Sujet commun + 31 Décembre 2019

|	first night, blood night ; ft. Everyone

— Après le désastre de la veille, cette soirée d’ouverture de la nouvelle boite en vogue dans son quartier est une bénédiction. Dirigée par deux étudiants, en plus ? Le rêve, elle n’allait rater ça pour rien au monde. Dommage que ça soit deux mecs, sinon, elle leur aurait peut-être proposé un partenariat avec la marque qu’elle essaye de monter. Peut-être, mais ça ne se fera pas de toute façon. Curieuse de voir l’endroit, elle s’y dirige avec une assurance non feinte. Toujours élégante, elle porte une veste de costume à rayure par dessus son soutien-gorge noir et un pantalon près du corps du même ensemble. Les cheveux libres cette fois-ci, elle se recoiffe rapidement d’une main entre ses mèches blondes une fois qu’elle s’est débarrassée de son manteau en fausse fourrure au vestiaire. Le Blood Night n’étant pas très loin de l’immeuble où elle a son appartement, elle s’est décidée à s’y rendre à pieds malgré les dix centimètres en plus que ses chaussures lui autorisent.
Pas timide ou réservée, elle fait son entrée royale comme si elle avait été attendue toute la nuit et regarde un peu autour d’elle en distribuant des sourires à qui veut bien les recevoir. Le maquillage presque léger ce soir, elle a anticipé la chaleur humaine des boites de nuits qui rendent les poudres et couleurs désagréables, même si l’air du dernier jour de l’année se fait encore plus froid que prévu après cette tempête de neige. En espérant qu’ici, les choses se passent pour le mieux. Est-ce qu’elle devrait commencer par prendre un verre, ou trouver quelqu’un avec qui se déhancher au milieu de la foule ?

|	first night, blood night ; ft. Everyone

— Réveil difficile alors que la soirée est déjà entamée, j’ai du mal à me remettre les idées en place après hier soir. Je me rends compte avec une grimace que j’ai dormi toute la journée, et je ne sais même pas à quelle heure commence la soirée de Paco. L’énorme gueule de bois que je trimbale jusqu’à la douche ne m’aide pas à y voir plus clair, mais je fais quand même un effort ; ce ne serait pas correct de ma part de manquer ça alors que c’est son grand jour.
Incapable de retrouver mes clés de voitures que je me souviens vaguement avoir données à quelqu’un, je décide d’y aller à pieds. De toute façon, même si le Blood Night n’est pas à côté, je suis déjà bien assez en retard pour qu’une heure de plus ou de moins n'y change rien. Même si l’idée du taxi m’a effleuré l’esprit, je compte sur l’air vivifiant du dernier jour de l’année pour me réveiller un peu.
Et une fois arrivé sur place, la fête bat déjà son plein. Peu désireux de me faire remarquer comme hier soir, je me fais discret en me débarrassant de mon manteau. J’observe un instant les visages dans la foule, et tandis que mon cœur rate un battement, j’aperçois sans mal Paco au bar dans sa chemise rouge. Fronçant un peu les sourcils, je constate les marques sur son visage. C’est vrai, la bagarre me revient en mémoire. Doucement, je m’approche avant de m’interrompre brusquement en entendant les voix criardes d’Axl et sa copine l’interpeller. Vraiment partout où il ne faut pas, celui là. Je reste en retrait un instant, en attendant qu’il finisse par trouver quelqu’un d’autre à embêter.

Assourdi par la musique ambiante et le mal de tête qui me suit sans relâche, je finis par aller vers Paco en glissant entre les gens déjà éméchés ou rendus euphoriques par l’ambiance. Les avant-bras posés sur le bar, j’esquisse un petit sourire en le voyant. « Hey. » Baissant un peu la tête pour cacher une expression trop heureuse, je garde le ton de ma voix suffisamment bas pour me permettre d'espérer que lui seul m’entende. « J’imagine que je vais pas avoir besoin de vider ton bar pour faire tourner l’affaire, finalement. » Un rictus sur le bord des lèvres, je me retourne un peu pour observer la salle comble. On peut dire que sa soirée est une réussite, il peut être fier de lui. Et puis, je reporte de nouveau mon attention sur lui. « Est-ce que c’est toi qui a mes... » Mais je n’ai pas le temps de terminer ma phrase ; du coin de l’œil, je vois le petit brun avec qui je suis parti à l’aventure hier – en compagnie de la rousse, que je ne vois nulle part pour l’instant. Ah, alors c’est de là qu’ils se connaissent. Ça me rassure un peu, ça veut dire qu’il savait ce qu’il faisait quand il l’a maîtrisé lors des échanges musclés. Je me racle un peu la gorge, le regard fuyant. Pas question de me vendre devant lui, surtout que j’ai déjà du lui dire un tas de trucs bizarres hier vu le nombre de verres que j’ai avalés. Au moins moi, je ne suis pas violent quand j'ai bu – juste... bête, et drôle parfois. « Je vais prendre un truc sans alcool, n’importe quoi. » L’air de rien, je sors mon portefeuille de la poche arrière de mon pantalon.

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— Un peu étonné par son attitude froide et presque occupée, je mets ça sur le compte du stress. Parce que, qu’est-ce que ça pourrait être d’autre ? L’envie de lui demander ce qu’il y a me brûle la langue, mais je me retiens. Il n’a pas besoin de ça, j’imagine que c’est normal qu’il ne soit pas au top de sa forme après la bagarre d’hier et les événements d’aujourd’hui qui ont l’air de s’enchaîner. J’espère que c’est ça, du moins. J’ai l’impression qu’il me fuit malgré sa réponse, ça me tord les entrailles et ça me tue en silence.
Mais finalement, il me regarde et je sens mon cœur repartir. Les yeux dans les yeux, je hoche la tête doucement. « Mh, d’accord. » Il ne s’arrête jamais de servir les autres pour moi, j’observe ses gestes comme si c’était la première fois que je le voyais. Je ne compte pas boire ce soir, alors il n’aura pas de raison de garder mes clés. Le lâche un soupir amusé et sens mon corps entier se détendre quand il me demande si je suis malade. « Ah, non t’inquiète pas. En fait, je me suis réveillé il y a une heure et demi et j’ai pas fini de décuver d’hier. Du coup, pour moi c’est plutôt l’heure des chocapics que du mojito là. » Un pâle sourire sur le visage, je n’ai pas de honte à l’admettre si c’est à lui que je le dis. On ne peut pas dire que tout aille pour le mieux dans ma vie actuellement, mais ce n’est pas vraiment l’alcool le problème.
Il est bizarre, ce soir. Pourquoi il en fait tout un plat parce que je veux payer mon verre ? La question de l’argent n’a jamais été un problème entre nous ; alors quoi, il a des regrets sur la façon dont on s’est partagé les dépenses à Séoul ? J’attrape la bouteille d’une main, toujours perplexe. « Quoi ? » Les couronnes à peine sorties, je sens son regard lourd sur moi et je ne sais pas trop quoi en penser. Je balance un peu ma tête de gauche à droite pour lui faire comprendre que ce n’est rien mais je n’arrive pas à me dérider. « Ça me dérange pas de... »
Une ombre se pose à côté de moi, et bien évidemment, c’est celle de la harceleuse. Elle n’a pas l’air de réaliser tout de suite que je suis juste à côté quand elle commence à commander, mais elle s’interrompt bien vite. S’en suit un très, très long moment où la tension palpable ne retombe pas ; mais je ne dis rien. On sait tout les deux pourquoi il n’y a rien à dire, et le dédain dans mes yeux parle autant que son soupir. Réflexe infortuné, je ne me rends compte que j’ai retenu ma respiration que quand elle s’en va et que j’expire enfin. Je me retourne alors vers le bar alors que j’y suis toujours accoudé, les lèvres un peu pincées – comme si j’avais besoin d’hésiter pour lui demander. « Euh, Paco... » C’est un sujet difficile à aborder, et il m’en voudra probablement de lui avoir posé la question dans un moment pareil. Mais je n’aurais peut-être pas d’autres occasions et j’ai besoin de savoir si elle me suit partout à cause de ce que je suis pour lui. « Tu vois la fille qui vient de partir… ? Est-ce que c’est une de tes ex ? » Je détourne un peu les yeux, en ayant peur de la réponse. Ce serait bien ma veine d’avoir deux harpies à mes trousses pour quelque chose qui est censé être un secret.

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— C’est étrange de revenir à cette fausse distance entre nous alors qu’on a passé une semaine ensemble ; c’est comme si j’avais perdu l’habitude tout à coup. Alors, je ne commente pas et je le laisse faire son travail même si l’envie de tout envoyer valser pour faire uniquement ce que je veux me ronge. Une moue faussement boudeuse, je me résigne pour l’instant à ne rien payer pour ma bouteille – je trouverais bien un moyen de lui filer cet argent, qu’il le veuille ou non.
Quand Moon-jeong s’en va enfin et que je lui pose la question tant redoutée, il se contente de rire. A vrai dire, sa réponse me soulage autant qu’elle m’accable : je n’aurais pas à gérer une Caly numéro deux, mais j’ai quand même une harceleuse sortie de nulle part sur les bras. Je grimace cependant en entendant son avis sur la question. Une autre fille ? Il a déjà assisté à la dispute avec Selver hier, alors de qui est-ce qu’il peut bien parler ? Ma terrible dernière rencontre avec mon ancienne camarade de déjeuner à l’université me revient en mémoire. « Ah… t’es au courant pour Heidi. » Je détourne un peu les yeux ; je ne sais pas comment il l’a appris, mais ce n’est pas le genre de choses que j’aurais voulu qu’il sache sur moi. Malgré tout ce que j’espère, il finira quand même par découvrir toutes les tares que j’essaye de cacher un jour. « Je devrais peut-être lui parler, j’ai été horrible avec elle. » Un commentaire lancé dans le vide, à voix basse, mon ton est presque résigné. Peut-être qu’il s’en fiche de cette situation et que pour lui ça n’a pas d’importance que je veuille me rattraper ou non. Finalement, je repasse sur le sujet du moment sans trop m’attarder sur la blonde à qui je dois probablement des excuses. « Mais non, aucun rapport avec elle. En fait, je crois qu’elle me suit partout et en plus elle prend des photos de moi. C’est pour ça, je me posais la question. » Je hausse les épaules et soupire, comme si je ne pouvais rien y faire. En réalité, ça m’inquiète un peu qu’elle ait mis le grappin sur ma sœur hier. Même si je n’ai encore pas vu de photos de moi sur son compte Instagram, je reste profondément méfiant à son égard. Elle ne m'inspire vraiment rien qui vaille. « Je comprends pas c’est quoi son problème avec moi. » Laissant encore une moue faiblarde traîner sur mon visage, je finis par ouvrir ma bouteille et en boire une gorgée en le regardant s’éloigner du coin de l’œil. Il est vraiment occupé ce soir.
En me retournant vers le bar, je croise le garçon d’hier soir – serveur ici apparemment. Un sourire mauvais sur les lèvres, je l’interpelle facilement et lui fais signe d’approcher. « Hey. » Ressortant le billet de ma poche, je le lui tends sans faire d’histoires en dodelinant un peu de la tête. « Pour la bouteille, et ne le dis pas à Paco. »