » Je soupire et grimace un peu, je n’y connais pas grand-chose en féminisme mais je me doute bien que je suis en train de me bercer d’illusion en pensant que tout aurait été plus simple pour moi si j’avais eu ce corps toute ma vie. « Ce que je veux dire c’est que… c’est différent, mais j’ai pas l’impression de pas être dans mon corps. Et puis, ça m’arrangerait pour beaucoup de choses. » Comme assumer ma relation avec Paco, par exemple – tout est tout de suite plus simple quand il n’y a qu’un seul homme dans l’équation, même si rien ne dit qu’il m’accepterait comme ça. Incertain, je relève les yeux vers lui avec une petite moue. Je me mords la lèvre, conscient que mes pensées sont encore plus confuses que moi. « Peut-être que si j’avais été une fille, les choses se seraient passées différemment avec ma sœur, et avec le reste de ma famille aussi. On aurait tous les deux été… sur un pied d’égalité ? Je sais que c’est moi l’héritier, et elle le trophée. J’imagine que maintenant je comprends pourquoi elle s’est battue bien plus fort que moi pour s’en détacher. » J’étouffe un rire amer en mettant enfin un mot sur nos positions respectives dans la famille, il n’a rien de pire que de ne pouvoir rien faire. Fille ou garçon, j’aurais quand même du être parfait pour une raison ou pour une autre et ça n’aurait jamais été assez. « Je l’ai pas mal… enviée, justement parce qu’elle est une femme et qu’elle a juste eu à se cacher derrière moi pour pouvoir être qui elle voulait. Moi j’ai pas eu cette chance. Si c’en est une. » La mine un peu dépitée, je ne sais plus vraiment où je vais avec ça mais j’ai joué le jeu comme on me l’a demandé. « Je crois que j'ai beaucoup à lui jalouser mais... pas ça. » Il y a un moment de silence qui suit ma conclusion, je ne sais pas trop si je devrais continuer à parler ou non.
Les bras écartés comme pour prouver ma bonne foi et le nez en l’air, je fais mine de m’adresser à cette déesse qui semble prendre un malin plaisir à me faire poireauter. « Est-ce que c’est bon ? » La voix un peu hésitante, j’observe mes mains reprendre leur forme habituelle une fois que l’onde glaciale qui me traverse a recouvert toute ma peau. Quand la vague arrive près de mon visage, je frissonne doucement et passe une main dans mes cheveux qui semblent avoir perdu leur longueur. Sans avoir à me regarder dans l’écran de mon téléphone, je me doute de ce qu’il vient de se passer. Un rapide coup d’œil à mes vêtements et je constate avec soulagement que la jupe m’a heureusement quitté en même temps que la poitrine que j’avais il y a encore quelques instants. Je finis par regarder Bastien à nouveau avec un sourire crispé sur le visage, et hausse les épaules. « J’imagine que oui. » Je soupire et me laisse tomber par terre contre le mur ; j’ai besoin de souffler cinq minutes même si la douleur s’est envolée maintenant. « Désolé pour… enfin, ça quoi. » En regardant droit devant moi, je réalise que j’en ai probablement bien trop dit, et des choses bien trop personnelles. Heureusement que c’est un rêve et que j’aurais oublié la moitié de ce qu’il vient de se passer au réveil – parce que je ne suis pas certain de pouvoir lui faire face à nouveau après lui avoir balancé tout ça. Avec un soupir amusé, je note que nos récupérations de corps respectives ont été bien différentes. « Je suis un peu déçu de pas avoir brillé. » Le nez légèrement froncé, je lui adresse un sourire mutin.

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— Finalement, Bastien et moi avons tous les deux retrouvé nos corps et nos visages habituels de la même façon. Et aucun de nous n’a explosé, ce qui me semble être à la fois étonnant et rassurant. Je lui souris doucement quand il me lance qu’il est content de me voir. « Mh, pareil. » Je décide de reprendre ma place initiale, assis contre le mur. J’ai besoin de souffler autant que de laisser un peu de temps à ma tête pour comprendre ce qu’il vient de se passer. « J’imagine, oui... » Il me rassure, mais en réalité, rien ne dit que cette fameuse déesse soit capable de déceler la vérité des mensonges ; j’aurais pu essayer de mentir ou de dire quelque chose de moins personnel pour éviter cet investissement émotionnel donc je vais devoir assumer le contrecoup. La remarque que je lance sur sa transformation tout en lumière a l’air de l’amuser, c’est déjà ça. « Je me souviens rarement de mes rêves mais c’est sûr que celui-là est mémorable. » Il me semble que la vague froide qui m’a rendu mon corps me lance encore quelques frissons. Quand il regarde autour de nous, je fais de même seulement pour voir des effets bien différents des nôtres et des esprits encore confus. Je soupire légèrement, incertain. « Je sais pas… On a beau être en train de dormir, j’ai l’impression d’être épuisé. » Je secoue la tête un peu de droite à gauche et relève les yeux vers lui. « Je suppose que tout le monde essaye de récupérer son corps à sa façon. » Haussant les épaules, je n’ai pas franchement envie d’aller me mêler des affaires des autres avant mon réveil.

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— Habituée à être le centre de l’attention, elle ne s’étonne pas outre-mesure des exclamations qui surgissent autour d’elle quand elle récupère finalement son corps. Ça s’agite soudainement, tout le monde commence à prendre la chose un peu plus au sérieux et à relire ce fameux petit papier. Elle ricane doucement, parce que pour une fois, elle aurait bien aimé que ce bazar dure un peu plus longtemps. Et puis, Ana semble vouloir prendre les choses en main à son tour, alors elle observe la suite des événements avec un petit sourire en coin, histoire de l’encourager. Les bras croisés contre sa poitrine, elle reste silencieuse et se contente de faire quelques mouvements de sourcils en direction des victimes choisies pour appuyer les propos incisifs de son acolyte. Et même si l’autre semble vouloir se défendre sans pouvoir faire grand-chose, Ana continue son opération. Soudainement transformée de haut en bas sous ses yeux ébahis, elle joint ses mains comme pour exprimer son émerveillement. « Magistral, c’était un vrai cas d’école. » Elle hoche doucement la tête pour appuyer son affirmation, convaincue que ce bad trip collectif prend une tournure qui lui plaît bien. Soupirant avec un certain mépris, elle jette un coup d’oeil dédaigneux aux garçons encore dans des corps de filles à côté d’elles en prenant le bras d’Ana au passage. « Je resterais bien pour vous surveiller, mais ça serait vous rendre service. Alors à plus les nazes ! » Inutile de rester là plus longtemps, elle n’est pas là pour leur apprendre la vie non plus. Et puis, maintenant qu’elles ont retrouvé leurs corps toutes les deux, elles sont libres comme l’air – et de l’air, elle en aurait bien besoin.